Huang Zhen, premier ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République populaire de Chine en République française, se fait photographier avec le général de Gaulle.
Invité mystérieux à Diaoyutai
Le 22 octobre 1963, un invité mystérieux arrive à Beijing, sans titre ni dignitaire officiel ni diplomate. Il est installé dans la Résidence des hôtes d'honneur d'État Diaoyutai. Il s'agit de M. Edgar Faure (ancien président du Conseil des ministres de France) qui, désigné comme émissaire du général de Gaulle, fondateur-président de la Ve République, a pour mission de faire des démarches visant à établir des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine.
Le Premier ministre Zhou Enlai et Chen Yi, vice-Premier ministre et ministre chinois des Affaires étrangères, mènent six rounds de négociations avec Edgar Faure sur des questions de fond, à Beijing et à Shanghai. En tant que responsable du service de France au ministère chinois des Affaires étrangères, j'ai le grand bonheur d'assister à tous ces entretiens confidentiels.
La clé des négociations réside dans l'attitude prise par la France sur la question de Taiwan. C'est sur cette question de fond qu'une importante divergence de vues apparaît dans les positions des deux parties. Certes, Faure indique que la France reconnait l'unicité de la Chine, mais il exprime, de façon répétée, l'espoir que la partie chinoise n'impose pas de « conditions désagréables et faisant perdre la face » à De Gaulle, et s'abstienne de demander à la France de rompre au préalable, de sa propre initiative, avec Taiwan.
Comme toujours, le gouvernement chinois tient ferme sur sa position : tout pays voulant nouer ses relations diplomatiques avec la Chine doit rompre ses relations diplomatiques avec les autorités de Taiwan. Le Premier ministre Zhou exprime de façon claire que le gouvernement chinois est ferme dans son opposition à la création de « deux Chine », qu'il est impossible d'établir des relations diplomatiques et d'échanger des ambassadeurs avant que la question de Taiwan ne soit résolue. Les négociations se trouvent ainsi dans une impasse. Les deux derniers rounds de négociations ont lieu à Shanghai. La partie chinoise a élaboré un nouveau projet proposant « l'établissement direct des relations diplomatiques ». Tout en restant sur la position de principe de s'opposer à « deux Chine », la partie chinoise fait preuve de souplesse pour les étapes concrètes de l'établissement des relations diplomatiques : ne pas exiger de la France une déclaration préalable de rupture avec Taiwan, mais adopter l'accord tacite entre les deux parties, une modalité originale pour traiter de la question des relations entre la France et Taiwan. Autrement dit, à condition que les deux parties parviennent à un accord tacite aux termes duquel la France reconnaîtrait le gouvernement de la République populaire de Chine comme seul gouvernement légal représentant la Chine et prendrait les engagements correspondants, la Chine et la France annonceront d'abord l'établissement de leurs relations diplomatiques pour conduire ensuite à une rupture entre la France et les autorités de Taiwan.
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