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par Lisa Carducci
Croyez-le ou non, il existe encore quelques personnes sur terre qui n'ont pas lu Le Totem du loup, le plus grand bestseller chinois, traduit depuis dix ans en plus de 35 langues et vendu à 20 millions d'exemplaires.
Le grand réalisateur français, spécialiste des films d'animaux, n'avait pas lu 40 pages qu'il répondait à l'invitation de la Chine : « Je ferai ce film », un défi qui effrayait tous les autres cinéastes. De plus, Jean-Jacques Annaud a choisi d'utiliser de vrais loups pour le tournage plutôt que des reproductions réalisées en 3D par ordinateur.
Après huit ans de travail, des centaines de collaborateurs, l'élevage d'une vingtaine de loups pendant trois ans et le plus gros budget jamais vu dans le cinéma chinois, le film sortira dans les cinémas de France le 25 février, sous le titre Le Dernier Loup et en Chine le 12 février, sous le titre original du roman.
Mais qu'on classe ce film dans la catégorie « films d'aventure », c'est là une grave erreur à mon avis. Banni de Chine en 1997 pour son film Sept ans au Tibet, Jean-Jacques Annaud a fait du chemin depuis pour acquérir une juste connaissance de la Chine. Cette histoire chinoise, tournée dans la région autonome de Mongolie intérieure, est celle de la modernité qui surgit trop rapidement et aux dépens de l'environnement dans les steppes mongoles. Avant l'arrivée des Han, tout allait bien : l'équilibre existait entre les loups et les hommes, entre les animaux nuisibles comme la marmotte et la gazelle qui détruisent les récoltes et les loups qui se nourrissent de leur chair. Sous une forme ou une autre, nous nous retrouvons tous dans cette situation, hommes et femmes, de quelque pays que nous soyons.
L'abondante matière du roman aurait pu fournir une série de plusieurs émissions ; va sans dire que le film de 115 minutes est une adaptation. En tant que cotraductrice du roman en français, j'ai eu la chance d'assister à une présentation privée de l'œuvre de Annaud, et je suis émerveillée de l'intelligence du réalisateur, de son habileté à saisir l'important, à condenser deux ou trois scènes en une, et à rendre honnêtement l'essence du roman.
Comme il fallait choisir, Jean-Jacques Annaud s'est concentré sur la vie des loups et des chevaux, minimisant celle des chiens et des moutons, et accordant à peine quelques secondes aux gazelles et aux cygnes. Par contre, à une histoire d'amour qu'on peut deviner dans le roman sans qu'il en soit fait mention ouvertement, est accordée davantage d'importance dans la version cinématographique.
C'est pourquoi j'insiste sur la lecture du roman, avant ou après le visionnement du film mais de préférence avant. Suivant la publication de l'édition française en 2008, j'ai lu les versions anglaise, italienne et espagnole, relevant diverses interprétations, tout comme le film propose la sienne. Par exemple, Zhen Chen appelle A'Ba le vieux Bilig (ou Bilige, Belig, selon les versions). Jiang Rong, l'auteur du roman, est han, et c'est aussi un Han qui parle dans le film ; il prononce donc comme en chinois ce « A », qui est une particule affectueuse, et le « Ba » de baba ou papa.Mais une linguiste mongole m'avait conseillé d'écrire A'Bo selon la prononciation mongole, qu'on pouvait supposer adoptée par Chen Zhen. La version italienne a choisi d'écrire « Padre » (Père), et d'autres ont choisi « Papa », ce qui montre que la traduction est une œuvre de réécriture.
J'avais hâte de voir comment Annaud rendrait certaines scènes particulières, comme le bris des crocs du louveteau pour l'empêcher de mordre, scènes qui se sont avérées absentes du film. Pour une vision complète des années de la « révolution culturelle » vécue par Jiang Rong en Mongolie intérieure, on aura intérêt à se procurer le roman qui parait ces jours-ci en deux nouvelles versions françaises révisées, l'une publiée en France par les soins de Books Editions (23 euros), l'autre à Beijing aux Éditions en langues étrangères (FLP), 150 yuans.
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Source: french.china.org.cn |
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