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Un an après l’arrêt des importations de déchets par la Chine, de nombreux pays sont poussés à réformer leurs mesures de recyclage

French.china.org.cn | Mis à jour le 28. 06. 2018 | Mots clés : recyclage

En juillet 2017, la Chine a annoncé sa décision d’interdire les importations de déchets à traiter. Depuis un an, les réactions paniquées de la communauté internationale s’étalent dans les médias, avec de gros titres sur la menace d’apparition de villes assiégées de déchets. Lors de réunions internationales, plusieurs pays ont même ouvertement dénoncé la décision prise par la Chine.

La raison de cette panique est simple: la Chine était jusqu’ici le plus gros importateur mondial de déchets. En 2012, ces importations avaient atteint un niveau record de 58,9 millions de tonnes. Au cours des années suivantes, une baisse avait été amorcée, mais en 2017, la Chine absorbait encore 43,7 millions de tonnes, dont la moitié des exportations mondiales de déchets plastiques.

Et ces chiffres ne sont que les données officielles, auxquelles viennent s’ajouter les importations illégales.

Pourquoi la Chine importait-elle des déchets étrangers?

Liu Jianguo, professeur à l’Institut environnemental de l’Université Tsinghua, précise que beaucoup de gens font un amalgame entre l'importation de déchets solides et la notion d’« ordures étrangères ». Au début des années 1980, alors que la Chine en était aux premières étapes de son développement économique, ses capacités de production étaient insuffisantes dans toutes sortes de secteurs. Elle a ainsi commencé à importer des déchets solides pour remédier à ses problèmes d'approvisionnement. Par contre, les « ordures étrangères » non triées ont toujours été interdites à l’importation.

L’intérêt économique a primé dans cette décision d’importer des déchets. Par exemple, une tonne de déchets américains à 9 dollars peut être revendue pour plus d’un millier de yuans (151 dollars) à de petites entreprises. Une tonne de papier trié peut se vendre à environ 2000 yuans. Une tonne de canettes se revend 4000 yuans, et une tonne de plastiques triés vaut 7000 yuans.

En 2005 et 2011, la Chine a mis en œuvre des politiques successives pour réglementer et restreindre l'importation de déchets solides. Suite à l’interdiction portant sur les « déchets étrangers » annoncée en juillet 2017, le 19 avril, la Chine est passée de restrictions à l’importation à une interdiction pure et simple sur seize catégories de déchets solides à compter du 31 décembre 2018. D'ici la fin de l’année 2019, la Chine cessera d'importer des déchets solides pouvant être remplacés par des ressources disponibles sur son territoire. Quelles sont les raisons de ces ajustements?

Tout d'abord, le traitement des déchets est nuisible à l'environnement.

Liu Jianguo observe que certains exagèrent les bénéfices de la régénération des déchets solides par rapport à la substitution par des ressources nationales. « Le recyclage consomme également des ressources et de l'énergie, cause des émissions de polluants et de gaz à effet de serre. Avec la mise en œuvre de critères stricts, si l’on mesure l’ensemble du cycle de vie, les ressources renouvelables ne présentent peut-être aucun avantage. Dans le cas contraire, pourquoi les pays développés préfèrent-ils améliorer la qualité des déchets plutôt que de réutiliser ces « ressources » en donnant la priorité à l'exportation? »

En outre, de nombreuses entreprises de recyclage en Chine ont un faible niveau de technologie, un faible degré de concentration industrielle, un contrôle de la pollution industrielle lacunaire, et ont un impact négatif sur l'environnement régional.

Selon le ministère de la Protection de l’environnement, depuis juillet dernier, la collaboration avec les départements concernés a permis la réorganisation des « Cinq catégories de déchets » en se concentrant sur la restructuration de 194 centres d’assainissement, de 18000 entreprises de recyclage, et la fermeture de plus de 8800 entreprises. Les inspections ont révélé les nombreux maux dont souffre l'industrie du recyclage.

Deuxièmement, une part considérable des « déchets étrangers » illustre une capacité de production excédentaire et obsolète qui devrait être éliminée.

L'interdiction des importations de déchets a provoqué un séisme dans l'industrie chinoise du recyclage.

Sheng Min, secrétaire général du département du plastique de l’Association de recyclage et de réutilisation des ressources, souligne que la plupart des entreprises du secteur dépendent des importations. L’interdiction a eu pour effet de causer une pénurie de plastique à recycler dont l’impact négatif se fait sentir sur ces entreprises. Certaines entreprises ont arrêté la production, d’autres se tournent vers le recyclage de déchets nationaux, et d'autres enfin ont établi des usines à l'étranger pour transformer les déchets plastiques en matières premières et matériaux semi-finis qui sont ensuite importés en Chine.

Wu Xuelan, célèbre commentateur de l’actualité, observe également un impact à court terme sur l'industrie nationale de la transformation des ressources. Cependant, à long terme, les « déchets étrangers » présentent de graves dangers pour l'environnement et si les entreprises nationales réussissent leur transition, les matières plastiques transformées au niveau national en suivant un traitement rigoureux combleront le vide. Liu Jianguo estime que les entreprises devraient considérer l'interdiction des importations comme une « opportunité de mise à niveau de l'industrie ». « Cela encouragera non seulement l'industrie à se tourner vers les déchets solides chinois comme ressource principale, mais aussi à forcer la collecte des déchets et la récupération des ressources renouvelables avec une meilleure efficacité », explique-t-il.

Lorsque la Chine a annoncé sa décision d’interdire les importations de déchets, de nombreux pays ont tenté de la contraindre à faire des compromis par des moyens politiques. Cependant, la Chine a maintenu sa position. Toutes les localités et administrations ont tenu bon et ont obtenu de premiers résultats.

Selon le ministère de l'Écologie et de la Protection de l’environnement, le volume des importations de déchets solides par la Chine avait diminué de 9,2 % en glissement annuel en 2017, dont une baisse de 12 % dans les catégories faisant l’objet de restrictions. Au premier trimestre 2018, les importations de déchets solides ont chuté de 57 %, dont une diminution de 64 % des catégories limitées.

Le 22 mai, l'Administration générale des douanes a lancé une campagne de répression contre les importations illégales de déchets. En un jour, 39 gangs criminels soupçonnés de contrebande ont été arrêtés.

De nombreux pays ont pris conscience de la détermination de la Chine à cesser les importations de déchets et ont commencé à recycler eux-mêmes leurs déchets et à élaborer des réformes de protection de l'environnement.

Selon un reportage du journal allemand Süddeutsche Zeitung en janvier, l'Allemagne a prévu d’augmenter progressivement le recyclage du plastique dans les années à venir. Actuellement, 36 % des déchets plastiques sont recyclés. D'ici 2022, le pays veut atteindre 63 %.

L'Union européenne prépare un plan d'ensemble pour l'économie circulaire et pour un plus grand recyclage des déchets. Le 23 janvier, l'UE a annoncé son premier plan d'élimination des déchets plastiques, en interdisant progressivement les plastiques à usage unique, dans l'objectif de recycler tous les emballages plastiques d’ici 2030.

La Première ministre britannique Teresa May a déclaré en janvier que la Grande-Bretagne éliminerait tous les déchets plastiques non indispensables dans les vingt-cinq ans. En réponse à l'interdiction des importations de déchets par la Chine, la Chambre des communes a formé une équipe spéciale d'enquête pour lancer de toute urgence des mesures. L'une des propositions était une « taxe latte » de 25 pence par gobelet en papier utilisé par les établissements comme Starbucks. Depuis 1er février, 25 Starbucks de Londres imposent une charge de 5 pence aux clients demandant des gobelets en papier jetables.

Le magazine français Sciences et avenir a estimé dans son édition de mars que l'interdiction d’importation de déchets par la Chine encouragerait le développement de l'industrie française du recyclage. Actuellement confrontées à des difficultés de revenus, les entreprises de recyclage devront rapidement trouver des moyens d'améliorer la qualité du tri des déchets pour répondre aux normes d’importation chinoises, afin de réintégrer le grand marché de consommation chinois. Par conséquent, l’ensemble des normes environnementales de l'industrie française devraient s’élever, ce qui impactera à leur tour les producteurs en amont, et obligera finalement tout le pays à mener des réformes de protection de l'environnement.

Un expert américain en matière de politique environnementale a déclaré que pour répondre aux nouvelles normes de la Chine, les Etats-Unis ont désormais recours à l'intelligence artificielle pour trier les déchets.

Eric Solheim, directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l'environnement, a souligné que les mesures prises par la Chine devraient servir de signal aux pays riches pour l’amélioration du recyclage et la réduction des produits superflus comme les pailles en plastique. « Un Américain moyen consomme 600 pailles par an, ce qui engendre beaucoup de déchets plastiques, alors que chacun pourrait boire directement dans son verre ou sa bouteille », déplore-t-il. Des entreprises comme Coca-Cola, Nestlé et Danone ont commencé à prendre des mesures pour allonger l’utilisation circulaire des produits plastiques et passer à des matériaux d'emballage biodégradables.

L'interdiction des importations de déchets par la Chine devrait donc non seulement avoir un effet bénéfique sur l'environnement dans le pays, mais aussi accélérer les décisions législatives dans les pays exportateurs, afin d’encourager la récupération des déchets sur place. Cela sera peut-être justement l’impact écologique pour le monde entier de l'interdiction des importations de déchets.

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Source:french.china.org.cn