Jean-Pierre Raffarin : le « rêve chinois » est un concept qui rassemble le peuple
French.china.org.cn | Mis à jour le 23-01-2014
La Chine, une rencontre déterminante et une amitié indéfectible
Vous avez effectué votre premier voyage en Chine en 1976 avec une délégation du président Valery Giscard d'Estaing. Quelle était votre mission à cette époque ? Quelle a été votre première impression de la Chine ?
En 1971, j'étais déjà allé à Hong Kong et Macao. Nous regardions la partie continentale de la Chine avec des jumelles, elle était fascinante et mystérieuse. Je mesurais déjà l'influence dans cette région du grand peuple chinois. Ensuite, en 1976, de Harbin à Canton, j'ai traversé la Chine. La période était difficile mais nous étions venus dire aux amis chinois que la France aimait leur ancienne et fascinante civilisation au-delà de leurs épreuves du moment. Je me suis tout de suite senti à l'aise au contact des Chinois. Malgré tout ce qui nous séparait, j'ai ressenti une grande proximité qui ne s'est jamais démentie par la suite.
En 2003, vous avez effectué une visite en Chine en qualité de premier ministre sans porter de masque de protection en pleine épidémie de SRAS. C'est là que vous avez acquis votre réputation d'« ami de la Chine ». Pourriez-vous nous expliquer les raisons de ce geste ?
A cette époque, un vent de panique se levait partout sur la planète à propos du SRAS. La peur gagnait les esprits en Europe et en Amérique. Le gouvernement chinois prenait l'affaire en main, je pensais qu'il fallait l'aider. Dans une crise, la peur et le doute sont des facteurs aggravants. Mes collègues chefs de gouvernement du monde entier annulaient tous leur voyage à Pékin. Avec le président Chirac, nous avons décidé de montrer notre confiance dans l'action des autorités chinoises et je suis venu le leur dire sur place. Hu Jintao et Wen Jiabao ont apprécié ce geste. J'ai reçu des milliers de messages de sympathie de Chinois mais aussi de la communauté française en Chine qui appréciaient ma décision.
Jean-Pierre Raffarin, un artisan du développement des relations bilatérales
Durant votre mandat de premier ministre, les échanges économiques et culturels entre nos deux pays se sont rapidement développés dans un contexte politique favorable. Des événements vous ont-ils particulièrement marqué ?
Je garde au cœur les succès des années croisées achevées en 2005, elles ont beaucoup contribué à l'amitié de nos deux peuples. Je n'oublierais jamais la tour Eiffel rouge et la tour de la Télévision à Shanghai bleu blanc rouge. L'implantation de l'usine Airbus à Tianjin a aussi été pour moi un moment très fort. Je garde un grand souvenir de la visite exceptionnelle du président Hu à l'Hôtel Matignon, résidence du premier ministre. Je pense souvent au courage du peuple du Sichuan après le tremblement de terre.
Du côté français et du côté chinois, vous êtes le meilleur passeur d'informations quand les relations bilatérales se détériorent, comme cela a été le cas entre 2008 et 2009. Comment évaluez-vous votre rôle à cette époque ?
D'expérience, j'ai appris qu'avec les autorités chinoises il fallait être franc, face à face. Le dialogue est souvent très direct car il faut comprendre que les Chinois ne veulent pas être otages de nos débats intérieurs. Dans le monde moderne, il n'est pas possible d'être ami en Chine et adversaire de retour en Europe. Alors quand l'Occident donne des leçons occidentales à la Chine au travers des médias occidentaux, cela ne peut être apprécié des Chinois. J'ai favorisé les discussions en direct sans intermédiaire en faisant le choix de la confiance. Nous avons bien travaillé notamment avec Li Keqiang pour la réciprocité du respect.
Jacques Chirac s'est passionné pour les bronzes chinois, alors que vous vous intéressez à la littérature et la poésie de notre pays. Quels écrivains et poètes chinois admirez-vous le plus, que ce soit à l'époque antique ou contemporaine ?
J'aime beaucoup les poèmes de Du Fu, Bai Juyi, Li Bai, ou Meng Haoran... J'aime aussi la poésie moderne comme celle de mon ami Li Zhaoxing! J'adore les portraits de Fan Zeng ou les montagnes de Fan Yifu et aussi les peintures de Li Xin,... Les sources d'émerveillement en Chine sont infinies. En Chine, les musées sont des merveilles.
La France est le premier pays occidental à avoir fait de la sinologie une discipline universitaire à part entière. D'après vous, quels sont les points forts et les avantages de la sinologie française par rapport à d'autres pays ? Quel rôle jouent les sinologues français dans les échanges entre nos deux pays et dans la prise de décision au niveau gouvernemental ?
Des intellectuels comme François Jullien ont démontré que la pensée chinoise, ancienne et profonde, pouvait aider le monde du XXIème siècle à mieux comprendre sa réalité. « La pensée complexe » proposée par un penseur comme Edgar Morin n'est pas sans lien avec la culture chinoise. La pensée paradoxale de la Chine nous aide à cohabiter avec notre obsession occidentale de l'absolu. L'harmonie est une aspiration émergente dans de nombreuses sociétés.
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