Le défilé de mode « Les mariées chinoises et l’histoire du dragon » s’est tenu le 6 mai 2012 à Beijing.
Le dragon, qui est en Chine symbole du pouvoir impérial et de la fortune, a depuis toujours un caractère masculin. Il est aujourd’hui – et pour la première fois – associé aux femmes par la couturière Guo Pei. « Maintenant que le pouvoir impérial a disparu, le dragon a perdu son caractère sexué et ne représente plus que la perfection et la puissance. Les femmes modernes, malgré leur apparence de faiblesse, ont une grande force intérieure et sont exigeantes envers elles-mêmes. Elles ont l’esprit entreprenant, sont indépendantes et se respectent. Puisqu’elles sont en tous points égales aux hommes, elles incarnent aussi le dragon », explique doucement Guo Pei, une jolie femme vêtue avec goût. « Chaque femme porte dans son cœur un dragon, qui est soit elle-même, soit celui qu’elle attend. »
Sans doute Guo Pei reste-elle inconnue du grand public, mais dans les milieux de la mode – chinois comme internationaux – elle exerce une forte influence. En mai 2012, elle a, pour la quatrième fois en 26 ans de carrière, présenté ses créations de haute couture. Placé sous le thème « Les mariées chinoises et l’histoire du dragon », le défilé a attiré de nombreuses personnalités de la mode et du spectacle. « En tant que doyenne de la haute couture en Chine, Guo Pei dicte les normes et le style de la haute couture chinoise », commente le rédacteur en chef d’un magazine de mode. Avec ce défilé, Guo Pei espère amener les jeunes Chinoises à apprécier les robes de mariée de style local.
Du cousu main
La collection présentée par Guo Pei comprenait une robe de mariée portée par un mannequin qui évoluait sur scène comme une ballerine. Très remarquée avec son corsage doré, cette robe de mousseline rouge vif à la longue traîne s’inspirait de la riche tradition chinoise.
Une autre, courte cette fois, relevait d’un mélange d’avant-garde et de traditionnel, d’oriental et d’occidental : les manches et les côtés de la ceinture décorés de plis proéminents rappelant l’épine dorsale du dragon ; des caractères (double bonheur) en rouge sur le devant ; une mantille dorée somptueuse.
Guo Pei dit avoir mis à contribution toute l’expérience acquise en 26 ans de carrière dans cette collection de cinquante robes de mariée, dans le but avoué d’en faire les « plus belles de toutes les robes de mariée ».
Elle a sélectionné des tissus de partout dans le monde et s’est inspirée pour sa collection des techniques européennes, indiennes et japonaises. « Le fil que nous utilisons est lui aussi particulier. C’est une fibre importée du Japon, qui étincelle à la lumière. »
Elle a coopéré pour la première fois avec un maître joaillier pour créer une robe de mariée ultra-luxueuse, avec plus de 400 000 perles originales. Beaucoup de gens sont curieux de sa valeur. Guo Pei esquive la question, en disant : « Le prix ne m’intéresse pas. Pour moi, elle est inestimable. Au début, parce que nous maîtrisions mal la technologie, nous avons détruit beaucoup de ces perles grosses comme des grains de millet en cherchant à les perforer – jusqu’à trois perles perdues pour chacune qui était réussie. Avec le temps, nous avons fini par réapprendre cette technique de broderie des ‘‘perles de millet’’, oubliée depuis longtemps. Je ne saurais vraiment pas comment mesurer sa valeur. »
Quand il est question d’art, le coût de revient perd en importance – ainsi une tenue de gala bleu lac, ornée d’innombrables feuilles en perles de 0,12 cm de diamètre. Trois stylistes ont consacré deux ans à coudre et à broder ces feuilles de perles ; Guo Pei a parcouru de long en large la ville de Beijing à la recherche des fleurs de soie qui décorent la tenue. « Les fleurs que j’ai trouvées ont été fabriquées à la main dans les années 1960 et 1970. Chaque fleur est le résultat d’un processus technologique en sept étapes. On dit que cette technologie provient de la cour impériale de la dynastie des Qing (1644-1911), mais qu’elle a presque disparu aujourd’hui. Quand j’ai vu et touché pour la première fois ces fleurs, j’ai eu un instant d’émotion. Leur toucher velouté et leurs couleurs changeantes, qui passent du clair au foncé, ont quelque chose de vivant. »
C’est par le soin du détail que la haute couture s’attire les louanges. « Les robes de Guo Pei peuvent éclipser les travaux les plus complexes qu’on trouve à Paris », a écrit Cathy Horyn, célèbre commentatrice de mode du New York Times. Elle a vu en Guo Pei « une Chanel chinoise au parcours de combattante ». « La haute couture européenne, Louis Vuitton y compris, ont de moins en moins recours à la broderie manuelle. En Chine, cela reste possible en raison du faible coût de la main d’œuvre », dit Guo Pei.
Avec pareils coûts de fabrication, qui se chiffrent souvent en dizaines, voire en centaines de milliers de yuans, les clients de Guo Pei proviennent surtout de l’élite politique, commerciale et du milieu du spectacle. Aujourd’hui, L’atelier de Rose de Guo Pei compte plus de 400 membres. Elle a conçu les tenues de cérémonie pour la remise des prix aux Jeux olympiques de Beijing et les robes portées par des vedettes aux soirées de gala de la fête du Printemps organisées depuis une dizaine d’années par la Télévision centrale de Chine (CCTV). On lui doit encore la tenue de cérémonie « porcelaine bleu et blanc » portée par Fan Bingbing dans le film de publicité nationale de la Chine, la robe brodée portée par Zhang Ziyi pour accueillir la flamme sacrée venue d’Athènes, le costume de spectacle de Li Yugang pour sa tournée mondiale en 2010, la robe avec le caractère 福 en rouge, portée par Li Bingbing au festival de Venise, et bien d’autres.
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