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Les « gilets jaunes » sont les symboles d’une France qui craint la réforme

French.china.org.cn | Mis à jour le 06. 12. 2018 | Mots clés : gilets jaunes
Crédit photo : VCG

Les excès de violence de ces scènes de révolte ont détourné l’attention du public et ont noyé les intentions de départ et les revendications du mouvement des « gilets jaunes ».

Le gouvernement avait annoncé qu’à partir du 1er janvier 2019, les taxes CO2 sur le diesel et sur l’essence augmenteraient respectivement de 6,5 centimes et 2,9 centimes d’euro.

Le diesel et l’essence constituent des nécessités de premier ordre pour beaucoup de foyers, ce qui explique pourquoi cette mesure a provoqué un grand mécontentement qui s’est transformé en vague de protestation sociale. Quelques centaines de milliers de protestataires seulement sont descendus dans la rue, mais le mouvement compte de nombreux partisans dans toute la société. Selon un sondage, 80 % des gens soutiennent le mouvement de protestation.

Si la revendication directe touche aux prix du carburant, en arrière-plan, la préoccupation de la société dans son ensemble est celle de la baisse du niveau de vie et du pouvoir d’achat. Ceci est un problème d’ordre macroéconomique dans la France actuelle.

La France est la septième puissance économique mondiale, et les « Trente glorieuses » de croissance rapide de l’après-guerre ont permis la mise en place d’un système complet de protection sociale, de droits des travailleurs, d’assurance-chômage, de retraite… Chaque Français était protégé par le gouvernement pour tous ses besoins, « du berceau à la tombe ». Avec la crise économique des années 1970, le Trésor public a dû supporter un fardeau de plus en plus lourd pour maintenir les acquis sociaux, sous peine de plaintes arrivant de toutes parts. La forte protection sociale a mené à un coût du travail de plus en plus élevé, la compétitivité des entreprises et du pays en a souffert sur les marchés mondiaux, et depuis les années 1980, le pouvoir d’achat baisse continuellement. Le sentiment de mécontentement s’est répandu et les mouvements de protestation se sont multipliés.

Les gouvernements précédents ont bien compris que seule une évolution du modèle socio-économique pourrait sortir la France de l’impasse. Mais chaque réforme touche à des intérêts particuliers, les privilèges de chacun sont vus comme intouchables, et toute tentative est punie dans les urnes. Cela a amené les dirigeants à considérer la stabilité de leur pouvoir et à bien souvent manquer de courage à l’heure des réformes, en finissant par adopter de petites mesures qui rendent la situation encore plus complexe, et à renforcer l’État providence pour garder la paix. 

Une fois élu à la présidence en 2007, Nicolas Sarkozy a tenté de réformer le système des retraites en repoussant l’âge de départ à la retraite. Le projet a rencontré une opposition immédiate des fonctionnaires, et sous l’énorme pression sociale, le gouvernement a dû renoncer, et Nicolas Sarkozy n’a pas été réélu en 2012.

François Hollande a aussi tenté de réformer après son élection en 2012, en adoptant les recommandations de son ministre de l’Économie d’alors, Emmanuel Macron, sur la modification du Code du travail. Le projet, qui touchait aux intérêts des salariés, a suscité une forte opposition. Des grèves et manifestations incessantes ont commencé, en parallèle d’un mouvement similaire à Occupy Wall Street. La réforme est morte dans l’œuf. La cote de popularité de François Hollande a dégringolé à 20 % dans les sondages, ce qui a fait de lui le président le plus impopulaire de l’histoire. Il a fini par renoncer à présenter sa candidature à un second mandat.

En voyant Sarkozy et Hollande trébucher dans leurs tentatives de réforme, l’opinion publique en a tiré un verdict : en France, quiconque s’aventure vers la réforme y laisse son pouvoir. La résistance des Français n’en est sortie que plus forte.

En 2017, Emmanuel Macron a été élu au second tour avec 66 % des suffrages. Ce jeune président de 39 ans sûr de lui, en faveur des réformes, a compris que l’amendement du Code du travail était une étape essentielle à la revitalisation de l’économie et était déterminé à faire avancer ce projet. À la fin de l’année dernière, après un renforcement de la communication du gouvernement et un travail fait avec toutes les parties prenantes, le texte a enfin été adopté. De manière inattendue, c’est l’augmentation des prix du carburant qui a mis le feu aux poudres. La raison en est très simple : la réforme du Code du travail était une réforme des entreprises, alors que l’augmentation des prix du carburant touche au niveau de vie de tous les foyers, c’est pourquoi l’opposition de la société a été si forte. Macron a réagi au dernier moment, en essayant d’apaiser la colère publique le plus vite possible. Sa décision est judicieuse, même s’il doit en payer le prix fort en politique.


par Shen Xiaoquan, maître de recherche au Centre d’étude des problématiques mondiales de l’Agence Xinhua

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Source:french.china.org.cn