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Double fête dans ma famille tibétaine

Une Chèvre parmi les chèvres (photo de Lisa Carducci)

Avec les deux fêtes qui approchent, tout le monde est fort affairé: il faut louer des voitures pour se rendre au bourg faire des emplettes, installer les « sentences parallèles » pour la fête du Printemps, construire une chambre pour les nouveaux mariés, fendre du bois, dont on utilise en hiver une vingtaine de buches par jour. Les poêles à combustion lente sont en train de s'implanter à Chini: l'économie de bois qui en résulte et la propreté de l'air ambiant, vu que la fumée s'évacue par une cheminée au lieu de se répandre dans la maison, sont un progrès non négligeable.

Le matin est un moment de travail intense. L'une prépare des galettes de riz glutineux et l'autre fait sauter des légumes pour le petit déjeuner, tandis que la mère fait la cuisine pour les yacks et les porcs, qui doivent manger chaud. Pour ma part, je nourris les poules, la chienne et ses quatre chiots, et balaie la cour. Le père récure l'extérieur des seaux et casseroles dont on fera un usage compulsif pour les réceptions.

Tous les vêtements doivent être lavés avant le dernier jour de l'année. Heureusement une machine à laver fait sa part plusieurs heures par jour, sauf quand le courant électrique fait défaut... Si la machine est installée dans la cour, c'est qu'il n'existe aucune canalisation et que l'eau ne peut être évacuée que dans la nature. J'ai remarqué aussi que la poudre à lessive qu'on achetait autrefois en vrac se vend maintenant dans un emballage commercial. Dans ces endroits où l'on ne connaissait que des déchets organiques, lesquels étaient entièrement convertis en nourriture pour les animaux ou en fertilisant pour la terre, on commence à voir des sacs de plastique s'envoler au vent et des bouteilles vides trainer ici et là. Quel dommage que le progrès s'accomplisse aux dépens de l'environnement!

Le matin est aussi l'heure des exercices religieux. Un jeune moine de 11 ans, dont la famille est au Tibet, passe les vacances avec sa parenté à Chini. Chaque matin il récite scrupuleusement les textes sacrés en tibétain, sous l'œil de son jeune cousin qui ânonne par imitation. Le père de famille, dès son lever, polit les sept minuscules coupes qu'il remplit d'alcool d'orge et place sur l'autel familial, remplace la cendre par de l'encens frais, et fait aussi la lecture des soutras à haute voix assis auprès du foyer.

Pas moins de cinquante kilos de farine passeront à la fabrication de pâtisseries pour le mariage. Il nous faut aussi casser plus de 10 kg de noix. La production de noix et d'huile de noix est la principale source de revenus de Chini. Je mets la main à la pâte bien que l'on ne cesse de me dire de me reposer en buvant du thé au beurre. Je finis par me découvrir une mission : repriser les vêtements des enfants, puis la veste doublée de mouton de la mère ainsi que deux bangdian (tablier distinctif des femmes tibétaines).

Malgré les occupations, nous prenons tout de même le temps de visiter l'important monastère local, Lunzhuding. Entre la maison et le monastère au sommet du mont, visible de partout dans le village, l'altitude passe de 3 200 à 3 600 mètres, ce qui équivaut à une marche rapide de une heure et demie (en descente) – un exercice éprouvant pour l'organisme. En fait, le village n'est que pente; le moindre déplacement s'effectue en montant ou descendant.

Nous assistons aussi à quelques activités de la fête du Printemps, bien que cette année, à cause de la noce qui nous occupe, cette fête passe au second plan.

Il a neigé trois nuits, et le matin tout fondait. Mais la veille du mariage et le jour même, le soleil rayonnait de toute sa splendeur.

Il restait beaucoup à faire, du barattage du beurre pour le thé au lavage des cheveux. Plus de cent personnes viendraient, la noce aurait lieu sur le pré où déjà l'orge était en herbe.

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