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La cérémonie d’ouverture de restaurant Yuebin en 1980
Le hutong (ruelle) Cuihua se trouve à l’intérieur du deuxième périphérique, proche du Musée des beaux-arts de Chine. Vers midi, l’air du hutong est chargé de l’odeur des plats et nous guide à un petit restaurant. Sur sa façade est accroché l’enseigne « Yuebin ».
L’ouverture anticipée
Le restaurant est discret. La porte est si étroite qu’elle ne laisse passer qu’une personne. Sur le panneau on peut lire « Le premier restaurant privé ». Peu de personnes savent que ce restaurant, à la décoration un peu désuète, a soulevé la vague des restaurants privés à Beijing et même dans tout le pays.
Il y a quarante ans, l’économie privée était une expression empreinte de l’idée de « classe » en Chine. Le 9 avril 1979, le Conseil des affaires d’État a proposé pour la première fois le rétablissement et le développement de l’économie privée, donnant le feu vert à la délivrance du permis commercial aux travailleurs indépendants qui se lanceraient dans le secteur tertiaire.
En 1980, Liu Guixian et son mari Guo Peiji ont ouvert le restaurant privé Yuebin et ont obtenu le premier permis commercial de restauration de Beijing sous le numéro 001.
Jambonneau à l’ail, crevettes décortiquées sautées, chou chinois avec gluten… ces plats phares et encore fumants présentés sur la première page du menu sont servis dans des assiettes en porcelaine blanche. Les cuisiniers changent, et le restaurant est désormais confié aux mains de la troisième génération de la famille. Mais les plats sont toujours préparés selon les recettes élaborées par Liu Guixian il y a 38 ans.
À l’époque, Guo Peiji était cuisinier dans une entreprise publique et son salaire mensuel était d’une trentaine de yuans (un dollar équivalait 1,53 yuan à l’époque). Liu Guixian travaillait par intermittence — elle faisait la cuisine chez un haut fonctionnaire. Le couple avait quatre fils et une fille. Toute la famille ne dépendait que du salaire de Guo Peiji. Au début des années 1980, « les jeunes en attente d’un travail » était devenue une expression nouvelle, beaucoup ne trouvaient plus aussi facilement un emploi.
En 1979, Deng Xiaoping avait indiqué que l’ouverture des restaurants, des boutiques et des bars privés était autorisée pour créer plus d’emplois. Devenir travailleur indépendant était l’un des moyens pour résoudre le problème du chômage. En février 1979, l’Administration nationale de l’industrie et du commerce avait soumis un rapport au gouvernement central proposant que les gouvernements locaux pourraient permettre aux travailleurs indépendants de se lancer dans la réparation, les services et l’artisanat à la condition de ne pas embaucher de la main-d’œuvre. Ce rapport a été le premier sur l’économie privée que le Comité central du Parti communiste chinois (PCC) et le Conseil des affaires d’État aient entériné.
Le jour où Zeng Xianzhi, l’ancienne femme de Ye Jianying (l’un des dirigeants du PCC et du pays) est retournée à Beijing après avoir visité le Royaume-Uni, elle a voulu goûter les plats de Liu Guixian. « Au moment du repas, Mme Zeng a dit à ma femme que les plats servis dans les restaurants chinois à l’étranger n’étaient pas comparables à ceux préparés par elle. Elle lui a proposé d’ouvrir un restaurant à Beijing qui attirerait certainement beaucoup de clients. Mais nous n’osions pas penser à cela. Ensuite, Mme Zeng nous a pressé encore une fois de le faire, et nous avons écrit une demande », se rappelle Guo Peiji. Lorsque la demande est rédigée, le problème pour Guo Peiji et sa femme était de savoir où la déposer. Ils sont allés au Bureau de quartier pour faire apposer le sceau sur la demande, mais le personnel a indiqué : « Il faut encore avoir un permis commercial. »
Par la suite, Liu Guixian est allée au Bureau de l’industrie et du commerce de l’arrondissement Dongcheng pour demander un permis commercial. À ce moment-là, on avait déjà délivré des permis commerciaux aux travailleurs indépendants dans la filière de la réparation et de l’artisanat, mais pour d’autres filières, la politique n’était pas précise. « Liu Guixian m’a profondément marqué. D’autres personnes sont parties quand il n’y avait pas de résultats, mais Liu Guixian est venue tous les jours pendant un mois pour se renseigner. Elle s’est avérée très déterminée et patiente », se rappelle Jin Yunping, alors directeur adjoint du Bureau de l’industrie et du commerce de l’arrondissement Dongcheng.
« Nous voulions procéder à des expériences pilotes. L’équipe dirigeante du bureau a discuté et s’est mise d’accord pour faire une exception dans le cas de Liu Guixian », ajoute Jin Yunping. Comme il n’y avait pas d’exemple de permis commercial, on en a écrit un, Jin Yunping l’a signé et y a apposé le sceau. C’est ainsi que Liu Guixian a obtenu le premier permis commercial pour un restaurant privé à Beijing après la réforme et l’ouverture.
Une des trois pièces a été aménagée en restaurant. Les matériaux de construction pour la cuisine ont été empruntés à l’entreprise où Guo Peiji travaillait. Liu Guixian a acheté quatre tables et quinze chaises de deuxième main ; elle a trouvé encore un seau de fer qui a été transformé en four.
Le couple avait envisagé d’ouvrir le restaurant le 1er octobre 1980. Le matin du 30 septembre, Guo Peiji a demandé un congé à son employeur et Liu Guixian a voulu faire la cuisine pour essayer le four. Elle avait dépensé 34 yuans, tout ce que la famille possédait, et acheté quelques canards. Elle voulait préparer quelques plats pour que ses voisins puissent les goûter.
Lorsque Guo Peiji est rentré à la maison à midi, la ruelle était bondée et beaucoup de personnes faisait la queue qui s’étirait jusqu’à l’entrée de la ruelle. Un de ses voisins lui a dit : « Ton restaurant s’est ouvert, tu vas au travail ? Rentre, il y a beaucoup d’étrangers ! »
Source:french.china.org.cn |