Retour sur le processus de construction du partenariat global stratégique sino-français
French.china.org.cn | Mis à jour le 14-01-2014
Le 15 mai 1997, le président chinois Jiang Zemin a accueilli son homologue français Jacques Chirac à Beijing. (CNSPHOTO)
Le 27 janvier 1964, la Chine et la France ont simultanément annoncé l'établissement de leurs relations diplomatiques bilatérales. Cette décision stratégique de Mao et de de Gaulle, qui a surpris le monde, a ouvert une page glorieuse dans l'histoire des relations internationales modernes. Sa signification, bien au-delà des relations bilatérales, a profondément influencé l'évolution de la situation mondiale. L'histoire des 50 dernières années a prouvé que les relations sino-françaises jouissent d'un caractère stratégique particulier et, malgré des vicissitudes, ont enregistré des progrès considérables. L'établissement d'un partenariat global stratégique a été l'évènement charnière dans le processus d'évolution des relations bilatérales.
En mai 1997, lors de sa visite d'État en Chine, le président français Jacques Chirac a signé avec le président Jiang Zemin une déclaration conjointe, annonçant la création d'un partenariat global sino-français orienté vers le XXIe siècle. Cet événement a représenté le point le plus haut jamais atteint dans les relations sino-françaises depuis l'établissement de celles-ci. C'était la première fois que la Chine établissait ce type de partenariat avec un grand pays occidental. Cela a non seulement porté les relations bilatérales à un nouveau palier, mais a aussi stimulé d'autres pays occidentaux à établir eux aussi par la suite des partenariats similaires avec la Chine.
Contexte
En 1995, Jacques Chirac a été investi président dans un contexte où, avec la fin de la guerre froide, la France perdait l'opportunité d'utiliser les contradictions entre les deux pôles au bénéfice de ses actions diplomatiques. La guerre en Irak déclenchée par les États-Unis a donné lieu à des confrontations acharnées entre le multilatéralisme et l'unilatéralisme, et aggravé les contradictions entre l'Europe et les États-Unis. Face à l'évolution de la situation, le président Jacques Chirac s'était livré à d'intenses activités diplomatiques. D'une part, il accorda une plus grande importance au développement des relations avec des grands pays comme la Chine, la Russie et l'Inde ; et d'autre part, il utilisa des mécanismes multilatéraux, dont l'ONU, pour augmenter sa marge de manœuvre dans les affaires internationales et contenir l'unilatéralisme américain. À cette époque, la Chine qui était en train d'approfondir la réforme et d'élargir son ouverture, à l'intérieur comme à l'extérieur, était confrontée à la pression de la superpuissance américaine. Elle avait donc besoin de développer ses relations avec les pays de l'Orient comme de l'Occident, y compris la France, pour promouvoir le développement d'un monde multipolaire. La Chine et la France se devaient donc de renforcer davantage les relations bilatérales, afin de s'adapter à la nouvelle situation.
Préparation
En janvier 1997, la France a pris l'initiative d'inviter le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères d'alors, Qian Qichen, à venir en France, en marge de sa visite en Afrique. Avant l'entrevue entre les deux ministres des Affaires étrangères, le président Jacques Chirac a rencontré Qian Qichen le 11 janvier au matin. Dans une ambiance conviviale, M. Chirac a montré sa volonté de rechercher des points d'accord avec la Chine. Il a souligné qu'une certaine puissance pensait que le monde devait être sous son contrôle et que sa volonté était en contradiction avec l'évolution du monde, ajoutant que l'Europe et la Chine seraient des forces importantes au XXIe siècle et qu'il fallait bâtir une solide relation Chine-Europe. Les deux parties sont rapidement parvenues à un consensus sur de nombreuses questions internationales. M. Qian a fait remarquer que dans la nouvelle situation internationale, les deux pays avaient beaucoup de points communs, et que M. Chirac, après son investiture, avait souligné la nécessité de respecter la souveraineté et l'indépendance, les traditions culturelles et les caractéristiques nationales de chaque pays. La partie chinoise a suggéré de faire savoir au monde, d'une certaine manière, la convergence de vues partagées par les dirigeants des deux pays, car cela servirait la paix et la stabilité mondiale. Chirac était d'accord avec cette idée. Ensuite, les deux ministres des Affaires étrangères ont tenu des entretiens et ont convenu que lors de la visite du président Chirac en Chine au mois de mai, le consensus entre les deux pays serait exprimé sous la forme d'une déclaration conjointe. L'ébauche de cette dernière serait d'abord rédigée par la partie française, puis discutée par les deux parties. M. Qian a souligné que les deux parties devraient, à partir d'un point de vue stratégique, construire ensemble un partenariat amical et stable à long terme orienté vers le XXIe siècle.
Un long travail
La partie française était très positive au début de la préparation. On dit qu'après l'entretien avec son homologue chinois, M. Hervé de Charette a convoqué dans la nuit même une réunion des responsables des régions et des services concernés pour répartir les tâches concernant la rédaction de la déclaration conjointe. Cependant, la partie française était peu enthousiaste durant la gestation du document. Fin janvier 1997, M. Hervé de Charette m'a dit, à l'occasion d'une rencontre diplomatique, qu'il y avait une différence de vue entre la partie française et la partie chinoise, et qu'il voulait inclure seulement les actions à prendre dans les relations bilatérales. Au cours de la conférence des ministres des Affaires étrangères d'Asie et d'Europe tenue à la mi-février, M. de Charette a remis l'ébauche de la déclaration conjointe rédigée par la France à Qian Qichen, en expliquant : « La France hésite encore. Si le désaccord entre les deux parties est trop grand, on peut également renoncer à ce projet ». La France craignait principalement que la Chine inclue de nouvelles restrictions à propos de Taiwan et des Droits de l'Homme. M. Qian a donné des explications sur ces sujets. De plus, lors des négociations, la Chine veillait à rechercher un terrain d'entente en mettant de côté les divergences. Par exemple, sur la question de Taiwan, la Chine demandait seulement d'écrire que les deux parties s'efforcent avec détermination de promouvoir le développement continu des relations bilatérales en conformité avec les principes de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France et l'esprit du communiqué conjoint publié le 12 janvier 1994. Le problème préoccupant le plus la France a ainsi été résolu, déblayant le chemin à la discussion de la déclaration conjointe. La rédaction s'est ainsi déroulée sans incident.
Un consensus
Après avoir étudié l'ébauche rédigée par la France, la Chine a proposé sa version révisée le 26 mars. Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères concerné et le secrétaire général du ministère français des Affaires étrangères en visite en Chine ont eu des échanges profonds. L'ambassade de Chine en France et la direction d'Asie et d'Océanie du ministère français des Affaires étrangères ont été désignées pour continuer à négocier. Après des progrès enregistrés dans les négociations menées à plusieurs reprises entre le ministre conseiller de l'ambassade de Chine et le directeur adjoint de la direction d'Asie et d'Océanie, le chef de cette direction et moi-même, en tant qu'ambassadeur chinois en France, avons procédé à des consultations à la fin du mois d'avril, et nous nous sommes entendus sur l'essentiel de la partie politique de la déclaration conjointe. Cependant, la France a encore demandé à ajouter de nouveaux contenus concernant la coopération économique. Cette fois-ci, la négociation s'est passée à Beijing et s'est déroulée entre le ministère chinois des Affaires étrangères et l'ambassade de France en Chine. À l'issue de plusieurs consultations et révisions, les deux parties sont parvenues à un consensus sur la totalité de la déclaration conjointe le 13 mai.
Premièrement, dans la partie traitant de la politique internationale, la France a adopté de nombreux points de vue chinois, soulignant le consensus des deux parties sur les grands problèmes géopolitiques actuels. Dans la préface de la déclaration, il est dit que les deux parties ont décidé de s'engager dans une coopération renforcée, de favoriser la marche vers la multipolarité, de contribuer à l'instauration d'un nouvel ordre international politique et économique qui soit juste et rationnel, et de s'opposer à toute tentative de domination dans les affaires internationales, de telle sorte qu'émerge un monde plus prospère, plus stable, plus sûr et plus équilibré. En ce qui concerne les Droits de l'Homme, au paragraphe « le respect de l'universalité des Droits de l'Homme » est ajouté « tout en tenant compte pleinement des particularités de chacun ». Cela prend en considération les points de vue de la France, tout en maintenant la position de principe de la Chine. La Chine était d'accord avec la France qui proposait d'inclure l'établissement d'un partenariat global et d'en faire le sous-titre, ainsi que de continuer à approfondir le dialogue stratégique entre les deux pays.
Deuxièmement, au sujet des relations économiques bilatérales, la France a demandé d'inclure dans la déclaration les domaines et les projets spécifiques de coopération, y compris et surtout l'ouverture des services financiers en Chine, l'octroi de licences aux entreprises françaises pour exercer l'activité d'assurance-vie en Chine et l'autorisation pour les banques françaises de développer leurs activités en Chine. Après des concertations répétées, la Chine a accepté d'inclure dans la déclaration « La France et la Chine veilleront à favoriser les activités de leurs entreprises dans le domaine des services, y compris des services financiers, qui revêtent une importance croissante pour le développement de leurs économies ». Parmi les résultats de la visite de M. Chirac en Chine : l'octroi d'une licence à un groupe français pour exercer l'activité d'assurance-vie en Chine et l'approbation des opérations d'une banque française en Chine.
Troisièmement, la Chine est tombée d'accord avec la France qui demandait d'élargir la coopération bilatérale dans les domaines culturel, éducatif et technologique, en ajoutant l'urbanisme, le développement équilibré des régions, la protection sociale, ainsi que le secteur judiciaire.
Quatrièmement, en tenant compte de l'importance de la déclaration et de ses éventuelles répercussions internationales, la Chine a proposé qu'elle soit signée par les chefs d'État en personne. La France a accepté.
Le contenu ci-dessus, dont étaient satisfaits les dirigeants des deux pays, est le résultat de la recherche d'un terrain d'entente par-delà les divergences, de la compréhension mutuelle et de concessions réciproques. Après la signature de la déclaration conjointe annonçant l'établissement d'un partenariat global sino-français par les deux chefs d'État, M. Hervé de Charette a dit à Qian Qichen : « Au début, nous doutions de l'aboutissement de cette déclaration conjointe. Mais en fait, la déclaration signée par les deux chefs d'État aujourd'hui est un brillant document. Il semble que vous aviez raison ».
Avancement des relations
Depuis l'établissement d'un partenariat global entre la Chine et la France, les relations bilatérales ont fait des progrès considérables. En janvier 2004, le président Hu Jintao a effectué une visite d'État en France et les deux dirigeants ont signé une déclaration conjointe, annonçant le passage d'un partenariat global à un partenariat global stratégique.
Après cinquante ans d'histoire, force est de constater que le partenariat global stratégique sino-français possède toujours une forte vitalité. Dans une situation internationale complexe et changeante, les relations sino-françaises bénéficient d'importantes opportunités. Le président Xi Jinping a souligné que face à la nouvelle situation mondiale, la Chine et la France devaient continuer à être des partenaires stratégiques prioritaires, à se soutenir et à approfondir leur collaboration, afin de suivre une voie caractérisée par une coopération mutuellement bénéfique entre des pays ayant différents systèmes politiques et traditions culturelles. Lors de la visite du président François Hollande en Chine en avril dernier, les deux parties ont signé une dizaine de documents de coopération, qui, en plus des domaines traditionnels comme le nucléaire et l'aviation, couvraient aussi l'innovation technologique, la protection de l'environnement, le développement urbain durable, l'agriculture moderne, l'économie d'énergie dans l'industrie, la numérisation, etc. Ces accords réactiveront les relations sino-françaises.
Je suis convaincu que tant que les deux parties pourront envisager et développer, d'un point de vue stratégique, la coopération mutuellement bénéfique et prêter attention à leurs préoccupations réciproques, les relations bilatérales, dans les cinquante prochaines années, seront encore plus brillantes et profitables pour les deux peuples, et contribueront davantage encore à la paix et à la prospérité du monde.
*Auteur du texte CAI FANGBAI est un ancien ambassadeur de Chine en France.
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