Après l'élection de François Hollande à la présidence française, on a beaucoup dit sur l'évolution possible de la politique du nouveau gouvernement français, en se basant notamment sur ce qu'il avait proposé au cours de la campagne présidentielle. En raison des particularités du système électoral occidental, pour connaître les changements possibles de la politique intérieure et extérieure française avec le nouveau président Hollande, il faut, tout en écoutant ce qu'il dit, voir ce qu'il fait en analysant l'environnement de son exercice du pouvoir pour faire la part de ce qui avait été dit uniquement pour plaire à son électorat et de ce qui sera vraiment réalisable. C'est seulement de cette façon que l'on arrivera à saisir l'évolution ultérieure de la politique française, ainsi que les changements qu'elle pourra amener en Europe sur les plans politique, économique et de la sécurité.
Crise de la dette européenne : porte-drapeau des « partisans de l'anti-austérité » ?
Il est connu de tous que dans le duel Hollande-Sarkozy, Hollande a pu l'emporter en matière de politique économique. Et son point de vue essentiel peut se résumer à une opposition ferme à la politique de rigueur préconisée par l'UE et le Fonds monétaire international (FMI). Selon lui, seule la relance de la croissance pourra inverser fondamentalement la tendance dans la lutte actuelle contre la crise de la dette européenne. Et à partir de là, il a demandé à « renégocier » le « traité budgétaire européen », un accord gouvernemental conclu non sans peine par 25 pays de l'UE. Cette prise de position a tout de suite obtenu le soutien de l'Espagne, du Portugal et de l'Italie qui ont beaucoup souffert de la politique d'austérité. Et puis, vu la chute du gouvernement des Pays-Bas qui était favorable à la politique de rigueur, et les difficultés pour former le gouvernement grec en raison des graves divergences opposant les partis au sujet de la politique d'austérité pendant les élections qui se sont déroulées à peu près en même temps qu'en France, on a raison de croire que les plaintes sociales contre l'austérité vont se traduire dans les mesures politiques après ces changements de gouvernement. Étant donné l'importance de la place de la France en Europe sur les plans politique et économique, Hollande est en train de devenir imperceptiblement le porte-drapeau des partisans de l'anti-austérité.
Cependant, la réalité à laquelle Hollande président est obligé de faire face est la très grande fermeté de l'Allemagne de maintenir la politique d'austérité, ainsi que la manière de mettre en place la politique keynésienne de relance de la croissance. Comme l'Allemagne est aujourd'hui la seule économie européenne en bonne santé et le plus grand fournisseur de fonds pour les plans de sauvetage, il faut absolument tenir compte de son attitude, pour la poursuite ou le changement d'une politique, quelle qu'elle soit. La chancelière allemande Angela Merkel a déjà indiqué que pour répondre aussi aux demandes des masses populaires, son pays n'allait pas « assouplir » sa position quant à la politique de rigueur, quelle que soit la personnalité qui gouvernerait dans un pays européen. L'autre question plus brûlante, c'est de savoir d'où viendrait l'argent pour relancer l'économie.
Actuellement, la note souveraine de la France est dans une situation très critique. Si le marché à peine calmé par le « traité budgétaire » doutait à nouveau de la volonté de la France de respecter la discipline budgétaire européenne, la France verrait augmenter le prix de ses emprunts sur le marché. Dans ce cas-là, elle n'aurait même pas assez d'argent pour faire fonctionner normalement son économie, où trouver alors l'argent pour une relance économique ?
Le marché a fait grise mine à Hollande le jour où il a été élu. L'euro a connu une très forte baisse sur le marché international, et le taux de change avec le dollar était tombé pendant un moment jusqu'à 1 :1,3, passant un seuil psychologique. Hollande comprend très bien à quelle situation il fait face. En tant qu'ancien conseiller économique de François Mitterrand, il doit connaître parfaitement ce dilemme entre l'austérité et la croissance. C'est pour cette raison que vers la fin de sa campagne, il a commencé à assouplir sa position au sujet de l'austérité, en laissant entendre qu'on pourrait « insérer » après discussions une disposition au traité budgétaire au lieu de « renégocier » le traité pour rééquilibrer austérité et croissance. On peut en conclure qu'il n'y aurait pas de « faction des partisans » contre l'austérité, et la France ne verrait pas se réaliser ses ambitions d'en devenir le « porte-drapeau ».
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