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Le 5 mars 2021, a eu lieu l’ouverture de l’Assemblée populaire nationale de Chine. À cette occasion, le Premier ministre, Li Keqiang, a tenu un discours et a présenté un rapport d’activité du gouvernement. C’est un moment très important pour la Chine et le monde. Écouter ce discours, nous permet de prendre la mesure du rythme économique de la Chine et donc des échanges commerciaux internationaux, mais c’est aussi interroger les perspectives d’avenir pour les liens entre la Chine, l’Europe, les États-Unis et évidemment l’ensemble des pays africains et sud-américains.
En premier lieu, notons que le discours de Li Keqiang comporte trois grandes parties : le bilan du travail accompli par le gouvernement chinois en 2020, les succès obtenus avec le XIIIe plan quinquennal et les objectifs du XIVe plan, et enfin les tâches prioritaires pour l’année 2021.
Établir le bilan de 2020
La première partie du discours propose de faire une synthèse de ce qui a été accompli pendant l’année 2020. Sept points clefs sont donnés comme pour éclairer pédagogiquement les grandes mesures que le gouvernement a mises en place pour faire face à la pandémie tout en respectant les directives du XIIIe plan quinquennal. Il est donc logique de commencer par le fait que la Chine a prêté une attention particulière à la sauvegarde de son plan macroéconomique. “Premièrement, une attention particulière a été accordée aux besoins urgents des acteurs du marché dans l’élaboration et l’exécution de nos politiques macroéconomiques, de sorte que les assises de notre économie n’ont pas été ébranlées.” Face à une crise d’une ampleur inédite, la Chine a dû garder deux objectifs : préserver son économie à l’échelle internationale mais également garantir la protection de ses citoyens. Pour cela il a fallu conserver les “six stabilisations” à savoir les mesures pour garantir la stabilité de l’emploi, de la finance, du commerce extérieur, des capitaux étrangers, des investissements et des anticipations. Cependant, afin de garantir cette stabilité extérieure, il a fallu s’engager autour de “six garanties” qui consistent à “donner la priorité à l’emploi, au bien-être de la population et à l’initiative des acteurs du marché”. En guise d’exemple, le Premier ministre a cité le choix d’accorder par les banques plus de crédits, de baisser leur taux d’intérêts et d’appliquer un moratoire sur le service de la dette à l’égard des PME et des microentreprises. Cela a permis une reprise plus rapide de la croissance et donc du PIB chinois en 2020.
Le deuxième point clef consiste à donner “la priorité à la stabilisation de l’emploi et à la garantie du bien-être de la population, si bien que le niveau de vie de la population a été assuré”. C’est un “véritable exploit” que de réussir à garantir l’emploi en cette période. “11,86 millions de nouveaux postes ont été créés dans les villes, et le taux de chômage enregistré est tombé à 5,2 % en fin d’année”. Li Keqiang souligne également que pour garantir le bien-être de la population, l’État a “assuré l’approvisionnement des produits de première nécessité et stabilisé leurs prix, et l’indice des prix à la consommation n’a augmenté que de 2,5 %”.
Le troisième point souligne l’engagement depuis des années en faveur de la lutte contre la pauvreté. “Les fonds budgétaires destinés à la lutte contre la pauvreté se sont accrus de manière significative. Le gouvernement central a enjoint aux autorités locales d’éliminer la pauvreté dans les districts et les villages pauvres où la tâche est particulièrement lourde, et fait en sorte que les mesures d’assistance soient effectivement mises en place. Notre soutien est d’abord allé à l’emploi des personnes démunies et à la réinsertion professionnelle des travailleurs démunis retournés à la campagne, et nous nous sommes efforcés de maintenir le niveau des revenus des travailleurs migrants.”
C’est précisément cette recherche de l’éradication de la pauvreté, qui conduit au quatrième point de cette première partie : “nous avons poursuivi inébranlablement la réforme et l’ouverture, si bien que la vitalité et les forces endogènes du développement se sont renforcées”. L’impulsion d’une économie de lutte contre la misère a fourni l’énergie du développement. C’est ainsi un cercle vertueux économique qui se nourrit de lui-même. Les aides financières accordées ont généré en retour une économie tangible sur le marché intérieur. Malgré la pandémie, le maintien de l’Exposition internationale d’importation de la Chine (CIIE) et du Partenariat régional économique global (RCEP) a permis de mettre en évidence cette réussite du lien entre marché intérieur et marché extérieur.
Ces salons ont aussi mis en évidence les efforts déployés par le gouvernement en termes d’innovation scientifique et technologique. “Cinquièmement, nous avons déployé de grands efforts pour favoriser l’innovation scientifique et technologique, de sorte que la conversion et la montée en gamme des industries se sont accélérées.” Et nous pouvons en constater les succès avec notamment : la sonde chinoise Tianwen-1, la sonde lunaire Chang’e-5, le sous-marin Fendouzhe. Li Keqiang souligne également le tournant vers la numérisation et la production intelligente.
Cette numérisation et cette production intelligente vont-elles de pair avec le sixième point de cette première partie du discours ? “Sixièmement, la nouvelle urbanisation et le redressement rural ont bien avancé, en sorte que la configuration de développement des zones urbaines et rurales ainsi que des différentes régions a été optimisée.” En tous les cas, rappelons que la Chine dispose d’une superficie de 9 600 000 km2 et qu’il fallait permettre à toutes les régions de bénéficier d’apport énergétique. Le Premier ministre explique : “Nous avons favorisé la construction des réseaux de production, d’offre, d’entreposage et de vente de charbon, d’électricité, de pétrole et de gaz naturel, et amélioré notre capacité à assurer la sécurité énergétique.”
Au septième et dernier point de cette première partie, Li Keqiang explique l’importance de la gouvernance chinoise. La Chine a renforcé “l’exercice du pouvoir en vertu de la loi et l’édification sociale, si bien que l’harmonie et la stabilité de la société ont été maintenues”. Il faut ici y lire le travail sur les lois, les règlements administratifs qui ont permis de poursuivre l’enseignement en facilitant son accès à distance (par exemple).
Il conclut le bilan sur les efforts accomplis et les progrès qui demeurent à accomplir. “Il faut reconnaître que le travail gouvernemental laisse encore à désirer, que le formalisme et la bureaucratie se manifestent à des degrés divers, et qu’un petit nombre de cadres font preuve d’un comportement irresponsable, d’apathie ou d’incompétence. La corruption existe encore dans certains domaines. Nous avons à affronter directement ces problèmes et défis, et à tout mettre en œuvre pour améliorer notre travail.” Dans la logique de la politique du bien-être du peuple, il s’agit pour le gouvernement de chercher à défendre les intérêts de ce dernier. Li Keqiang ferme cette première partie par une phrase très forte “Jamais nous ne nous permettrons de décevoir les attentes du peuple”.
Le plan quinquennal
Cette deuxième partie du discours met en évidence les démarches que le gouvernement souhaite mettre en place pour les années à venir. L’horizon est celui de 2035. Il s’agit, ici, pour le Premier ministre de souligner les grands axes du XIVe plan quinquennal qui vont être examinés par la session de l’Assemblée populaire nationale.
Les neuf axes principaux cités sont :
- L’amélioration et la rentabilité du développement : “assurer le développement sain et régulier de l’économie”.
- Promotion d’un développement fondé sur l'innovation, ce qui signifie “accélérer le développement d’un système industriel moderne”.
- Renforcer le marché intérieur et créer un nouveau modèle de développement. Ici Li Keqiang met en avant le besoin de développer un marché intérieur et de poursuivre “l’approfondissement de la réforme structurelle du côté de l’offre, stimuler la demande par l’innovation et par une offre de haute qualité”.
- “Promouvoir le redressement rural et améliorer la stratégie d'urbanisation".
- Optimisation et répartition régionale de l’économie. “Nous devons continuer à mettre en œuvre nos grandes stratégies de développement régional, notre stratégie de développement interrégional coordonné et notre stratégie de développement des régions à fonctions spécifiques, et promouvoir ainsi une répartition régionale de l’économie et un système de soutien de l’espace territorial qui permette un développement centré sur la qualité.”
- Poursuivre les plans de réforme et d’ouverture
- Développer la préservation de l’environnement : “Promouvoir le développement vert et contribuer à la coexistence harmonieuse entre l’homme et la nature. En gardant à l’esprit l’idée que la nature est la source de toutes nos richesses, nous devons renforcer l’aménagement systématique des montagnes, des rivières, des forêts, des champs, des lacs et des steppes, accélérer la construction de « boucliers écologiques » importants, instaurer un réseau de réserves naturelles fondé sur les parcs nationaux et porter le taux de couverture forestière du pays à 24,1 %.”
- Avoir comme objectif le bien-être du peuple et “la prospérité commune” : “afin que les fruits du développement profitent davantage et plus équitablement à la population entière. Nous devons appliquer la stratégie de priorité à l’emploi et développer la capacité du marché de l’emploi.”
- Développer la sécurité nationale et “promouvoir la remise à niveau d’une Chine sûre”.
Afin que les plans quinquennaux puissent se succéder et porter leurs fruits, la Chine doit être unie et stable. Et cet équilibre entre stabilité, harmonie et bien-être des citoyens chinois doit soutenir le développement du “socialisme à la chinoise”. C’est certainement cela que le monde va scruter à la loupe.
Les tâches prioritaires pour 2021
2021 s’ouvre sur une pandémie non encore résolue, où les dégâts tant psychologiques qu’économiques ne sont pas encore quantifiables. Cependant, la Chine maintient son cap, elle entend suivre le principe général, rappelé par Li Keqiang, “aller de l’avant à pas assurés”. Cela sous-entend “la création d’un nouveau modèle de développement” mais également de ne pas perdre de vue l’objectif fondamental du “grand renouveau de la nation chinoise”. Toutes les étapes doivent assurer le progrès pas à pas de la Chine.
La Premier ministre met en avant, pour 2021, neuf tâches prioritaires :
- préservation de la “continuité, de la stabilité et de la durabilité des politiques macroéconomiques”.
- Approfondissement de “la réforme des secteurs prioritaires pour stimuler davantage le dynamisme des acteurs du marché”. Il s’agit ici de favoriser le dynamisme du marché.
- “Promouvoir par l’innovation le développement de l’économie réelle en mettant l’accent sur sa qualité, et promouvoir de nouveaux moteurs de développement”.
- Accroître et développer le marché intérieur. “En nous concentrant sur l’amélioration du bien-être du peuple chinois, nous devons favoriser l’accroissement de la demande ainsi que l’association entre la consommation et l’investissement, afin de porter à un niveau plus élevé l’équilibre dynamique entre l’offre et la demande.”
- Développer et redresser l’agriculture, assurer “l’augmentation des revenus paysans”. “Nous devons promouvoir le développement des régions sorties de la pauvreté, mieux assurer la production agricole, et améliorer les conditions de vie et de production dans les régions rurales”.
- “Poursuivre une ouverture de haut niveau, et améliorer la qualité du commerce extérieur et des investissements étrangers dans la stabilité”.
- Garantir un environnement sain à la population. Pour cela il s’agit de “renforcer la lutte antipollution et la construction écologique, et travailler constamment à améliorer l’environnement. Il faut mener en profondeur la stratégie du développement durable, consolider les résultats obtenus dans la campagne « ciel bleu, eaux limpides, terre propre », et promouvoir la transition vers des modes de vie et de production écologiques”.
- Développer le niveau de vie des citoyens chinois. Il faut “accroître le bien-être de la population et améliorer sans cesse le niveau d’édification sociale. Nous chercherons à résoudre les problèmes et difficultés de la population et à répondre immédiatement à ses préoccupations, afin d’améliorer continuellement son niveau de vie”. Il est intéressant de souligner que sur ce point, le Premier ministre ajoute ceci : “nous soutiendrons le développement des organisations sociales, de l’aide humanitaire, du bénévolat et des œuvres de bienfaisance. Les droits et intérêts légitimes des femmes, des enfants et des personnes âgées ou handicapées seront protégés. Nous continuerons à améliorer le système de traitement des doléances populaires orales ou écrites”.
Li Keqiang, en conclusion, met également en évidence que la Chine est avant tout une diversité d'ethnies. “Nous devons maintenir et parfaire le système d'autonomie régionale ethnique.” Il souligne ainsi que c’est dans un effort commun à toutes les ethnies que la Chine sera prospère. Il met en évidence que la Chine ne doit pas oublier ses ressortissants à l’étranger. “Nous devons appliquer intégralement la politique à l’égard des ressortissants chinois, et défendre les droits et intérêts légitimes des Chinois résidant à l’étranger et des Chinois d’outre-mer revenus dans la patrie, sans oublier leurs proches vivant en Chine, afin de renforcer la cohésion des Chinois et de remporter de nouveaux succès remarquables.”
Les objectifs de la Chine :
Ce discours de Li Keqiang est très important, il met en évidence les points sur lesquels la Chine souhaite travailler. Si l’objectif final demeure celui du “grand renouveau de la nation chinoise”, la Chine doit franchir le cap d’une crise économique mondiale. En conscience, la Chine “s'est fixé un objectif général de taux de croissance à plus de 6% pour cette année” et un déficit de 3,2%. Ce réalisme se double d’un autre profond changement sémantique apparaît trente-neuf fois le mot “qualité” dans ce discours d’une heure. L’économie de marché (nécessairement quantitative) se transforme donc en économie qualitative (plus locale, plus suffisante). Et c’est cette innovation de la qualité qui est à suivre.
Sonia Bressler : écrivaine et experte française sur la Chine
Source:La Chine au Présent |