Le Clézio et Dong Qiang au Palais d'été
Homme simple. Le premier repas à Pékin, sous sa demande, est juste un bol de nouilles. Et encore, il trouve que c'est trop. C'est trop copieux, voulez-vous le partager avec moi ?
Le soir, malgré ses insistances, j'ai proposé de l'amener dans un restaurant « branché » qui se trouve à côté de The Place. Ambiance joyeuse, quasi hollywoodienne. Cuisine pimentée. En Corée, je me suis habitué aux piments, m'assure-t-il. Je lui réponds en souriant que malgré tout ce qu'il peut connaître en Corée, les piments chinois sont dix fois plus « puissants ». Ce qu'il a pu vérifier tout de suite. Et dans les jours suivants, je crois qu'il a évité prudemment les petits piments rouges, redoutables.
Le 6, décembre, un dimanche. Le matin, il apparaît au campus de l'Université de Pékin. Il décerne le prix Fulei, en présence de son excellence M. Hervé Ladsous, ambassadeur de France en Chine, et Mme Tie Ning, présidente de l'Association des Ecrivains Chinois. Fan Zeng, grand maître de peinture chinoise, offre à cette occasion une estampe unique du portrait de Fulei qu'il a effectué lui-même.
Les lauréats, l'un venant de Shanghai et l'autre venant des Etats-Unis, ont reçu de sa main les certificats du prix. Ils ont tous exprimé l'idée que c'était le plus grand moment de leur vie.
L'après-midi, je l'ai invité à faire un tour dans l'ancien Palais d'été. Dans ce lieu de désolation, il a ressenti une grande émotion. Il me dit qu'il ne l'a pas imaginé comme cela, que cet état de ruines pouvait finalement très bien rendre compte le passé. Il a eu l'impression de se promener dans les ruines de Rome comme les grands romantiques du 19ème siècle. Il a ressenti à la fois une douleur et une grandeur. Lorsque je lui ai proposé de prendre une photo de souvenirs devant les ruines, il a dit, avec son humour habituel, qu'il fallait que je la fasse avec lui. Sinon, on me prendra pour un pilleur, avec mon chapeau...
Lors du dîner offert par l'ambassadeur à la Résidence, il a rencontré quelques personalités des plus illustres de la culture chinoise : Jia Zhangke, célèbre cinéaste de la 7 génération, dont le Still Life a remporté le Lion d'or a Venise ; Chen Danqing, grand peintre, et Tie Ning, présidente de l'Association des Ecrivains Chinois, etc.. Avec Jia, il a été dans un même jury à Canne. La retrouvaille était d'une bonne ambiance. Ils s'apprécient mutuellement. Dans un discours prononcé peu de temps après le départ de M. Le Clézio, pour l'obtention de l'insigne de l'Officier des Arts et Lettres, Jia Zhangke a rendu hommage au lauréat du Prix Nobel, pour l'acuité de son regard sur le réel.
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