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Le sur-mesure de Saint-Gobain pour le marché chinois

French.china.org.cn | Mis à jour le 06. 06. 2019 | Mots clés : Saint-Gobain

Wangjing SOHO

JULIEN BUFFET, membre de la rédaction

Avenant et direct à la fois, Javier Gimeno a l’allant du condot-tière. Résidant à Shanghai, il nous reçoit dans son hôtel habituel dans un quartier d’affaires de Beijing en constante effervescence, à deux pas des bureaux de la télévision publique chinoise. Sur le chemin, mon amie chinoise, qui a vécu ici, ne reconnaît plus rien ou presque, et les constructions continuent de pousser, me laissant présager un destin similaire.

Au siècle des start-ups et des success stories comme l’entreprise chinoise Alibaba ou le géant américain Apple, Saint-Gobain nous rappelle que l’innovation consiste à saisir l’air du temps à travers les époques. Dans la liste des 40 plus grandes entreprises françaises côtées en bourse, le Cac 40, Saint-Gobain est aussi célèbre que le loup blanc : la plus ancienne des entreprises françaises, qui a fêté ses 350 ans en 2015, est aussi l’une de celles qui incarne le mieux l’idée d’excellence des ouvriers-artisans français. Depuis la galerie des Glaces du château de Versailles à son arrivée en Chine en 1985, Saint-Gobain a aujourd’hui parfaitement intégré à son ADN « l’esprit d’artisan » chinois qui accomplit lui aussi des merveilles depuis des siècles. Cette empreinte s’exerce sur deux marchés précis comme le rappelle Javier Gimeno : « Tout d’abord le marché des matériaux de construction, qui représentent à peu près deux tiers de notre chiffre d’affaires. Mais nous sommes aussi un acteur important sur le marché de l’automobile qui représente à peu près un tiers de nos ventes annuelles. Bien entendu, ce n’est pas comparable aux grands champions chinois en Chine mais nous ne sommes pas un petit acteur, au contraire. »

En effet, la liste des réalisations est impressionnante. L’Opéra national de Beijing, le complexe d’affaires Soho de la capitale dans l’arrondissement Chaoyang, plus récemment le pont et ouvrage d’art Hong Kong-Zhuhai-Macao ou encore la quasi totalité des verres de pare-brise qui équipent les voitures. Voilà autant d’images fortes qui rendent visible la co-innovation entre la France et la Chine dans le quotidien des Chinois.

Un groupe d’entrepreneurs solidaires

Installé en Chine depuis maintenant neuf ans, Javier Gimeno est une personnalité reconnue et respectée des milieux politique et économique chinois. Preuve de cette confiance qu’il a su inspirer et construire, la ville de Shanghai l’a désigné entrepreneur de l’année 2018. À titre personnel, Javier Gimeno l’interprète comme une façon qu’ont les Chinois de le remercier pour son attachement au pays en général et pour son action quotidienne en particulier. Mais l’essentiel n’est pas là, car ce prix decerné récompense surtout un état d’esprit qui caractérise l’entreprise Saint-Gobain : « Cela peut paraître un peu bizarre dans la mesure où je travaille dans un grand groupe où parfois certains pensent qu’on travaille de façon opposée aux pratiques d’un entrepreneur courant. Ce n’est pas du tout ça. Chez Saint-Gobain, j’ai toujours bénéficié de libertés et je me suis toujours senti comme un entrepreneur. D’ailleurs, dans le groupe on a l’habitude de dire que nous sommes une communauté d’entrepreneurs solidaires. »

Cette solidarité s’anime et prend toute son ampleur sur le marché chinois où, pour réussir, la combinaison du sens de l’initiative et du risque alliés à la malléabilité et aux prises de décision rapides est une qualité cruciale dans un environnement des affaires en pleine transformation à tous les niveaux. De fait, il n’a jamais été question pour l’entreprise de se reposer éternellement sur ses lauriers acquis en France, mais bien de construire sa marque de fabrique afin d’acquérir auprès des consommateurs chinois de la construction et du bâtiment un prestige solide.

Cette philosophie entreprenariale a d’ailleurs été réaffutée en 2018 avec la restructuration de la gouvernance générale de Saint-Gobain lancée par son PDG Pierre-André de Chalendar et dénommée « Transform and Grow », effective depuis 2019. Ce changement part d’un constat. Le monde du XXIe siècle n’est plus seulement globalisé, il est surtout en voie de multipolarisation avec une montée en puissance des différences culturelles qui sont autant de nouvelles normes à comprendre en termes de production et d’innovation pour les multinationales. Loin d’être un obstacle, ces différences culturelles sont analysées comme l’un des vecteurs capables de libérer tout le potentiel de croissance de Saint-Gobain à travers le monde et en Chine. Javier Gimeno explique : « À un moment donné, la direction du groupe a considéré qu’il fallait passer à une organisation plus verticale qui permet de travailler à proximité des marchés locaux, et ceci par le fait que les équipes locales sont vraiment celles qui ont le pouvoir de décision sur la gestion ordinaire, la gestion des investissements, la gestion des marchés locaux. »

Ainsi, l’entreprise a décidé de mettre fin à son organisation matricielle au profit d’une organisation par pays et cluster de pays. Ce passage d’une logique de métiers, qui croisait les activités avec les 14 délégations régionales dans le monde, à une logique d’aire géographique vise une plus grande performance en augmentant le pouvoir de décision des dirigeants locaux.

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Source:La Chine au Présent