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Guo Peiji, le mari de Liu Guixian, a accordé une interview à une chaîne télévisée finlandaise.
Toujours rester dans le hutong
En octobre 1981, les Décisions prises par le Comité central du PCC et le Conseil des affaires d’État sur la résolution des problèmes de l’emploi et la réactivation de l’économie par tous les moyens ont été promulguées. Elles stipulent que « les travailleurs indépendants sont également des travailleurs du pays socialiste ». Les restaurants privés émergeaient alors dans la ville de Beijing comme des champignons après la pluie.
Par la suite, les affaires du restaurant ont été florissantes. En quelques années, la famille a gagné une grosse somme d’argent. Au moment de l’ouverture, Liu Guixian avait emprunté 500 yuans à la banque. En moins de trois mois, elle s’était acquittée de sa dette. À ce moment-là, il était interdit d’embaucher des travailleurs. Les cinq enfants ont tous donné des coups de main dans le restaurant. Deux fils travaillaient tous les jours avec Liu Guixian. Les aînés donnaient des coups de main après le travail. Pendant la haute saison, tous les membres de la famille travaillaient dans le restaurant : fils, belles-filles, fille, gendre.
En 1992, Liu Guixian a ouvert le deuxième restaurant dans le même hutong Cuihua, baptisé « Yuexian », à quelques dizaines de mètres du restaurant Yuebin. Sa fille Guo Hongyan a démissionné de son poste dans une entreprise publique et s’est mise à travailler toute la journée dans ce restaurant.
Avec le développement de l’économie privée, le restaurant a connu également des changements. La petite-fille du couple Guo Hua se rappelle : son père a été critiqué maintes fois par sa grand-mère en raison de la comptabilité et des affaires fiscales. « Peut-être, est-ce pour cette raison que mon père m’a envoyée faire des études en comptabilité. »
38 ans ont passé depuis. Toutes sortes de restaurants se sont nichés dans les rues de Beijing, offrant toutes sortes de délices. Cependant, le restaurant Yuebin est toujours là, dans le hutong, l’intérieur est toujours le même qu’il y a trente ans.
Le temps passe lentement dans ce restaurant. Le menu n’a pas changé non plus. Les plats principaux sont toujours les mêmes, servis dans des assiettes blanches. On utilise toujours le boulier-compteur pour calculer au moment de l’addition. On doit payer en argent comptant, mais maintenant, le paiement par portable est accepté.
Le chef cuisinier travaille ici depuis une dizaine d’années. Originaire du Gansu, He Jianjun a été recruté en 2005. Au début, il était serveur, puis il a fait toutes sortes de boulots dans la cuisine avant de devenir le chef cuisinier. Maintenant, il transmet son art aux jeunes de la famille des Guo. « L’art culinaire que j’ai appris ici ne s’applique pas dans les grands restaurants. La façon de préparer est différente. J’ai aussi travaillé dans des grands restaurants pendant un certain temps. Mais je suis revenu ici car on utilise encore des sauces de soja et du vinaigre pour préparer les plats », explique He Jianjun. Au cours de ces dix années, He Jianjun a fait la connaissance de sa femme dans le restaurant. Ils ont déjà un fils. Dans sa vie, le restaurant est devenu incontournable.
Le petit restaurant est aussi étroitement lié à la vie des voisins. Le 11 avril, à midi, Liu Fen, 76 ans, avec trois amies, attend que les places se libèrent pour entrer et prendre un repas. « Depuis l’ouverture du restaurant dans les années 1980, je viens souvent y manger. Je connais le couple propriétaire ; à l’heure actuelle, c’est leur belle-fille qui s’occupe du restaurant. Je mange souvent les boulettes frites », raconte Liu Fen.
La société chinoise a connu des changements fulgurants. Le restaurant niché dans la ruelle n’a pas été épargné, bien qu’il n’ait pas beaucoup changé. Il n’offre pas de service de livraison à domicile et il ne s’est pas agrandi. Il n’a pas ouvert de succursales.
Certains internautes postent des commentaires expliquant que le restaurant Yuebin s’accroche à son passé. D’autres pensent que le restaurant ne vit pas avec son temps.
En réalité, tous les changements possibles ont été discutés au sein de la famille. Par exemple, il y a des personnes qui ont proposé de participer au capital du restaurant. Après réflexion, les Guo ont refusé, parce qu’« il n’y a pas d’espace supplémentaire, le hutong n’étant pas large. Sans le hutong, le restaurant n’est plus lui-même ».
Selon Guo Hua, petite-fille du couple, depuis des dizaines d’années, l’énergie de toute la famille a été consacrée au restaurant, il faut donc être prudent avant de prendre des décisions. « Nous voulons garder la marque et les caractéristiques créées par notre grand-père et notre grand-mère. »
Le restaurant de la troisième génération a connu des changements et des révolutions. « Notre grand-père et notre grand-mère travaillaient dur et ils ont fait beaucoup d’efforts pour maintenir le restaurant. Maintenant, nous devons résoudre les nouveaux problèmes et perpétuer le restaurant », conclut Guo Hua.
Par WANG JIAHUI est journaliste du quotidien The Beijing News.
Source:french.china.org.cn |