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Le projet nucléaire sino-français de Hinkley Point traverse une phase de tourments

French.china.org.cn | Mis à jour le 05. 08. 2016 | Mots clés : Hinkley Point ,Chine,France

Le projet de centrale nucléaire de Hinkley Point au Royaume-Uni, cofinancé par la France et la Chine, devait être approuvé officiellement par le gouvernement britannique le 29 juillet. Mais à la veille de la signature de l'accord, le ministre de l'Energie Greg Clark a soudainement annoncé que le nouveau gouvernement britannique « examinait avec soin » le projet et rendrait sa décision à l'automne. En une annonce, le gouvernement a ainsi appuyé sur le bouton « pause » dans ce grand projet de coopération représentant un énorme investissement.

Une telle décision prise par le gouvernement à peine établi a provoqué une onde de choc auprès des entreprises et des pays concernés. Elle fait également planer le doute et l'inquiétude sur le développement futur des relations sino-britanniques et des relations sino-européennes. Certains commentateurs ont estimé que la nouvelle première ministre Theresa May adopte une attitude prudente face aux chantiers laissés par son prédécesseur David Cameron, et que le résultat final est encore inconnu.

Le groupe China General Nuclear Power Corporation (CGN), qui investit dans le projet, a annoncé que « compte tenu de l'importance du projet de Hinkley Point C pour la sécurité énergétique future du Royaume-Uni, nous exprimons notre compréhension et respect envers le besoin de temps du nouveau gouvernement pour se familiariser avec le projet. CGN est prêt et continuera avec son partenaire stratégique EDF à promouvoir le projet pour fournir une énergie sûre, fiable et durable au Royaume-Uni ».

Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a rappelé que le projet de Hinkley Point, auquel participent la Chine, la France et le Royaume-Uni, bénéficie aux trois parties et sera réalisé dans un esprit gagnant-gagnant. Le ministère a ainsi souhaité que le gouvernement britannique puisse rendre sa décision le plus tôt possible pour assurer la bonne mise en œuvre du projet.

La centrale de Hinkley Point est située dans le sud-ouest de l'Angleterre, dans le Somerset, et est composée actuellement de deux unités : Hinkley Point A et B. La première unité a été construite en 1957 avec un réacteur à eau pressurisée, et a été arrêtée en 2000. L'unité Hinkley Point B a été construite en 1976, avec deux réacteurs avancés au gaz, qui sont encore utilisés à l'heure actuelle. Le projet Hinkley Point C prévoit la construction de deux réacteurs pressurisés européens (EPR), et est le premier projet de construction nucléaire approuvé au Royaume-Uni depuis plus de 20 ans. La date prévue d'entrée en service de Hinkley Point C est 2030. Le projet représente un investissement total d'environ 18 millions de livres (environ 24 milliards de dollars selon le taux de change actuel), ce qui est pour l'instant le plus coûteux projet de construction nucléaire au monde.

Un symbole de « l'âge d'or » des relations sino-britanniques

Le gouvernement de David Cameron avait voulu promouvoir activement la coopération entre la Chine et le Royaume-Uni. En octobre dernier, le premier ministre britannique avait accueilli avec tous les honneurs le président chinois Xi Jinping lors de sa visite d'Etat au Royaume-Uni, et les deux pays avaient signé à cette occasion des accords commerciaux et d'investissement portant sur plus de 30 milliards de livres sterling, dans les secteurs des industries créatives, de la vente au détail, de l'énergie, de la santé, des sciences et technologies, des services financiers, de l'aérospatiale et de l'éducation. Au cours de cette période, CGN et EDF ont signé un accord pour investir dans la construction des réacteurs de Hinkley Point C, et pour travailler conjointement sur les deux projets nucléaires britanniques suivants, Sizewell et Bradwell. Selon l'accord, CGN et EDF assurent respectivement 33,5 % et 66,5 % du financement du projet de Hinkley Point C. La partie chinoise investit donc 6 milliards de livres.

Le précédent chancelier de l'Echiquier britannique George Osborne avait annoncé lors de sa visite en Chine que le gouvernement britannique verserait 2 milliards de livres dans le projet en capital initial. Cette initiative ouvrirait la porte à une coopération sans précédent dans la construction de centrales nucléaires entre la Chine et la Grande-Bretagne. Les observateurs internationaux ont estimé que le succès de la visite du président Xi Jinping au Royaume-Uni a ouvert une décennie dorée des relations sino-britanniques, et l'investissement chinois dans le projet de Hinkley Point C a été vu comme un symbole de cet âge d'or. Xi Jinping a salué les résultats de la coopération sino-britannique dans une interview accordée à Reuters, en notant que le projet de Hinkley Point est un produit de la coopération tripartite entre la Chine, la France et la Grande-Bretagne. Il a espéré que les entreprises des trois pays pourraient faire jouer pleinement leurs avantages respectifs dans ce cadre, pour assurer la bonne mise en œuvre de ce projet qui bénéficiera au peuple britannique.

Des relations franco-britanniques assombries

La France est particulièrement importante dans le projet de Hinkley Point, puisque son entreprise EDF détient 66,5 % des parts, doit assurer la totalité de la construction, et intégrer ses réacteurs EPR dans la centrale nucléaire. Il s'agit du plus grand projet pour l'EPR en Europe, et il doit servir d'exemple pour permettre à la France de promouvoir sa technologie nucléaire de pointe dans les autres régions du monde.

L'année dernière, les gouvernements chinois et français ont signé un accord de coopération sur les marchés tiers, selon lequel ils tenteront d'utiliser ensemble leurs avantages respectifs dans d'autres pays. Le projet de Hinkley Point est une concrétisation de grande ampleur de cet accord.

Depuis l'an dernier, les responsables financiers d'EDF se déchirent sur le financement de Hinkley Point. Lorsque Theresa May est devenue première ministre, EDF a semblé réaliser que le nouveau gouvernement britannique pourrait s'éloigner de l'attitude positive de l'ancien envers le projet, et avait déclaré que les perspectives de Hinkley Point n'étaient pas encourageantes. C'est pourquoi, avec le soutien du gouvernement français, EDF a accéléré sa prise de décision, et son conseil d'administration a voté plus tôt que prévu – le 28 juillet au lieu du mois de septembre – l'approbation du projet.

Mais en réponse au feu vert des Français, le Royaume-Uni est passé au feu rouge. Selon certains reportages, lorsque Theresa May a rencontré le président français François Hollande à Paris le 21 juillet, elle a précisé que son gouvernement prendrait plus de temps pour examiner le projet, et que l'approbation d'EDF ne signifiait pas une approbation automatique des autorités britanniques. Le 27 juillet, Theresa May a officiellement informé le président français par téléphone de la décision de son gouvernement. Après le vote par référendum sur le Brexit, les relations franco-britanniques s'assombrissent une nouvelle fois.

Une seule solution, l'attente

Le changement de gouvernement en Grande-Bretagne a apporté son lot de variables au projet de Hinkley Point. Theresa May a délibérément maintenu ses distances avec l'ancien gouvernement, pour éviter de donner l'impression qu'elle suit aveuglément les décisions de ce dernier. Elle doit répondre à ceux qui considèrent que le coût de ce projet est excessif, que sa taille est exagérée, qu'il pourrait conduire à des problèmes environnementaux, etc. D'autres craignent que Theresa May nourrisse ses propres « préjudices » à l'encontre de la Chine. Lorsqu'elle était ministre de l'Intérieur du précédent gouvernement, « elle avait exprimé de fortes réserves sur le rapprochement sino-britannique ». L'ancien secrétaire au Commerce Vince Cable a même prévenu que le nouveau gouvernement pourrait « suivre l'exemple des Etats-Unis en interdisant les acquisitions étrangères susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale ».

Toutefois, d'autres observateurs ne pensent pas que cet incident se traduira par un changement fondamental dans les relations sino-britanniques. Tout d'abord, après la sortie britannique de l'Union européenne, le Royaume-Uni sera libéré des contraintes formées par la politique de l'UE d'assimilation des capitaux étrangers. Il pourra rechercher des marchés à l'échelle mondiale pour compenser ses pertes sur le marché européen, de sorte que sa demande de coopération bilatérale économique et commerciale ne sera pas réduite, mais bien renforcée. La réaction a été forte après l'annonce du gouvernement britannique du report de Hinkley Point, en évaluant le pour et le contre ; un porte-parole du gouvernement a déclaré le 1er août que la Grande-Bretagne souhaite toujours établir une « relation forte » avec la Chine. D'un point de vue technique, Hinkley Point fournira 7 % de l'approvisionnement en électricité du pays, et l'énergie nucléaire, en tant qu'énergie propre, est essentielle au pays s'il veut réduire ses émissions à effet de serre. Le gouvernement s'est engagé à réduire d'ici 2025 les émissions de carbone de moitié par rapport à 1990, et d'avoir en 2050 des émissions réduites à 20 % par rapport à 1990. Par conséquent, le développement de l'énergie nucléaire est peu susceptible de changer dans la politique du pays. A l'heure actuelle, beaucoup pensent que le gouvernement britannique n'approuvera pas le projet tel qu'il est, mais seulement après y avoir apporté quelques ajustements, afin de s'expliquer auprès du public.

Compte tenu de cela, le nouveau gouvernement britannique a non seulement besoin de temps pour étudiant les détails du projet, il devrait également se hisser à la hauteur stratégique, en examinant sérieusement la situation d'ensemble des relations sino-britanniques pour le futur.

 

(Traduction d'un article en chinois rédigé par Shen Xiaoquan, maître de recherche au Centre de recherche sur les problématiques mondiales de l'agence de presse Xinhua.)

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Source: french.china.org.cn

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