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Les théières de Yixing, le renouveau d'un artisanat chinois

French.china.org.cn | Mis à jour le 12. 05. 2016 | Mots clés : Yixing,théières

 
Beaucoup de jeunes se lancent dans la fabrication des théières d'argile pourpre à Yixing.

Rencontre avec Zhai Yabo, artisan fabricant de théière en argile pourpre de Yixing.

XIE FEIJUN*

Zhai Yabo, né en 1988, mène une vie plus simple que les jeunes de son âge. Tous les jours, il va au travail en vélo ; dans son atelier, il sirote du thé, écoute de la musique et surtout, il fabrique des théières.

Diplomé de l'Institut des beaux-arts de l'université Tsinghua, il a choisi de s'installer à Yixing où l'on fait des théières d'argile pourpre. Un travail qui demande patience et persévérance.

Un apprenti bardé de diplômes

« Choisir le métier d'artisan a été un long chemin pour moi. Mais c'est en forgeant que l'on devient forgeron », dit Zhai Yabo en riant. En Chine, les diplômés des grandes écoles ont souvent du mal à convaincre leur famille d'accepter leur choix de devenir artisans.

Pour fabriquer des théières, une bonne technique en poterie est essentielle. Deux ou trois ans d'apprentissage sont nécessaires pour devenir « théier ». Deux ans sans revenu aucun.

Zhai Yabo a visité plusieurs villes comme Jingdezhen, Yixing, Chaozhou ou Yuzhou pour choisir un atelier où il pourrait apprendre l'art des théières d'argile pourpre. Jingdezhen est connue pour ses poteries et ses céramiques, beaucoup de jeunes y apprennent la poterie mais la pression y est grande. « Les jeunes diplomés sont forts pour innover, il suffit parfois de changer la forme d'une tasse ou d'améliorer la décoration pour qu'un produit se vende bien. Mais très vite, on se fait copier et il ne reste plus qu'une guerre des prix. »

« Si l'on reste longtemps dans un environnement comme ça, il devient très difficile de garder son calme et de se concentrer sur ses créations », explique Zhai Yabo qui a décidé de poser ses valises à Yixing pour travailler dans la simplicité.

Le père de Zhai Yabo est lui-même professeur de peinture. Il comprend le choix de son fils. Wang Hui, son professeur aux beaux-arts de l'université Tsinghua, est lui-même originaire de Yixing. Il est spécialiste des théières en argile pourpre. Pour aider ces jeunes diplomés à avoir un revenu et à trouver un emploi, Wang Hui les envoie travailler dans un atelier de théières dans le Jiangsu et dans une manufacture de poteries. Ces jeunes conçoivent des produits pour ces entreprises. Dans le même temps, des maîtres leur enseignent des techniques.

Les ateliers ont aménagé plusieurs petits bureaux comme celui dans lequel nous sommes pour Zhai Yabo. Les théières posées sur la table à thé ont été réalisées par Zhai Yabo. « Chaque mois, je dois remettre mes théières à mon maître, je garde celles qui ont des vices de fabrication pour moi. »

Un maître pas comme les autres

« J'ai appris ce métier sur le tard. Cela fait aujourd'hui 26 ans, mais je ne fais toujours pas partie du cercle », nous raconte Zhang Zhenzhong, détenteur du titre de grand maître de l'artisanat de la province du Jiangsu.

La plupart des gens qui apprennent l'art des théières d'argile pourpre sont des locaux. Certains grands maîtres ne transmettent leur savoir qu'aux membres de leur famille. Pour une personne qui n'est pas du coin, apprendre auprès d'un maître comme Zhang Zhenzhong est une bonne option.

Dans le milieu, on compte 18 grands maîtres de niveau national et 52 maîtres de niveau provincial. Zhang Zhenzhong fait partie de ces derniers. À l'heure actuelle, il a une dizaine d'apprentis sous ses ailes, et d'autres arrivent encore. La conception que Zhang Zhenzhong a des théières d'argile pourpre est différente de celle des autres artisans. Selon lui, c'est depuis les Ming (1368-1644) que les objets en argile pourpre sont devenus des objets d'art plébiscités par le cercle restreint des lettrés. « Prendre le thé ne sert pas seulement à étancher sa soif. Les artisans apprennaient les techniques mais la culture des théières se transmettait grâce aux lettrés », commente maître Zhang.

Il est convaincu qu'avec les connaissances acquises à l'université, les étudiants peuvent apporter un nouveau souffle à cet art. « Pour les apprentis ''traditionnels'' comme les menuisiers et les maçons qui apprennent auprès d'un maître après les études secondaires, ce n'est qu'un travail alimentaire, alors que ces étudiants diplomés essaient de développer cet art. Ils sont à même de former leur propre style dès le début de leur apprentissage. »

Le duo maître-disciple fonctionne non seulement dans l'apprentissage des techniques mais aussi dans d'autres domaines tels que la vente et la promotion.

Ce qui touche particulièrement Zhai Yabo, c'est que maître Zhang ne ménage pas ses efforts pour lui apprendre cet art. Celui-ci fait la promotion désintéressée des œuvres de ses disciples.

Selon la tradition, les apprentis apprennent auprès de leur maître en imitant les formes et le style de celui-ci. Toutefois, Zhang Zhenzhong explique à ses élèves dès le début de leur apprentissage qu'ils doivent chercher leur propre langage artistique. « Ils doivent saisir toute image lors de la fabrication pour les concrétiser après. Il faut travailler à fond sur cette voie pour trouver son propre style. »

Zhang Zhenzhong admet que le problème des copies est grave dans le milieu des théières d'argile pourpre. Certains inscrivent même les noms de grands maîtres sur leurs œuvres. « Certains apprentis apprennent auprès d'un grand maître, fabriquent les mêmes modèles, et les vendent à grand prix. Cela porte atteinte au développement de cet art. » C'est pour cela que Zhang Zhenzhong trouve important que chaque apprenti cherche son propre style et n'imite pas les maîtres.

Zhang Zhenzhong met aussi l'accent sur la tradition : « Pour maîtriser les techniques, il faut huit ou dix ans. Je dis souvent à mes élèves qu'il faut recommencer à zéro et faire comme les apprentis qui n'y connaissent rien. Il faut qu'ils oublient qu'ils sont diplômés car même quelqu'un qui a fait des études supérieures doit apprendre des techniques pour devenir fabriquant de théières », explique-t-il.

Comme ces étudiants sont déjà très spécialisés, ils apprennent très vite. « Zhai Yabo fabrique des théières depuis deux ans. S'il n'était pas issu du milieu de l'art, deux ans n'auraient pas été suffisants pour achever l'apprentissage. Il y a déjà des personnes qui sont prêtes à acheter les œuvres de ces étudiants », ajoute-il.

Ces acheteurs sont des collectionneurs qui misent sur la valeur future de ces théières. « Les prix de ces œuvres paraissent élevés aux apprentis, mais pour les futurs maîtres, ils ne le sont pas, car il est probable que ces étudiants deviendront de grand maîtres dans le futur », estime Zhang Zhenzhong.

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Source: La Chine au Présent

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