La Corrèze : faire découvrir aux Chinois une autre France

Par : Yann |  Mots clés : Corrèze, France, Jiang Zemin, Chirac
French.china.org.cn | Mis à jour le 14-01-2014

Le 24 octobre 1999, accompagné du président Chirac, le président Jiang Zemin a visité une ferme à Sarrans, dans le département de la Corrèze. (XINHUA)

Lorsque vous révélez à un Chinois que vous venez de France, généralement, il pense parfum, vin, luxe... Ces stéréotypes sont assez représentatifs de la majeure partie de notre pays et connotent un niveau de vie élevé. Toutefois, environ 20 % des Français vivent à la campagne. Ils ne sont pas nécessairement plus pauvres que les gens des villes, mais font l'expérience d'une vie plus traditionnelle, plus tranquille et plus saine.

Jiang Zemin et la Corrèze, l'inattendue rencontre

Prenons l'exemple du département de la Corrèze, situé dans le centre de la France. 140 000 habitants répartis sur 5 800 km², soit une densité de population atteignant seulement 40 habitants au km², et un taux d'urbanisation à hauteur de 50 % (contre 75 % pour la moyenne nationale). Ceux qui ne connaissent pas commentent en plaisantant : « À part des vaches, il n'y a rien en Corrèze ! » Ceux qui l'ont visitée rétorquent : « C'est très beau la Corrèze ! »

Et parmi ces derniers, à la surprise générale, répond à l'appel Jiang Zemin, homme politique chinois élevé au poste de président de 1993 à 2003. En octobre 1999, le président français de l'époque et sans doute le plus célèbre des Corréziens, Jacques Chirac, l'avait reçu dans sa propriété privée qu'est le château de Bity, près de Tulle dans sa région natale, à 460 km du cœur politique parisien.

Là, c'est une autre France qu'a pu découvrir Jiang Zemin et son épouse Wang Yeping qui l'accompagnait : celle qui tire principalement ses revenus de l'élevage et de l'industrie du bois, celle qui apprécie les produits du terroir, celle qui vit loin du stress ambiant des grandes villes. Lors d'une conférence de presse, Jiang Zemin a déclaré : « Voilà ma deuxième visite d'État en France en cinq ans, qui m'a amené d'abord au cœur même de la France, dans le beau Massif central. J'ai pu donc approfondir encore ma connaissance de la France et de son peuple. J'ai la conviction que cette visite contribuera au développement ultérieur des relations entre la Chine et la France. » Et d'ajouter : « Parmi mes dernières visites à l'étranger, c'est la première fois que j'ai eu des entretiens si francs et si approfondis avec un dirigeant étranger. »

Les deux couples présidentiels avaient visité ensemble, tels de bons amis, la Maison des Monédières, vitrine artisanale de la haute Corrèze, ainsi qu'une ferme locale, dans laquelle M. Jiang et M. Chirac s'étaient prêtés au jeu de nourrir au biberon un tout jeune agneau. Par ailleurs, Jiang Zemin avait reçu en cadeau de bienvenue un accordéon fabriqué à Tulle. C'est alors que le président chinois avait pris la liberté d'inviter Bernadette Chirac à danser avec lui une valse musette. La vidéo a fait la une des médias, cette atmosphère bon enfant contrastant avec l'importance et le sérieux des questions abordées entre les deux chefs d'État, comme celles touchant à la sécurité internationale, à la prospérité commune, au respect des Droits de l'Homme ainsi qu'au partenariat global sino-français.

Jacques Chirac et ses « deux amours »

Jacques Chirac a toujours été un fervent admirateur de la Chine. Quand il était jeune, il fréquentait déjà régulièrement le musée Guimet, musée national des arts asiatiques à Paris. On le dit même capable de citer les dates de chacune des dynasties chinoises sans se tromper. Et durant son mandat présidentiel, il n'a pas manqué une occasion de se rendre dans ce pays qui le fascine : il a visité la Chine à quatre reprises, en 1997, 2000, 2004 et 2006. Et justement, en 2000, c'est à Yangzhou (Jiangsu), dans la ville natale de Jiang Zemin, que Jacques Chirac avait été chaleureusement reçu. Une diplomatie sino-française plus conviviale avait émergé.

« Une partie de l'influence et de la place de la France dans le monde de demain dépendra de son aptitude à construire avec la Chine une relation particulièrement forte », avait précisé le Corrézien de souche. C'est notamment lui qui avait initié le partenariat global sino-français en 1997 et qui avait soumis l'idée d'instaurer des Années croisées entre les deux pays. En outre, le président français avait soutenu l'entrée de la Chine à l'OMC (Organisation mondiale du commerce).

Ainsi, en 1999, M. Chirac avait tenté de rapprocher ses deux coups de cœur : la Chine et la Corrèze, qui fut la terre de son enfance et son fief électoral. Et il est facile de se laisser séduire par ce que M. Chirac surnomme « la perle du Massif central ». Ses collines et sa végétation dense composent des paysages pittoresques, qui raviront les randonneurs et autres passionnés de nature. Ses nombreux châteaux, vestiges et musées retiendront l'attention des férus d'histoire. Les visiteurs peuvent également tomber sous le charme des petits villages corréziens traditionnels, dont cinq sont inscrits sur la liste des plus beaux villages de France. Vous pouvez y déguster des produits du terroir, comme divers vins et fromages, du foie gras et des truffes, ainsi que les châtaignes, noix et pommes provenant du pays de la Corrèze.

La Corrèze a-t-elle gardé des liens avec la Chine ?

Selon l'Observatoire du tourisme de la Corrèze, le département figure parmi les destinations de tourisme vert les plus prisées en France. Cependant, 85 % des vacanciers sont d'origine française. Peu de Chinois connaissent cette partie de la France et encore moins nombreux sont ceux qui la visitent, lui préférant l'extravagance parisienne et les envoûtants champs de lavandes en Provence.

Baidu, le moteur de recherche le plus utilisé en Chine, indique dans sa définition sur la Corrèze : « Classée au 96e rang national, la Corrèze fait partie des départements pauvres de la France, un peu comme les régions centrales et occidentales de la Chine », avant de préciser que ce terme « pauvre » est relatif suivant les pays. Bref, une description assez expéditive et peu alléchante...

À première vue, les contacts avec la Chine semblent très limités. Une population chinoise quasi inexistante, aucuns organisme ni association en lien avec la Chine. Quelques restaurants asiatiques tout au plus...

Cependant, un établissement basé à Brive se démarque. « L'ensemble scolaire Edmond Michelet se trouve aujourd'hui être le premier établissement scolaire du Limousin à avoir un cursus de chinois de la 6e à la Terminale. Il ne s'agit donc plus de l'apprentissage du chinois mais de l'enseignement - à part entière - de la langue la plus parlée au monde », écrit le directeur Pierre David sur le site Internet de l'école. Un partenariat d'échanges a par ailleurs été mis en place entre cet ensemble scolaire et le collège-lycée Tanglai de Yinchuan (Ningxia). En 2012, une vingtaine d'élèves français sinisants sont partis pendant deux semaines à la découverte de Yinchuan et de Beijing ; en 2013, ce sont 35 élèves chinois francisants qui sont venus séjourner à Brive. Ils y ont visité le musée Jacques Chirac, le château de Castelnaud, la ville de Sarlat et une fameuse chocolaterie. Une semaine sino-corrézienne qui a rencontré une franche réussite !

N'oublions pas d'évoquer dans cet aperçu des liens Corrèze-Chine, le protocole de jumelage qui a été signé en janvier 2005 entre le département français et la province du Gansu.

En conclusion, force est de constater que la venue de Jiang Zemin dans la demeure personnelle de Jacques Chirac en 1999 n'a pas vraiment tissé de solides liens entre la Corrèze et la Chine. En fait, l'impact de cette rencontre s'est plutôt fait ressentir sur l'ensemble du territoire national, consolidant l'amitié sino-française et intensifiant le partenariat global bilatéral lancé quelques années plus tôt. Aujourd'hui, la Corrèze, au moins dans le domaine de l'éducation, se tourne peu à peu vers la Chine. Mais ce département manque cruellement de notoriété du côté chinois. Reste à savoir si l'émergence de l'écotourisme dans le monde lui permettra un jour d'attirer une clientèle plus internationale.

 

ANAÏS CHAILLOLEAU

 

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