Daniel Cogez
Le voyageur fraîchement débarqué à Guangzhou trouvera une ville moderne avec son enchevêtrement de routes et d’autoroutes dont certaines à voie superposées, ses échangeurs et ses multiples buildings à la façade de verre dressée vers le ciel. Mais cette ville a un passé très riche que des découvertes récentes ont permis de mieux connaître.
A Guangzhou une ancre de fer longue de 3,4 mètres placée près de l’entrée de Zhenhai Lou où se trouve le musée d’histoire de la ville symbolise bien la civilisation propre à celle-ci tournée très tôt vers la mer et les échanges vers l’extérieur. Dans le chantier naval ont été exhumés et notamment les soubassements d’une cale pour les navires au radoub. Ces vestiges sont situés à côté de ce qui fut le parc du palais des rois de Nanyue découvert récemment et l’intérêt du site mérite qu’il soit connu au niveau mondial. Un patient travail de recherche a été mené par le professeur Mai Yinghao et son équipe de chercheurs. Désormais les vestiges sont préservés, mis soigneusement à l’abri, classés, répertoriés. Sur un espace de 4 000 m² les traces d’un parc aménagé avec son ruisseau d’eau vive; ses bassins et ses puits ont été dégagés et apparaissent de façon visible. Dans le ruisseau au parcours sinueux, les créateurs de cet ancien parc ont eu l’idée de disposer des blocs de pierre de grande taille sur un lit de galets et de placer en son travers une demi colonne ce qui produisait un effet de vaguelettes. Une véranda et des pavillons permettaient aux promeneurs du temps jadis d’admirer le décor. Au alentours on peut voir les fondations du palais et le dallage d’un bassin de retenue des eaux. Tandis que Guangzhou se développe et prend une allure de grande métropole, à cet endroit on peut contempler le passé de Guangzhou avec la succession des techniques de construction au cours des siècles et l’ingéniosité des artisans chinois chargés d’élever un palais ou de créer un lieu de promenade agréable.
Sur l’emplacement de la tombe du roi de Nanyue dont la découverte date de l’année 1975 a été édifié un musée qui protège les trésors qu’elle contenait: les sceaux impériaux, le fameux liceul en pièces de jade recouvrant tout le corps de l’empereur Zhao Mu, le superble hanap en corne façonnée, le tigre noir orné de caractères dorés; la petite figurine d’une danseuse très gracieuse, les carillons en bronze et en jade, les armes et les nombreux ustensiles en bronze ou en fer placés dans les pièces souterraines du tumulus. Construit en pierre rouge, ce musée abrite les témoignages d’une civilisation qui fut en même temps brillante et cruelle. En effet à côté du cadavre de l’empereur se trouvaient ceux d’un jeune musicien, de quatre concubines et de sept servantes.
A Guangzhou le temple de la famille Chen d’un agencement à la fois très baroque dans sa décoration et très bien ordonné autour de trois grandes salles a drainé des foules de touristes. Au fil des ans ce temple a gardé tout son charme. Des miliers de personnages en terre cuite ornent les faîtages et s’agitent dans les bas reliefs ou sur les lourds vantaux des portes d’entrée. A l’intérieur sont exposés de la vaisselle, des meubles et de magnifiques sculptures en ivoire. Dans l’une des pièces on peut voir une porte avec un système particulier de triple fermeture comprenant des poutres coulissants, des battants ajourés à mi-hauteur et des vantaux pleins. On retrouve ce système dans une autre résidence du quartier de Liwan qui a fait l’objet d’une restauration. Plus sobre et plus discrète elle révèle cependant l’art de vivre des Cantonais au siècle passé; une scène de mariage y a été reconstituée avec des personnages, homme et femme, en costumes de cérémonie. Dans la chambre d’une jeune femme sont disposés tous les objets indispensables à la toilette et l’on imagine cette jeune élégante en train de se parer devant son miroir. Dans une salle attenante à cette résidence sont rassemblés les costumes et portraits d’acteurs célèbres de l’opéra de Yue comme Meng Zisheng.
Un nouveau musée des Beaux-Arts a été ouvert en 1999 à Guangzhou dans le Nord de la cité près du charmant lac Luhu: cet élégant bâtiment rouge et blanc abrite des peintures et des calligraphies des plus grands artistes originaires du Guangdong de toutes les époques. Les visiteurs selon leur goût pourront s’extasier devant un petit tableau rond de l’époque Song avec deux pins au pied d’une montagne, six éventails de l’époque Ming, un homme chevauchant paisiblement son âne de Li Kongxiu; 23 personnages dans un parc jouant et devisant de Zheng Wenmu, le merle moqueur de Zhu Da, les 70 chevaux de Zhang Mu, les cent oiseaux dans les branches d’un arbre de Cui Wei et les oeuvres contemporaines des frères Gao Jianfu et Qi Feng, de Chen Shuren, de Zhao Hao. Une salle est consacrée aux peintures tibétaines Tangka et une autre à des calligraphies réputées de différentes époques. Ce musée contient aussi des sculptures dignes d’intérêt.
Fière de son passé et de ses artistes, la ville de Guangzhou dispose aussi maintenant de deux vastes parcs. L’un Yuntai a été aménagé de façon moderne avec un jardin d’hiver, un portique de style romain, une cascade cernée de massifs de fleurs, des rochers aux formes bizarres, une grosse balle de pierre évoquant le ping-pong et symbolisant l’amitié entre tous les pays. L’autre Baomo dans le district de Panyu à quarante kilomètres de l’agglomération a été réalisé dans le plus pur style des jardins chinois avec une succession de pavillons dont l’un en bois en forme de bateau de plaisance, de bassins remplis de poissons rouges et aussi gros que des carpes. Dans ce parc magnifique on admirera deux murs écrans et surtout celui couvert de céramique qui reproduit un rouleau peint sur soie de Qingming montrant une série de scènes très animées d’une ville portuaire: cette reproduction longue de deux cent mètres est aussi stupéfiante que l’oeuvre originale.
S’attarder dans les jardins ou dans les musées ne doit pas faire oublier que Guangzhou est une ville très active; un parcours en vedette sur la Zhujiang permet de la découvrir sous un angle original. Mais pour se convaincre de l’extraordinaire vitalité de cette ville, il n’est rien de tel que de se plonger dans les nombreuses rues commerçantes du centre ville, d’aller voir le marché de nuit et bien entendu si vous avea la chance de séjourner vers le 15 avril ou le 15 octobre de vous rendre à l’impressionnant foire de Canton qui rassemble huit mille exposants. Là on trouve tout depuis le derneir cri de la technologie jusqu’aux masques d’Halloween en passant par la porcelaine et les objets d’art en jade ou en ivoire sculptés.
On ne saurait quitter Guangzhou sans mentionner la chaleur de l’accueil réservé aux invités par les responsables du tourisme ainsi que la qualité de la cuisine cantonaise que l’on peut déguster dans tous les petits restaurants ou dans le très raffiné restaurant Panxi construit autour d’un lac où se sont attablées de nombreuses personnalités.