[A A] |
par Lisa Carducci
UN PERSONNAGE : Monsieur LI YINGJIE
Si le terme « personnage » vous fait penser à une personne imbue de soi-même, ou à un rôle dans une pièce de théâtre ou un roman, alors je dois vous expliquer que j’entends par ce terme une personne qui se démarque de l’ensemble de ses semblables par ses qualités particulières, ses aspects positifs et remarquables.
Li Yingjie est plutôt réservé sur sa propre personne; il préfère parler de ses amies les roches. Né en 1952 à Chengde, dans la province du Hebei, Li, dont le prénom Yingjiesignifie « talentueux » et « extraordinaire », est diplômé de l’Académie nationale des Beaux-Arts (annexée à l’université Qinghuadepuis 2004)où il est actuellement professeur invité. Il est spécialisé en explorationgéologique esthétique.
En 2005, Li a fondé le Beijing Yingjie Museum of Stone Art sur une surface de 150m2. Des rénovations en 2009 et 2015 ont porté la superficie à 450, puis 1500 m2. Ce musée privé, qui se trouve au sous-sol de l’hôtel A.C. Embassy, face aux ambassades de l’Australie et du Canada (d’où le nom de l’hôtel), rue Dongzhimenwai, et dont l’entrée est libre, répond parfaitement aux objectifs d’un musée d’art : Rapprocher, Partager, Éduquer.
C’est à son bureau du 15eétage que j’ai rencontré Li Yingjie, un homme simple et accueillant, dont l’âme d’artiste transpire dans ses actes et ses paroles.
La nature, bien avant l’homme, a découvert la création esthétique qui se préparait dans l’ombre depuis plus de 120 millions d’années.
C’est après s’être laissé impressionner par les marbres colorés des églises d’Italie,il y a trente ans,que Li s’est dit que la Chine avait le marbre de Dali (Yunnan), et qu’il y avait probablement sous terre des richesses cachées. Les Dai du Yunnan utilisaient le marbre, mais sans tirer avantage de ses couleurs et jeux de lignes. La beauté,l’harmonie et la poésiedu mondegisaient dans le silence au fond des montagnes du pays,et elless’y trouveraient encore sans le souffle créateur du maitre.
Comment Li a-t-il pu pressentir les richesses cachées dans le silence des roches (terme qui implique marbre, albâtre, jade…), les porter au jour, les transporter (du Yunnan d’abord puis d’autres provinces) et les exposer au bénéfice de tous ?
Contrairement à ce qu’on peut croire, aucune pièce n’a été « corrigée, complétée, retouchée ». Li ne se définit pas « un artiste »; il est conseiller en design de bijoux, vêtements et meubles. Il doit ses découvertes davantage à son cerveau créateur, son œil d’artiste et sa sensibilité qu’à ses connaissances en géologie ou à la chance. Et pourtant, il dit que 99 pourcent du matériel extrait et découpé retourne à la terre… « Souvent, on ne trouve rien après la coupe, rien du tout… », soupire-t-il.
Le plus étonnant, c’est que ces images qu’offrent les roches ne sont aucunement abstraites, laissées à l’interprétation des rêveurs et des poètes; elles sont concrètes. On se demande quel maitre a doté la Naturede tant de moyens et techniques – la coïncidence qui existe entre les règles de perspective et de nuance des couleurs, par exemple, tant de la peinture à l’huile occidentale que de l’aquarelle chinoise, les méthodes de pointillisme, d’impressionnisme, etc., cette coïncidence est fascinante. La Nature dans son évolution de millions d’années devait bien se moquer des artistes qui croiraient « inventer », plus tard…
Quant à savoir si le naturel peut être appelé art, le dilemme ne fait que s’approfondir ici.
Transformée par la magie de la centaine de pièces que j’ai contemplées au musée (600 autres sont entreposées), je fais miens ces mots deBernard Shaw, la beauté réside dans l’œil de l’observateur, auxquels je prête un autre sens : c’est le regard de l’observateur qui confère la beauté. Si Li n’avait arraché ces roches aux entrailles de la terre, ni vues ni connues, elles ne seraient pas « magnifiques ».
Source: french.china.org.cn |
|
||