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Le premier ministre français Manuel Valls a effectué une visite en Australie au début du mois de mai. Les deux pays ont officiellement annoncé un important contrat d'armement : la France fournira à l'Australie 12 sous-marins de nouvelle génération, pour une valeur totale de 34 milliards d'euros. Plusieurs commentateurs ont qualifié ce tour de force de « contrat du siècle ». Plus tôt cette année, durant la visite du président français François Hollande en Inde, les deux parties ont aussi annoncé un grand contrat d'armement, portant sur la vente de 36 chasseurs Rafale par la France à l'Inde, pour une valeur totale de 8,3 milliards d'euros. La France a ainsi conclu deux grands accords de vente d'armement dans la région Asie-Pacifique en peu de temps. Les armes ne sont pas des marchandises ordinaires, et ces contrats ont un impact sur la sensibilité à la sécurité régionale. Dans le cas des navires et avions français de guerre vendus à l'Australie et à l'Inde, l'impact sur la région Asie-Pacifique ne peut que susciter qu'une forte préoccupation dans l'opinion publique internationale.
Selon les reportages, le constructeur naval français DCNS fournira à l'Australie une nouvelle génération de sous-marin à propulsion nucléaire en version hybride de 4700 tonnes, à la différence du sous-marin Barracuda classique de 4500 tonnes. Ce modèle utilise le système le plus avancé de propulsion de jets d'eau, le bruit des hélices est beaucoup plus faible et rend le sous-marin plus discret. Le nouveau sous-marin devrait être livré à partir de 2027, en remplacement de la classe actuelle de sous-marins de l'armée australienne, les Collins. Les Collins ont un déplacement de seulement 3300 tonnes. Cela fera passer le nombre de sous-marins de la marine australienne de 6 à 12. Selon un autre reportage, de nouveaux systèmes d'information combat pour sous-marins seront fournis par une société américaine.
La somme dépensée par l'Australie pour l'acquisition de nouveaux sous-marins et autres équipements militaires a été décidée par le gouvernement en réaction à la situation régionale. En février, le pays a publié un livre blanc de la défense qui prévoit que d'ici 2020, environ la moitié des sous-marins du monde mèneront des activités dans l'océan Indien et dans l'océan Pacifique. Par conséquent, il est fort possible que les nouveaux sous-marins acquis par l'Australie aient un grand impact sur la ceinture de sécurité des vastes eaux de l'océan Indien et du Pacifique. Grâce à la plus grande distance parcourable et le moindre bruit de ses sous-marins, la capacité de surveillance des eaux de l'Australie sera bien plus forte.
Certains ont commenté que ce contrat entre l'Australie et la France « vise à contenir la Chine ». Selon le journal japonais Nihon Keizai Shimbun, « le contrat est destiné à empêcher les navires militaires chinois de patrouiller de la mer de Chine méridionale au Pacifique et à l'océan Indien, et les sous-marins australiens seront déployés dans les eaux proches du détroit de la Sonde et d'autres nœuds de circulation stratégiques ».
Le journal avance aussi que l'augmentation soudaine de l'arsenal australien avec 12 sous-marins est susceptible de venir en soutien des Etats-Unis en capacité de réserve dans la stratégie américaine du Pacifique occidental.
Il y a trois mois, la signature du contrat portant sur 36 Rafale entre la France et l'Inde a suscité la même attention mondiale. Les Rafale sont des avions chasseurs français développés par Dassault depuis les années 1980 comme « aéronef polyvalent de combat », prévoyant la défense aérienne, la reconnaissance aérienne, des capacités de frappe précises air-sol et air-mer et une frappe nucléaire, ce qui en fait l'avion de combat le plus avancé, que l'on surnomme parfois un avion « couteau suisse ». En 2004 et 2006 respectivement et pour les trente prochaines années, les Rafale sont devenus les chasseurs principaux de la marine et de l'armée de l'air françaises.
Ces dernières années, le Rafale a montré ses talents durant la guerre de Libye et dans les frappes visant l'Etat islamique dans la région du Golfe, et a acquis une grande réputation qui lui a ouvert la voie au marché international. En 2015, l'Egypte et le Qatar ont signé un contrat portant sur l'achat de 24 Rafale chacun auprès de la France. L'Inde est devenue le troisième client étranger du Rafale.
L'acquisition par l'Inde de ce type d'armement répond à des considérations géopolitiques. Le journal Le Figaro a rapporté les propos de certains observateurs notant que la Chine, qui est voisine de l'Inde, modernise son arsenal militaire à grande échelle, développe son propre avion de chasse et coopère avec le Pakistan ; ces mesures ne sont pas susceptibles de surprendre en Inde, car le pays désire également moderniser son arsenal pour faire face à la menace potentielle. Associated Press a noté que les forces aériennes indiennes comptent environ 700 avions de combats, un nombre inférieur à l'arsenal des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine. Le pays serait aujourd'hui de plus en plus préoccupé par l'expansion rapide de l'armée chinoise et par plusieurs décennies de méfiance envers le Pakistan, ce qui l'inciterait à renforcer ses forces de défense.
A l'heure actuelle, la mise en œuvre de la « stratégie de rééquilibrage » des Etats-Unis dans la région Asie-Pacifique, qui vise en particulier la situation constamment tendue en mer de Chine méridionale, a déclenché une course à l'armement de grande ampleur dans les pays voisins. Selon les données portant sur les ventes d'armes publiées par l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, de 2010 à 2014, l'Asie a réalisé 48 % des importations mondiales d'armes, dépassant le Moyen-Orient en guerre (22 %). La concurrence sur le marché de l'armement asiatique est féroce ; les Français espèrent pouvoir continuer à élargir leur part de marché grâce à leurs avantages en termes de technologie et de fabrication militaires. La France a signé de gros contrats de vente avec l'Inde et l'Australie, ce qui s'inscrit évidemment dans les efforts du gouvernement français pour stimuler le plus tôt possible la reprise de la croissance économique et élargir les résultats de la « diplomatie économique ».
L'intention de la France de renforcer son influence dans la région Asie-Pacifique en élargissant ses ventes d'armes est également claire. Le président François Hollande a développé après son accession au pouvoir en 2012 une stratégie tournée vers l'Asie, et a affirmé que « la France est un pays du Pacifique », car le pays dispose d'intérêts stratégiques dans la région. L'objectif stratégique de la France est de renforcer son influence dans la région.
Il y a peu, les médias indiens ont révélé la tenue d'exercices militaires conjoints entre la France et l'Inde dans l'océan Indien. En mai dernier, les forces principales du porte-avions Charles de Gaulle ont terminé leur mission de frappes aériennes contre l'Etat islamique dans la région du Golfe, et ont « disparu » pendant un certain temps. C'est à ce moment-là qu'ont été menés les exercices conjoints de dix jours dans l'océan Indien avec la marine indienne. En 1998, les deux gouvernements ont établi un cadre de partenariat stratégique, en décidant de tenir régulièrement des exercices militaires conjoints dans la marine et les forces aériennes.
Les médias ont noté que les exercices militaires conjoints à grande échelle se sont multipliés en 2015. Du côté français, outre le porte-avions Charles de Gaulle, deux destroyers et un navire de ravitaillement ont participé aux exercices. Certains reportages ont cru deviner l'ombre d'un sous-marin nucléaire français. Selon les médias, ces exercices englobaient « tous les scénarios » avec des opérations navales, des opérations impliquant le porte-avions, de la détection anti-sous-marine et une reconstitution à plusieurs navires. Les médias indiens ont annoncé que « face à l'approche chinoise d'occupation rapide de l'océan, une marine indienne professionnelle bien formée et bien équipée présente encore un effet dissuasif ».
Dans la situation actuellement tendue de la région Asie-Pacifique, les ventes d'armes françaises et les exercices militaires conjoints suscitent une certaine inquiétude. Le maintien de la stabilité régionale relève de la responsabilité de chaque pays. En tant que grande puissance européenne qui assume un rôle international, la France doit absolument considérer l'équilibre et agir avec prudence.
(Traduction d'un article en chinois rédigé par Shen Xiaoquan, maître de recherche au Centre de recherche sur les problématiques mondiales de l'agence de presse Xinhua.)
Source: french.china.org.cn |
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