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Pour l'amour de l'art

French.china.org.cn | Mis à jour le 04. 01. 2017 | Mots clés : Qiaozi,Qiaozi,Commune artistique ,Shangyuan
Ce village, loin du bouillonnement de la ville, offre aux artistes un espace calme et reposant.


Visite de Shangyuan, foyer d'artistes en tous genres cherchant l'inspiration loin du bouillonnement urbain.

ANNA SOWLEY, membre de la rédaction

C'est un endroit peu commun pour un complexe artistique novateur : un modeste village poussiéreux, avec un salon de coiffure, une gargote servant des raviolis chinois, une supérette, une école et une petite place munie d'installations sportives le long d'un chemin de promenade déserté. Ce village endormi se dénomme le Village d'arts international de Qiaozi, foyer de la Commune artistique de Qiaozi, également connu sous le nom de Shangyuan.

Dans ce lieu bucolique, niché parmi les vergers de pêchers au pied des montagnes Yanshan au nord de Beijing, la Commune artistique de Shangyuan héberge environ 30 artistes en résidence, dont des peintres, sculpteurs, artistes de scène, musiciens et poètes. Elle comporte des bâtiments résidentiels proposant des chambres simples mais confortables, une bibliothèque, un espace de représentation et une vaste galerie d'art abritant la collection permanente de la commune, qui se compose d'œuvres données par les anciens résidents. La règle est simple : les artistes peuvent vivre ici gratuitement, à condition de faire don d'un objet d'art pour contribuer au financement du programme. Ce contexte offre aux gens de toutes les couches sociales, en particulier ceux disposant de faibles ressources, la possibilité de se consacrer pleinement à la recherche artistique. Shangyuan a été le premier programme de résidences à englober aussi bien l'art vidéo de pointe, les techniques mixtes, l'art performance et les installations, que les supports plus traditionnels comme la peinture, le dessin, la sculpture et la poésie.

Un effort collectif

Le poète Cheng Xiaobei a fondé Shangyuan avec un groupe d'amis artistes en 2007. Après avoir signé le bail du terrain, ils ont dû bâtir la commune, un effort collectif qui leur a demandé plusieurs années. Les artistes ont mis la main au portefeuille pour participer au financement et ont même contribué physiquement aux travaux de construction. De prime abord, ils se sont heurtés au scepticisme des habitants locaux, lequel s'exprimait sous la forme d'ordures déposées devant leur porte d'entrée, voire quelques cambriolages et actes de vandalisme, le tout dans la tentative de saboter le projet. Mais dorénavant, la communauté locale les a intégrés, puisqu'elle accorde même au village le titre de district d'arts.

Cheng Xiaobei est une figure maternelle omniprésente, constamment en train de superviser tout ce qui se trame sur place. Pourtant, elle déteste être vue comme un professeur, encore moins comme un chef. « Il ne s'agit pas d'une école, insiste-t-elle. Nous sommes tous des artistes ici. » Cette femme au visage round, cheveux grisonnants et grosses lunettes rondes sur le nez, pétille d'énergie. Elle a vraiment la bougeotte, toujours en train de parler et de gesticuler. Pas vraiment l'image que l'on a traditionnellement d'un poète. Elle porte des vêtements sobres, tunique et pantalon, mais les accessoirise, notamment avec un long collier de perles en bois multicolore et un bracelet de perles rose. Alors que nous discutons, des photographes s'approchent pour prendre un cliché d'elle au travail, mais Cheng Xiaobei les rabroue systématiquement. « Ne prenez pas de photos de moi ! », lance-t-elle d'un ton ferme. Puis, après avoir répété moult fois cette consigne, elle soupire et balaie l'air de la main en confiant pour plaisanter : « Comme des moustiques ! »

Marchant d'un pas énergique, Mme Cheng guide d'abord les visiteurs dans le complexe, puis rencontre les résidents et supervise une modeste cérémonie d'ouverture pour l'exposition de leurs nouvelles œuvres. Malgré son emploi du temps chargé, elle trouve 20 minutes chaque jour pour s'exercer au guqin, l'un des plus anciens instruments de musique chinois, dont la mélodie nourrissait l'imagination des poètes. Un bref moment de calme au milieu de ses journées tumultueuses.

Une pratique ancienne

Un profond sens de la tradition émane de ce lieu : un désir de rétablir l'ancienne pratique chinoise qui faisait communiquer divers supports artistiques. Dans la Chine d'autrefois, explique Mme Cheng, il était coutume pour les poètes de vivre en communion avec les musiciens et les peintres, pour amener la créativité. Tel est l'objectif qu'elle vise à travers la fondation de Shangyuan. Toutefois, elle martèle assez vigoureusement qu'il ne s'agit pas d'un mouvement revivaliste par essence : rien à voir avec une vague populaire qui tenterait délibérément de rétablir les pratiques ancestrales de la Chine. Shangyuan s'intéresse plutôt à la valeur de la pratique en soi et à la façon d'aider les artistes à se développer. Le regroupement de personnes aux approches artistiques différentes pour créer une communauté est une activité précieuse qui n'aurait jamais dû être abandonnée.

L'application de cette théorie et les résultats qui en découlent s'observent manifestement dans les œuvres présentées lors de la dernière exposition, ainsi que les pièces qui font partie de la collection permanente. Nombreuses sont les œuvres qui semblent explorer la culture passée. Des symboles traditionnels sont dissimulés dans des concepts complexes ou combinés de manière inattendue pour former de nouvelles images. Les monstres mythiques chinois, les lotus, les nuages ainsi que les caractères chinois et les sceaux apparaissent en clin d'œil sous plusieurs couches de peinture multicolore. Parfois, ce qui semble être un symbole ou une approche traditionnelle s'avère en réalité, après examen minutieux, quelque chose de complètement différent, un peu comme si le symbole était purement superficiel et ne résisterait pas à une étude plus approfondie.

Mme Cheng nous présente l'une de ses peintures préférées, réalisée par Wei Pen, un artiste anciennement en résidence. De loin, elle ressemble à une composition traditionnelle de bambous et de roches. « Mets-toi plus près », m'indique-t-elle, et nous nous avançons consciencieusement. Alors que nous nous rapprochons, les bambous prennent la forme d'un échafaudage maintenu par des bouts de ferraille, et les roches sont en fait un bloc de béton informe, clouté d'agrafes en fer rouillées. « J'aime particulièrement cette peinture », avoue-t-elle d'un air songeur, expliquant qu'elle incarne à la fois une souffrance personnelle et collective, face à un lourd sentiment de perte. Elle distingue une profonde sagesse dans cette peinture.

Cette idée de souffrance collective trouve une résonnance chez le poète en résidence Su Menglei, alors que nous visitons l'exposition ensemble. « Le grand art traite de la souffrance », clame-t-il, s'arrêtant pour admirer une peinture en nuances de gris. « Et de joie, ajoute-t-il avec ironie. Un mélange des deux. » Il semblerait que Shangyuan suivent une règle mathématique précise pour offrir les deux à parts égales. L'emplacement rural, les installations de base (une salle de douche commune, pas d'éclairage extérieur), les lieux de vie spartiates et le manque d'équipements, à vrai dire, favorisent la contemplation : un brin d'inconfort permet d'immenses progrès artistiques. Le dur labeur est la norme en vigueur ici, mais il reste toujours un peu de temps aux artistes pour sociabiliser. La plupart des sessions de travail, telles que les réunions tenues toutes les trois semaines pour partager des idées, les répétitions musicales, les concerts et les expositions, sont si collectives qu'elles en deviennent naturellement des lieux de rencontre. Des soirées et des diners sont également organisés. Ainsi, vivre ici n'est pas si difficile, mais plutôt amusant. Cet équilibre prudent permet à chaque résident de se frayer un chemin dans la découverte de soi pour accomplir quelque chose de nouveau dans son propre travail ou, s'il est très ambitieux, pour lancer une nouvelle tendance en Chine.

 

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Source: La Chine au Présent

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