Le charme des fêtes traditionnelles chinoises est allégué à la nourriture : les gâteaux de lune de la Fête de la Mi-Automne, les boulettes sucrées le jour de la Fête des Lanternes, et les boulettes glutineuses de riz durant la Fête des Bateaux-dragons (Duanwu).
Mais à l'approche de la Fête des bateaux-dragons, nombreux sont ceux qui se demandent si la Chine moderne n'a pas perdu l'esprit des festivités traditionnelles.
Mardi, durant la Fête des bateaux-dragons, les femmes au foyer envelopperont du riz glutineux dans des feuilles de bambou ou de roseau puis jetteront aux poissons les boulettes dans les rivières en échange, selon la tradition, du corps d'un poète patriote qui s'est noyé il y a plus de 2.000 ans.
Le poète, Qu Yuan, a vécu dans le Royaume Chu durant la période des Royaumes combattants (475 av.J.C- 221 av.J.C). Il s'est noyé dans la rivière Miluo, dans la province actuelle du Hunan en 278 av.J.C, au cinquième jour du cinquième mois du calendrier lunaire chinois, avec l'espoir que sa mort incite le roi à revitaliser le royaume.
La date est restée depuis celle de la Fête des bateaux-dragons ou Fête Duanwu, durant laquelle les pêcheurs locaux rament des bateaux-dragons le long de la rivière Miluo à la recherche de Qu Yuan et pour disperser des boulettes de riz glutineux dans l'eau afin d'empêcher les poissons de manger le corps du poète.
Mais à mesure de l'amélioration de la qualité de la vie des Chinois, on trouve de plus en plus facilement le traditionnel encas et « le Jour des boulettes de riz glutineux » a perdu de son intérêt.
Certains hôtels et des sociétés agro-alimentaires ont embelli l'encas grâce à des emballages cadeaux luxueux incluant les boulettes, des oeufs salés, du vin et même des ormeaux et des ailerons de requin qui se vendent à environ 2.000 yuans le coffret.
« Beaucoup de Chinois ont été blessés quand la République de Corée s'est accaparée la Fête Duanwu et en a fait un élément de son patrimoine culturel auprès de l'UNESCO en 2005 », explique Chen Jing, un professeur de culture folklorique à l'Université de Nanjing. « Mais c'est une honte de voir que bon nombre d'entre nous profitent toujours de cette occasion pour simplement manger des encas ou pour montrer leur richesse », s'indigne-t-il.
Selon les experts, toute la nation devrait retrouver l'esprit de sa culture traditionnelle durant ces fêtes pluriséculaires.
« Nos ancêtres ont cru que les gens étaient plus susceptibles d'attraper des maladies durant le cinquième mois du calendrier lunaire qui est aussi la période la plus chaude de l'année », a déclaré Gao Chengyuan, un spécialiste de coutumes folkloriques installé à Tianjin. « Lors de la Fête Duanwu, les gens se levaient tôt pour collecter la rosée du matin pour laver leurs yeux et boire de l'alcool afin de se protéger des serpents et des moustiques », raconte-t-il.
Les enfants, en particulier, portaient des sachets remplis d'herbes et d'épices et des tabliers brodés des cinq maux : scorpions, crapauds, araignées, serpents et mille-pattes, comme des mascottes pour les protéger tout l'été, ajoute M. Gao.
« Quand j'étais enfant, j'avais l'habitude de me plaindre auprès de ma mère quand elle ne fabriquait pas un sachet aussi beau que ceux de mes amis », se souvient Yang Jun, un propriétaire de magasin de 25 ans à Ningbo, dans la province du Zhejiang, à l'est de la Chine. « Si un jour j'ai une fille, je lui coudrai les plus beaux sachets », prévoit-il.
Dans certains rituels, les gens mettaient « les mauvais esprits » à bord des bateaux-dragons et se défiaient pour savoir quelle malchance était envoyée le plus loin, d'où le nom de « Fête des bateaux-dragons ».
Beaucoup de villes en bord de rivière dans le centre et le sud de la Chine organisent toujours des courses de bateaux-dragons avant la Fête, même si beaucoup admettent qu'elle est plus associée à la nourriture qu'à la course elle-même.
« Nous devons empêcher la culture traditionnelle de disparaître », conclut professeur Chen Jing de l'université de Nanjing, « autrement nous perdrons encore plus d'éléments du patrimoine ».
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