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Le lendemain, dimanche, je devais aller avec Gemar Yumtso dans la famille de Rinqen Zhuoma. Elle et son frère, qui atteint maintenant 1m80, comme son père, viennent nous chercher en taxi. Nous visiterons d’abord, sous une pluie fine, le temple Longwu, le plus ancien de la secte Geluk, construit en 1301, et occupant aujourd’hui 1700 m2.
Avec mes deux ainées, à Longwusi.
Nous ferons une visite rapide, sous une pluie fine, avant de nous diriger vers le village de Renqin Drolma, Jiangshenjia.
Je retrouve avec plaisir ses parents, un peu vieillis. La « photo de famille », dont j’ai l’honneur de faire partie, est toujours affichée dans la salle de réception.
Renqin Drolma me montre fièrement ses titres et licences durement gagnés.
Sa mère s’est blessée à une jambe en travaillant dans les champs il y a quelques jours. Mais je m’inquiète de voir sa bouche paralysée.
Renqin Drolma m’explique: un jeune homme de 19 ans est mort noyé la veille. Dans chaque famille qui lui est liée, une personne doit garder silence et jeûner une journée entière en signe de deuil, et c’est sa mère qui joue ce rôle. Mais en cas de besoin, elle parlera d’un côté de la bouche seulement, comme en cachette.
Puis, nous partons déjeuner dans une autre famille apparentée, qui procède aujourd’hui à une cérémonie exceptionnelle. Dans la salle « de prières », une dizaine de lamas récitent des soutras toute la journée pour le
jeune défunt.
En même temps – mais indépendamment – se déroule l’autre cérémonie. Le chiffre 1000 est considéré comme la parfaite entité; afin de préparer un monde meilleur pour la prochaine génération, la famille va bruler 1000 bâtons d’encens; lancer 1000 pétards; allumer 1000 lampes à beurre. Dans le cas présent, la famille possède 84 gobelets de bronze; on reprendra donc l’opération plusieurs fois pour un total de mille lampes, avec lavage et polissage des gobelets suivant chaque séance. Les femmes exécuteront des prostrations de la longueur de leur corps, en diverses séances jusqu’au total de 1000. Ce dernier exercice requiert beaucoup d’énergie et est très fatigant, de même qu’il est difficile à décrire en mots, mais les lecteurs auront eu l’occasion de voir de quoi il s’agit dans n’importe quel documentaire sur les pratiques tibétaines, probablement.
Tout cela se déroule pendant un repas copieux préparé pour la famille et les invités. Cette cérémonie a lieu une fois par famille. Toutefois, si l’on dispose de moyens, on peut la répéter autant de fois qu’on le veut.
En fin d’après-midi, Huadanjiap va remplacer sa jumelle Huadantso à la garde des vaches dans la montagne afin qu’elle puisse venir nous rencontrer. Comme ils ont grandi, les jumeaux! Je suis maintenant la plus petite de tous! Puis, nous nous acheminons vers la route où nous trouverons une voiture pour nous ramener chez Sonam Dorjee.
Comme il me plait de retrouver ces lieux où j’ai plusieurs fois passé de beaux jours! Et de voir aujourd’hui Renqin Drolma se lier d’amitié avec Gemar Yumtso, mes deux « ainées » et toutes deux diplômées en médecine tibétaine!
Depuis ma visite précédente, l’État a pavé tous les sentiers d’entrée des maisons du village; on a aussi éclairé les rues. Le village est entièrement électrifié et les fils qui traversent les airs sont aux couleurs tibétaines, rappelant les bannières de prière qui flottent dans le vent (rouge, vert, jaune, blanc; il manque le bleu parce qu’il ne faut que quatre fils, je suppose). Les deux jeunes femmes échangent sur les améliorations réalisées par l’État, chacune dans sa province respective – Yunnan et Qinghai, et dans son village. Elles comparent l’architecture, qui diffère passablement, et la répartition des champs agricoles, les cultures possibles à une altitude dépassant 3000 mètres aux deux endroits (pas de riz ni de blé, entre autres cultures), de même que certaines traditions religieuses ou culturelles, et leurs dialectes. Je marche derrière elles et les écoute, émue.
En ce dimanche soir, Gemar Yumtso ira au lit dès 21h, car demain matin, elle quittera la maison à 5h pour se rendre à l’aéroport. Toutefois, dès 11h30, son texto m’annonce qu’elle est parvenue à Lijiang; il ne lui reste que 10 heures de route à parcourir pour arriver chez elle.
Pour ma part, il me reste des gens à voir que je ne réussis pas à joindre. Ma dernière journée, la cinquième, sera celle que je passerai avec Kamaojia. Je prendrai mon dernier diner chez elle, jouissant de l’excellente cuisine de sa mère – des mets simples mais succulents. La brave femme ne me laissera pas partir sans un pain de 3 kg qu’elle vient de cuire pour moi, ainsi qu’un kilo de suyou (beurre) et un sac de précieux zhouma (cordyceps), la seule richesse naturelle des Tibétains du Qinghai, pourtant en voie de disparition.
Source:french.china.org.cn |