Deux prix Nobel signifient-ils que la France n'est pas en déclin ?

Par : Vivienne |  Mots clés : France,prix Nobel,Modiano,Tirole
French.china.org.cn | Mis à jour le 16-10-2014

Deux prix Nobel signifient-ils que la France n'est pas en déclin ?

Le 13 octobre, la France remportait son deuxième prix Nobel de l'année en moins d'une semaine, cette fois-ci en économie. Comme le rapporte le New York Times, le premier ministre français Manuel Valls a immédiatement exprimé sa fierté, mais la réaction des intellectuels, économistes et commentateurs a été moins enthousiaste. Certains ont fait remarquer avec dédain que si la France reste un grand pays en termes de culture, elle a perdu son influence dans les domaines de la politique et de l'économie.

Après l'annonce du deuxième prix Nobel attribué à un Français, le premier ministre Manuel Valls s'est tourné vers Twitter pour exprimer sa grande fierté, en ajoutant « Quel pied-de-nez au French bashing ! »

Le journal Le Monde a fait remarquer dans un éditorial que malgré les dires des « déclinologues », l'attribution du prix Nobel de littérature à Patrick Modiano était un signe de reconnaissance du pays. « En France, pourrait-on dire, on n'a pas de pétrole, mais on a des Nobel », ajoute le journal. Modiano est le quinzième écrivain français à recevoir le prestigieux prix, rejoignant les rangs de Sartre et Camus.

Mais en France, l'insatisfaction se porte comme un accessoire vestimentaire. L'économie trébuche, Paris a perdu de son pouvoir d'influence au profit de Berlin et Bruxelles, le Front National d'extrême droite gagne rapidement des voix, et le président François Hollande est l'un des plus impopulaires de l'histoire moderne. Dans ces circonstances, la réaction de certains intellectuels, économistes et commentateurs n'a été qu'un haussement d'épaules.

Le philosophe Alain Finkielkraut, qui enseigne à l'élite de l'École Polytechnique, a récemment publié un livre dans lequel il accuse la France d'être tombée dans le conformisme et le multiculturalisme. Selon lui, les responsables politiques du pays fétichisent les prix Nobel, ce qui est un signe non pas d'une France prospère, mais d'un pays désespéré.

« Je pense qu'utiliser les Nobel pour contredire le French bashing est une idée idiote, a-t-il déclaré. Notre système d'éducation est en morceaux et le Nobel n'y change rien. J'ai beaucoup d'affection pour Patrick Modiano, mais je pense que Philip Roth méritait le prix Nobel plus que lui. Il est absurde de prétendre que tout va bien en France et que le pessimisme n'est plus de mise. La France va très mal. Il y a une crise économique, et une crise d'intégration. Je ne vais pas être consolé par ces médailles en chocolat. »

Robert Frank, professeur émérite d'histoire à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, a noté que lorsque des écrivains ou intellectuels français remportaient le prix Nobel au milieu du XXe siècle, « ce n'était pas un choc, car la France se considérait encore comme importante, il n'y avait pas grand-chose à y ajouter. » « Aujourd'hui, certains sont peut-être rassurés de voir que la France compte encore dans certains endroits du monde. Cela ne résout pas la crise du chômage, cependant, qui mine notre société », a-t-il ajouté.

L'attribution du prix Nobel d'économie à Jean Tirole en économie, pour ses recherches sur la manière de réguler les grandes entreprises puissantes, a été saluée dans le monde universitaire comme une reconnaissance justifiée envers un homme ayant produit un travail de grande importance. 2014 a été une année positive pour les économistes français, avec le grand succès du livre de Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle, best-seller dès sa publication en anglais.

Après la crise financière de 2008, les travaux de Jean Tirole ont attiré une grande attention, car ils se penchaient sur les problèmes de la régulation des établissements financiers aux États-Unis et en Europe.

Cependant, certains ont relevé le paradoxe de l'attribution du prix Nobel à un économiste venant d'un pays à l'économie morose, et où de nombreux observateurs et entreprises se plaignent d'une culture de la bureaucratie.

Sean Safford, professeur associé de sociologie économique à l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po), a estimé que la victoire de Jean Tirole, professeur d'économie à l'Université de Toulouse, arrivait justement dans un contexte de malaise économique et de fuite des cerveaux, à un moment où de nombreux talents du pays émigrent vers d'autres pays Europe ou les États-Unis. « Le Français ordinaire, qui a du mal à payer toutes ses factures, ne va pas se réjouir », a-t-il fait remarquer.

À l'heure actuelle, la France tente de réajuster son modèle social, malgré une grande résistance au changement. Certains affirment que les Nobel montrent la stratification du pays, qui sépare une petite élite très éduquée du reste de la population.

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