Le 24 mars, le président russe Vladimir Poutine a accueilli en grandes pompes au Kremlin Marine Le Pen, présidente du Front national (FN) et candidate faisant partie des favoris à l'élection présidentielle française. Bien que le président russe ait catégoriquement nié toute tentative de se mêler de la campagne présidentielle française, cette rencontre a malgré tout permis d'améliorer l'image internationale de Marine Le Pen et pourrait avoir une influence favorable pour la candidate du FN, alors que la à la présidentielle française se trouve actuellement engluée dans des affaires et se révèle assez floue.

Les quatre points à noter sur cette rencontre

Premièrement, Marine Le Pen, ayant toujours eu de la sympathie pour Vladimir Poutine, s'est déplacée plusieurs fois en Russie depuis 2013 et a à chaque fois tenté de rencontrer le président russe, sans jamais y parvenir. Sa récente rencontre avec M. Poutine est donc une véritable surprise. La presse parisienne a qualifié cette rencontre d'action diplomatique « très soudaine » et de « jamais vue ». Selon un commentaire de l'AFP, il est « extraordinaire pour Poutine de rencontrer une candidate à l'approche de la présidentielle ».

Deuxièmement, l'entretien, prévu dans une salle au premier étage du Kremlin, a été filmé par une caméra et plusieurs photos ont été publiées à son issue, montrant des poignées de main entre Vladimir Poutine et Marine Le Pen assis l'un en face de l'autre. Le Kremlin a publié les points essentiels de l'entretien. Les informations sur cette rencontre ont été largement diffusées, faisant même la une de certains journaux télévisés. Cela montre que la partie russe semble chercher à mettre en avant cette rencontre pour atteindre un objectif politique. Le fait de choisir l'un des nombreux candidats pour un dialogue durant la campagne présidentielle française révèle une tendance et un but très clairs, bien que Poutine ait insisté qu'il « n'avait l'intention d'influencer l'évolution future de la présidentielle française par aucun moyen ».

Troisièmement, la présidentielle française est entrée dans une phase cruciale. Selon plusieurs sondages, Marine Le Pen et Emmanuel Macron, candidat indépendant du centre, obtiendraient le plus grand nombre de voix au premier tour du scrutin qui se tiendra le 23 avril. Et certains sondages montrent qu'au deuxième tour du scrutin, Emmanuel Macron remporterait probablement la victoire sur Marine Le Pen.

A un moment si crucial, la rencontre subite de Vladimir Poutine avec Marine Le Pen est une occasion précieuse pour cette dernière de gagner des voix. Le manque de crédibilité internationale et le manque d'alliés internationaux sont les plus grands points faibles de Marine Le Pen. Le fait d'être invitée par le Kremlin lui a permis de remédier à ces faiblesses.

Enfin quatrièmement, le président russe a indiqué à son invitée française qu'elle « représentait un groupement politique qui se développe assez rapidement ». Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a, quant à lui, fait savoir plus tôt que Marine Le Pen n'était pas « une populiste », mais « une réaliste » qui « se prononce contre la mondialisation ». D'un point de vue radicalement différent de celui de l'Occident, la Russie refuse de coller une étiquette de « populiste » effrayante à Marine Le Pen.

Marine Le Pen a beaucoup d'estime pour Vladimir Poutine

Ce n'est pas par hasard que la Russie mise sur Marine Le Pen. Le FN, parti d'extrême droite de France, a toujours maintenu d'étroites relations avec la Russie. Jean-Marie Le Pen, créateur du FN et père de Marine Le Pen, avait déjà effectué une visite à Moscou en 1991. Marine Le Pen a pris le relais de son père, qui avait démissionné de son poste de président du FN en 2011. Elle a continué à développer les relations avec la Russie et s'est déplacée à plusieurs reprises dans ce pays depuis 2013, et a également fait l'objet d'un accueil officiel du parlement russe. Elle a été réélue présidente du FN à la 15^e Assemblée de son parti. Deux envoyés spéciaux du président Vladimir Poutine, invités très importants de la 15^e Assemblée du FN, y ont été accueillis chaleureusement. Les médias estiment que leur présence est une première, encore jamais vue dans l'histoire du FN, voire un événement rarement rencontré dans l'histoire des partis politiques de France.

Lors des élections municipales de l'année dernière, le FN a obtenu un résultat à ne pas sous-estimer. Le président Poutine avait alors adressé ses félicitations à la victoire de Marine Le Pen, rompant le silence et montrant pour la première fois sa bienveillance à l'égard de la présidente du FN.

Ayant beaucoup d'estime pour Vladimir Poutine, Marine Le Pen a choisi de le soutenir sur les questions internationales d'importance majeure. La « récupération » de la Crimée par la Russie après l'éclatement de la crise ukrainienne a suscité la condamnation et la protestation à l'unanimité de l'Occident, y compris du gouvernement français. Marine Le Pen, en exprimant ouvertement son soutien à Vladimir Poutine, a déclaré que « c'était une action tout à fait légale ». Marine Le Pen a également exprimé sa ferme opposition aux mesures de sanction adoptées par l'Occident contre la Russie, ainsi que contre le refus par le gouvernement français de délivrer les deux porte-hélicoptères « Mistral » à la Russie. Sur le plan diplomatique, Marine Le Pen souhaite une France « détachée de l'OTAN » et « alliée à la Russie » ; sur le plan économique, elle désire développer la coopération avec la Russie et se prononce contre la dégénérescence de l'Occident et l'hégémonisme des Etats-Unis. Par ailleurs, elle estime que les deux parties partagent la même conception des valeurs, affirmant que le président Poutine attache beaucoup d'importance à la « souveraineté du peuple » et qu'ils « défendent les mêmes valeurs, celles de la civilisation européenne ».

Selon les analyses de certains médias parisiens, le choix par Moscou de Marine Le Pen à la présidentielle française vise à affaiblir Emmanuel Macron, lui aussi candidat favori. « Mouton noir » de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s'est présenté en tant que candidat indépendant. Son orientation politique « ni de gauche ni de droite » a remporté un large soutien de la société, dépassant de loin les candidats de la droite et de la gauche traditionnelles. Il représente ainsi un espoir pour vaincre Marine Le Pen. Cependant, Emmanuel Macron et la Russie n'entretiennent pas ce que l'on pourrait appeler une relation harmonieuse. Richard Ferrand, secrétaire général du mouvement En Marche, parti créé par Emmanuel Macron, a récemment suggéré qu'une force étrangère était en train de s'ingérer dans la vie démocratique en France : « La Russie est contre la présence de Macron à la présidentielle. Des médias nationaux de Russie diffusent tous les jours de fausses informations qu'ils propagent à l'intérieur du pays, destinées initialement à l'exportation ». Certains médias français accusent des hackers russes d'avoir attaqué le site internet d'Emmanuel Macron pour répandre des rumeurs.

L'Allemagne voit Emmanuel Macron d'un bon œil

En réalité, la Russie n'est pas la seule puissance à intervenir dans la présidentielle française. Détesté par la Russie, Emmanuel Macron est apprécié par l'Allemagne parce qu'il défend la même position que la chancelière allemande Angela Merkel sur les questions liées à l'Europe. Chaleureusement accueilli à Berlin le 16 mars, il a rencontré la dirigeante allemande et Sigmar Gabriel, vice-chancelier allemand et ministre des Affaires étrangères. Les médias disent que les dirigeants allemands ont exprimé leur soutien très clair à Emmanuel Macron. « L'Europe a besoin d'une France puissante et d'un président orienté sur l'Europe », a affirmé Sigmar Gabriel. Ses propos visent évidemment Marine Le Pen, cette dernière préconisant le rejet de l'euro par la France, voire le détachement du pays de l'UE, sachant très bien qu'une sortie française de l'UE signifierait la dislocation du bloc européen.

Les Etats-Unis s'en mêlent également. Le président américain Donald Trump n'est pas optimiste vis-à-vis de Marine Le Pen. Cette dernière s'était rapidement rendue à New York après l'élection de Donald Trump, mais elle n'a pas pu rencontrer le nouveau président américain, bien qu'elle l'ait attendu dans les locaux de la tour Trump. Selon des sources d'information non vérifiées, le candidat préféré des Etats-Unis serait Emmanuel Macron. Certains spéculent que le fait que ce dernier, pourtant peu connu, soit donné comme grand favori en moins de deux mois serait lié à une manipulation des Etats-Unis.

« Nous réservons nos droits de contacter les représentants des différentes forces politiques de France, tout comme le font nos partenaires européens ou les Américains », avait déclaré le président russe lors de sa rencontre avec Marine Le Pen.

Tout cela nous permet ainsi d'entrevoir les luttes, tant déclarées que dissimulées, entre la Russie et l'Occident qui se cachent derrière la présidentielle française.

(Traduction d'un article en chinois rédigé par Shen Xiaoquan, maître de recherche au Centre de recherche sur les problématiques mondiales de l'agence de presse Xinhua.)