Une autre robe présentée lors du défilé du 6 mai
Le charme de la haute couture
Quand les concepteurs chinois voient leur espace de développement se resserrer avec l’entrée de Louis Vuitton, Dior, Chanel et Gucci sur le marché chinois des produits de luxe, Guo Pei pense de son côté que « l’environnement ne cesse de s’améliorer ; la période la plus difficile est déjà passée ».
Pour Guo Pei, c’est le début de carrière qui s’est avéré la période la plus difficile.
En 1997, Guo Pei, qui œuvrait alors comme designer en chef, avec un salaire annuel de 300 000 à 400 000 yuans, a démissionné et fondé avec les 600 000 yuans épargnés en dix ans, la société de mode « L’atelier de Rose », pour s’engager dans la haute couture. À cette époque, la haute couture était en vogue à Paris, mais restait à l’état embryonnaire en Chine, où peu de gens s’y intéressaient. Guo Pei se rappelle que lorsqu’elle a ouvert L’atelier de Rose, une mère est venue demander de modifier un vêtement. Elle prenait Guo Pei pour une tailleuse !
Se faire une place sur le marché était difficile et les 600 000 yuans se sont évaporés en moins d’un an et demi. « J’avais alors une équipe de 20 personnes. On ne pouvait pas la dissoudre, mais il fallait gagner de l’argent pour les salaires. J’ai mis de côté mes idéaux et j’ai commencé à mettre au point des produits pour des entreprises. » À cette époque, une fois les salaires distribués, le compte de la société était vide.
En 2006, Guo Pei a enfin réalisé son rêve, en tenant un premier défilé de haute couture où elle a présenté ce qu’elle juge être la plus belle des robes de cérémonie : Da Jin (Grand Or). Pour cette robe étincelante, la broderie avait à elle seule mobilisé une centaine d’employés pendant deux mois, soit 50 000 heures au total – l’équivalent de 15 ans de travail pour une personne seule. Cette œuvre d’art super-somptueuse a vu tomber les records : 28 000 boutons en argent cousus et brodés à la main, des milliers de bobines de fil d’argent utilisées, un poids de 200 kilos... Elle s’y est tellement attachée qu’elle a refusé de la vendre, alors même qu’on lui en offrait cinq millions de yuans. « Il y a six ans, cinq millions était une somme astronomique. Mon mari, mon frère et les autres concepteurs m’ont poussée à la vendre, parce qu’on pouvait en faire une autre. Mais je la chéris ; c’est comme mon enfant. Le rêve de mes vingt ans s’était enfin réalisé. ‘‘Grand Or’’ représente le soleil. C’est la plus belle de toutes les robes dans mon esprit ; elle représente un sommet. »
Selon Guo Pei, c’est l’effort qui fait le charme de la haute couture. Bien que la fabrication industrielle à la chaîne soit plus précise, elle n’implique aucun investissement affectif. La haute couture implique un processus extrêmement rigoureux : conception exclusive, coupe sur mesure, six essais, tissus somptueux et onéreux, et 90 % de travail manuel. Une tenue de cérémonie digne du nom de haute couture est une manifestation d’effort, de talent et de technologie. « Quand l’effort, le talent et les sentiments sont fondus dans un vêtement, il devient une chose vivante qui peut toucher les gens. La haute couture est une façon de donner vie aux vêtements », dit Guo Pei.
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