Personnalité interviewée: Zhang Yan, ambassadeur de Chine en Inde
Sujets de l'Interview
Il y a 60 ans, le 1er avril 1950, la Chine et l'Inde ont établi des relations diplomatiques officielles. En 2010, en cette année importante du développement de leurs relations, les deux pays célébreront le 60e anniversaire de cet événement, et organiseront respectivement la « Fête de la Chine » et la « Fête de l'Inde ». La présente interview a pour but de jeter un regard rétrospectif sur l'évolution des relations sino-indiennes de ces 60 dernières années et de commenter la position et le rôle des deux pays dans les relations internationales actuelles et d'envisager le développement ultérieur de leurs relations.
Contenu de l'interview :
1. En décembre 2007, vous avez été nommé ambassadeur de Chine en Inde. Deux ans se sont écoulés depuis. Voulez-vous parler brièvement de vos impressions sur ce pays. Sont-elles différentes de cette Inde que vous avez connue auparavant ? Avez-vous des découvertes et des connaissances nouvelles ?
L'Inde est un pays à la fois ancien et jeune. Elle est un pays émergent qui possède une brillante civilisation et manifeste une grande vitalité. Durant ces deux dernières années, j'ai une forte impression que l'Inde offre un contraste très frappant et une grande diversité dans les domaines politique, économique, culturel et religieux. A la fin de leur mandat, les diplomates ayant travaillé quatre ou cinq ans en Inde ont un même sentiment : ils ne comprennent pas très bien ce pays, qu'il y a encore de nombreux problèmes et phénomènes qu'ils doivent connaître et étudier. En tant que l'ambassadeur de Chine, j'ai été fortement impressionné par le fait qu'il y a de nombreuses similitudes entre la Chine et l'Inde qui avaient des échanges amicaux depuis très longtemps et que le public indien éprouve une amitié particulière pour la Chine et que de plus en plus d'Indiens désirent connaître la Chine.
2. Voulez-vous donner une appréciation historique et actuelle des relations sino-indiennes ?
L'amitié sino-indienne remonte à une époque lointaine. Déjà sous la dynastie Han (206 av.J.-C.-220), le bouddhisme a été introduit de l'Inde en Chine. Le moine Fa Xian (337-422) et le moine Xuan Zang (602-664), vivant respectivement à l'époque Jin et à l'époque Tang, se sont rendus en Inde à la recherche du canon bouddhique. Leur voyage en Inde reste à nos jours une belle page de l'histoire des échanges culturels entre la Chine et l'Inde. Le bouddhisme est aussi devenu une importante partie composante de la civilisation chinoise. A l'époque moderne, les deux pays se sont témoigné mutuellement la sympathie et le soutien dans leur lutte pour l'indépendance et la libération. Le Parti du Congrès indien a envoyé une équipe médicale pour soutenir la guerre de résistance du peuple chinois à l'agression japonaise. Le docteur Dwarkanath Shantaram Kotnis a donné sa vie pour la cause de la libération du peuple chinois. Il restera toujours présent à notre mémoire. Dans les années 1950, nos deux pays ont avancé ensemble les cinq principes de la coexistence pacifique, qui restent à nos jours les principes importants régissant les relations entre États. Au XXIe siècle, les relations sino-indiennes ont connu un progrès substantiel et les deux pays ont établi entre eux des relations de partenariat stratégique, de sorte que leur coopération pragmatique ne cesse de se développer dans tous les domaines. Les deux pays se coordonnent et coopèrent étroitement dans les affaires internationales et régionales. Actuellement, la relation sino-indienne constitue l'une des plus importantes relations bilatérales du monde, et revêt de plus en plus une signification mondiale et stratégique. Il va sans dire que leurs rapports ont connu aussi des revers. Mais, tout comme l'a indiqué le premier ministre Wen Jiabao, au cours des deux mille ans de leurs relations, le beau temps de l'amitié en représente 99,9%. C'est le meilleur résumé des relations sino-indiennes.
3. Au cours des 60 ans qui ont suivi l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et l'Inde, les relations bilatérales ont connu des « vents et pluies ». D'après vous, quels sont les principaux problèmes qui affectent les relations entre les deux pays ? Où en réside la cause profonde ? Peuvent-ils éviter ces problèmes dans leurs contacts ultérieurs ? Comment les éviter ?
Ces dernières années, dans l'ensemble, les relations sino-indiennes se développent favorablement. Mais, il est inévitable qu'il s'y produise des frictions et des divergences à un temps indéterminé, sur tel ou tel problème, comme dans toutes les relations bilatérales. Le manque de compréhension et de confiance entre les deux pays et les deux peuples est le problème fondamental des relations sino-indiennes. Bien qu'ils soient pays voisins, j'ai constaté, dès mon arrivée en Inde, que la compréhension mutuelle était très insuffisante entre les peuples des deux pays, ce qui entrave l'expansion des relations bilatérales. Ensuite, à ce facteur s'ajoutent des problèmes non résolus hérités de l'histoire, comme le problème frontalier. A mon avis, il est impérieux aux deux pays de conjuguer leurs efforts et de prendre des mesures efficaces afin d'accroître la compréhension et la confiance entre eux, ainsi qu'entre leurs peuples, de créer une atmosphère favorable aux relations bilatérales et de réunir les conditions propices à la solution judicieuse des problèmes historiques et actuels existant entre eux.
4. Durant les six derniers mois de 2009, les relations sino-indiennes ont connu des frictions incessantes. Des divergences existent toujours entre les deux pays sur les problèmes de frontières et du dalaï lama. Que les deux parties ont-elles fait pour résoudre ces problèmes ?
Pendant la seconde moitié de 2009, le tapage provoqué par des médias sur les problèmes sensibles concernant la Chine et l'Inde a affecté leurs relations. Tout le monde sait que l'histoire leur a laissé certains problèmes, dont une solution adéquate sera de la plus haute importance. Sur le problème frontalier, les deux parties ont établi un mécanisme de dialogue, et leurs représentants spéciaux ont eu 13 séries d'entretiens et obtenu des résultats positifs. Les deux parties sont tombées d'accord qu'avant le règlement du problème frontalier, elles sauvegardent en commun la paix et la tranquillité aux régions frontières. En même temps, elles ont consenti à ce que le problème frontalier ne doive pas affecter et entraver le développement global des relations entre les deux pays. En réalité, grâce aux efforts communs des deux parties, la paix et la tranquillité régnaient ces dernières années dans l'ensemble des régions frontières, où n'ont pas apparu l'affrontement et la tension décrits par les médias. Sur le problème relatif au Tibet, le gouvernement indien a déclaré plus d'une fois qu'il reconnaissait que la région autonome du Tibet faisait partie de la République populaire de Chine et avait promis de ne pas permettre à la clique du dalaï lama d'utiliser le territoire indien pour entreprendre des activités politiques antichinoises. La partie chinoise espère que la partie indienne pourra honorer ses engagements et distinguer la vraie nature du dalaï lama, qu'elle prendra en considération l'intérêt général de la sauvegarde des relations bilatérales et interdira à la clique du dalaï lama de porter atteinte aux intérêts de la Chine et aux relations entre les deux pays, que ce soit en paroles ou en actes.
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