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Des étudiants de l'institut Confucius de Tashkent présentent leur calligraphie.
YOU SHANSHAN*
Sur le campus de l'Université euro-asiatique, on peut voir, chaque après-midi après 16 h, une vieille dame marcher d'un pas alerte. Elle s'appelle Bibizada et c'est une professeure retraitée. Si elle vient hanter son ancien lieu de travail, ce n'est pas pour donner des cours, mais pour suivre des cours de chinois au sein de l'institut Confucius installé ici.
Qu'il pleuve ou qu'il vente, l'ancienne professeure âgée de 74 ans est toujours ponctuelle. Chaque jour, elle termine consciencieusement ses devoirs. Son histoire m'intrigue et pique ma curiosité. Pourquoi, à son âge, déployer autant d'efforts à apprendre le chinois ?
Elle répond simplement qu'il n'y a aucune raison autre que le fait qu'elle adore ça.
« Adorer » est le mot que l'on entend le plus dans les instituts Confucius d'Asie. Ici, on adore la calligraphie, les chansons et la danse chinoises, le kung-fu, et par-dessus tout, on aime étudier la Chine. « Notre institut est ouvert à tout le monde. Si cela vous intéresse, vous pourrez venir ici apprendre le chinois et étudier la culture chinoise », affirme Li Xichang, directeur de l'institut Confucius de l'Université euro-asiatique.
Le taï-chi est l'une des activités préférées des étudiants à l'institut Confucius.
Une plate-forme importante d'échange culturel
Ainsi que le dit M. Li, que ce soit l'institut du Kazakhstan ou celui d'Ouzbékistan, on y rencontre des élèves de toutes les tranches d'âge : personnes âgées de 60 ou 70 ans, étudiants d'une vingtaine d'années. Le cadet, ici, est un enfant de sept ans.
Depuis l'Antiquité, l'Asie centrale est étroitement liée à la Chine. Voici plus de 2 000 ans, la Route de la Soie qui reliait les civilisations orientale et occidentale traversait ces espaces arides. Aujourd'hui, avec la multiplication des échanges entre la Chine et les pays de la région, la population d'Asie centrale s'intéresse de plus en plus au chinois et à la culture chinoise. Me promenant dans des villes comme Almaty ou Tashkent, je croise des gens qui me saluent en disant « nihao ! »
Afin de répondre à ce besoin en Asie, on compte 11 instituts Confucius organisés en coopération entre le Hanban (autorité chinoise chargée de l'enseignement du chinois à l'étranger) et des universités de différents pays. Le nombre d'étudiants est également en augmentation constante. L'institut Confucius de l'Université euro-asiatique ne comptait qu'une trentaine d'étudiants au moment de sa fondation en 2007, contre 267 à l'heure actuelle. « C'est surtout après la visite du président Xi Jinping au Kazakhstan en 2015 que l'on a vu le nombre d'étudiants exploser, passant de 150 environ à 267. On manque de salles de classe et de professeurs », explique M. Li. L'institut est en train de chercher avec l'Université euro-asiatique des solutions à ce problème.
Les étudiants qui apprennent le chinois ici savent que l'institut offre également des possibilités d'aller étudier en Chine par la suite.
Erlan, 22 ans, est étudiant en dernière année à l'Université des langues mondiales de Tashkent, en Ouzbékistan. Il a appris le mandarin pendant quatre ans à l'institut Confucius pendant son temps libre. Il le parle déjà très couramment. Pourtant il reste insatisfait de son niveau. « Pour moi, l'idéal serait d'aller poursuivre mes études de mastère en Chine, approfondir ce que j'ai appris ici, mes connaissances d'histoire. Et puis j'aimerais découvrir la vie quotidienne dans la Chine d'aujourd'hui », explique-t-il.
Le rêve d'Erlan est à sa portée. Le Hanban accorde à chaque institut Confucius 10 à 15 bourses par an. Les étudiants qui réunissent toutes les conditions peuvent déposer leur dossier. Leurs frais d'études et leurs dépenses quotidiennes sont prises en charge par le gouvernement chinois. Alimjan, au centre culturel de l'Université des relations internationales et des langues à Abraham, au Kazakhstan, a profité de cette opportunité pour aller étudier en Chine. En 2013, il a participé au concours « Pont vers le chinois », une sorte de tournoi des connaissances linguistiques organisé pour les étudiants étrangers, et s'est classé deuxième. En septembre de cette année, il entamera sa deuxième année au département du commerce international de l'université Renmin. « Je suis exempté de frais d'études. Chaque mois, le gouvernement me verse 1 700 yuans », explique-t-il. Une somme d'argent suffisante pour couvrir les dépenses quotidiennes de l'étudiant.
L'institut Confucius de Tashkent
De belles perspectives
J'interroge Ella, étudiante au centre culturel de l'Université des relations internationales et des langues. Je lui demande pour quelle raison elle a choisi le chinois et sa réponse m'intrigue : « Je le dois à mon père. »
« Mon père a travaillé en Chine et il en est revenu plein d'admiration pour un pays dont il était convaincu qu'il allait se développer très vite. C'est pourquoi il m'a conseillé d'apprendre le chinois, m'affirmant que je n'aurai jamais de difficultés pour trouver du travail », explique-t-elle. Après l'avoir étudiée pendant un an, Ella a développé une vraie passion pour cette langue. Aujourd'hui, c'est la spécialité qu'elle a choisie pour ses études universitaires.
Le père d'Ella a eu raison, et le commerce entre la Chine et le Kazakhstan se développe rapidement. Selon des données fournies par l'ambassade de Chine au Kazakhstan, le volume du commerce entre les deux pays a atteint 28,6 milliards de dollars en 2016, faisant de la Chine le premier partenaire commercial du Kazakhstan. Elle est également l'un des principaux investisseurs au Kazakhstan, avec un solde dépassant déjà 25 milliards de dollars.
« Actuellement, de nombreuses entreprises chinoises invertissent dans notre pays. L'initiative de la Ceinture économique de la Route de la Soie a été lancée lors de la visite officielle du président Xi Jinping au Kazakhstan l'année dernière. C'est pourquoi, je pense, que de plus en plus d'entreprises s'intéressent à notre pays. Cela signifie un grand nombre d'opportunités et d'emplois pour les étudiants qui parlent le chinois. Je passe mon diplôme cette année, et je suis en ce moment en contact avec la CNPC (China National Petroleum Corporation) pour y solliciter un emploi. J'espère travailler comme interprète dans cette entreprise », affirme Ella.
Les professeurs partagent ce point de vue : « Les étudiants diplômés en chinois ont plus de chances de trouver du travail. D'abord, parce que nombre d'entreprises chinoises s'implantent au Kazakhstan ; ensuite, parce que les échanges commerciaux entre les deux pays augmentent très vite. Ceux qui ne trouvent pas d'emploi pourront toujours aller travailler en Chine ou y poursuivre leurs études », souligne l'un d'entre eux. Le directeur de l'institut, M. Li, raconte qu'un grand nombre d'entreprises chinoises, comme Tour Beijing Astana, China Southern Airlines, Banque industrielle et commerciale de Chine, entre autres, ont déjà embauché plusieurs diplômés de son institut.
« Tout le monde parle de la Ceinture économique de la Route de la Soie. Avant cela, on parlait de la Route de la Soie comme d'un phénomène de l'histoire de l'Antiquité, très loin de nous. Aujourd'hui, au contraire, elle s'est rapprochée, et nous avons plus d'opportunités d'apprendre le chinois et d'aller en Chine, nous avons plus de chances de trouver un travail au Kazakhstan. C'est une coopération gagnant-gagnant », lance, dans un chinois parfait, Ainura, étudiante à l'institut.
*YOU SHANSHAN est journaliste pour People's China.
Source: La Chine au Présent |
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