Les petits métiers dans la rue font partie du
charme de Beijing.
Il est 7 heures, Beijing est déjà réveillé. L'odeur de friture me chatouille les narines. En bas de l'immeuble, les petits vendeurs des rues ont déjà disposé leurs étals. Le remue-ménage des casseroles me tire définitivement de mon sommeil. J'enfile mon peignoir et descend vite m'acheter des baozi, ces petits pains farcis cuits à la vapeur. Dans la cour intérieure, le premier voisin à me saluer n'est pas un humain. C'est un mainate, oiseau parleur au plumage noir et à bec jaune : « Ni hao ! », me lance-t-il de sa cage. Je lui réponds en français : « Bonjour ! », espérant qu'il deviendra polyglotte. Je croise en chemin ma voisine, en pyjamas et pantoufles, les bigoudis sur la tête. L'appel du repas l'a un peu bousculé dans sa toilette du matin. Mais ici, l'estomac n'attend pas. Déjà, une foule se presse devant le réchaud improvisé du cuisinier. Il modèle ces petits pains, les fourre avec du hachis de viande et quelques brins de coriandre ou de ciboulette. Je me délecte au spectacle de ce savoir-faire artisanal. Sous mes yeux, mon petit-déjeuner prend forme ; il n'aura pas un arrière-goût industriel.
Le ventre apaisé, il est temps de dérouiller son corps. Ici, l'exercice physique est sacré. Les vieux Pékinois s'exercent sur les installations sportives publiques mises à la disposition des habitants dans les parcs et les cours résidentielles. J'enfile mes vêtements de jogging et pars au parc Beihai pour ma course matinale. En passant devant le gardien de l'immeuble, ce dernier me décoche un petit sourire moqueur. Mon T-shirt lui paraît trop grand à son goût. J'hésite à remonter chez moi pour en changer. Mais je m'aperçois que lui aussi flotte dans son uniforme vert kaki. Je lui renvoie son sourire. Apparemment, les Chinois s'amusent davantage des choses insolites qu'ils ne s'en indignent. J'ai donc rangé mes complexes au placard.
A Beijing, passer d'un endroit à un autre revient à changer d'époque et d'humeur. Les jardins publics entraînent le visiteur loin de la modernité urbaine. A l'écart des immeubles flambant neufs, des chantiers et du trafic incessants, je savoure quelques moments de sérénité dans le vieux parc Beihai. Sous la présence bienveillante du stupa, des groupes de Pékinois retraités effectuent des gestes de taï-chi à l'unisson. Leurs mouvements sont amples et lents. Je crois voir un film défiler au ralenti. Dans son coin, un homme aux tempes grisonnantes fait siffler son sabre avec des gestes rapides et coordonnés. Plus loin, un autre groupe effectue des pas de danse aux rythmes des tambours et des cymbales. Les danseurs battent la cadence avec des éventails et des foulards multicolores. Dans ce groupe de retraités, composé de femmes, se détache un homme qui ferme la marche. Il agite ses bras dans tous les sens, à contre-temps de la musique. Peu lui importe d'être dans le tempo ; son visage semble rayonner de bonheur, comme s'il avait découvert le secret de la longévité.
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