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De paysans à actionnaires
Par le biais de la coopérative, l'économie collective s'est rapidement développée à Tangyue et dépasse le cadre de l'agriculture. Aujourd'hui, outre sa main-d'œuvre occupée à la production agricole, la coopérative dispose d'entreprises opérant dans le transport, la construction, la gestion des eaux, etc. Les villageois, en fonction de leurs compétences et de leur préférence, font le choix d'intégrer les équipes agricoles ou l'une des entreprises. Par exemple, beaucoup de femmes décident de travailler dans les cultures et gagnent au minimum 2 000 yuans par mois.
Luo Guanghui, 45 ans, est chef d'une équipe agricole. Il supervise les travaux de labourage et de culture intensive, en appliquant le principe de production normalisée à l'agriculture. Un mu de champ sous sa direction donne entre 3 500 et 4 000 kg de piments, qui se vendront à plus de 10 000 yuans au total. Après les piments, son équipe cultive durant une saison d'autres légumes, qui rapportent environ 4 000 yuans par mu.
Pour favoriser le rendement de chaque équipe tout en protégeant les paysans, un salaire de base reposant sur une valeur de production de référence a été fixé. Si la valeur de référence n'est pas atteinte, le salaire de toute l'équipe est déduit. A contrario, si la production excède cette valeur de référence, l'équipe, ainsi que chaque membre de la coopérative, peut prétendre à une prime.
Depuis l'existence de cette coopérative, le village a connu une métamorphose évidente. Auparavant, 30 % des terres arables étaient laissées à l'abandon. Un an après l'établissement de la coopérative, les équipes agricoles, composées majoritairement de femmes, avaient déjà défriché toutes les terres incultes et planté 1 250 mu de fruitiers, 150 mu de lotus pour en récolter les racines, 612 mu d'arbres et 400 mu de cultures maraîchères, qui fournissent en légumes la cantine scolaire de la ville. Les paysans n'ont donc même pas à se soucier de vendre leurs légumes à bon prix sur les marchés.
De son côté, l'équipe de construction ne chôme pas. Un ouvrier gagne 300 yuans par jour, tandis qu'un ouvrier assistant gagne 120 à 150 yuans en une journée. À l'heure actuelle, cette équipe est composée de 286 ouvriers (dont une centaine de femmes) répartis dans 12 métiers, y compris cimentier, plâtrier, plombier, maçon, électricien et décorateur d'intérieur.
L'équipe de transport, elle, rassemble plus de 40 membres, dont 60 % sont des personnes revenues travailler dans leur village natal. En échange des droits d'exploitation des terres, la coopérative garantit aux paysans l'octroi de crédits, pour que ces derniers puissent acheter une fourgonnette ou un camion et ainsi effectuer des missions de transport. À présent, l'équipe de transport possède un parc d'une cinquantaine de véhicules, sachant qu'un camion peut rapporter environ 30 000 yuans par mois, et une fourgonnette, environ 10 000 yuans par mois. Et les chauffeurs, les jours où ils ne sont pas sollicités, peuvent tout à fait vaquer à d'autres occupations rémunérées.
En quelques années, les paysans de Tangyue sont devenus actionnaires de la coopérative, les ménages pauvres ont pu dégoter des emplois et vivre plus décemment et les travailleurs migrants ont finalement décidé de rentrer au village. Selon les statistiques, le nombre de personnes parties travailler hors de Tangyue est tombé à 50 personnes, contre 860 deux ans plus tôt.
Aujourd'hui, à Tangyue, le quasi-plein emploi s'observe à tous les coins de rues. Mais le plus impressionnant, c'est de trouver en ce lieu une grande librairie, un centre d'e-commerce estampillé JD et un centre de services financiers. Qui aurait pu croire qu'un petit village du sud-ouest de la Chine compte autant de lecteurs parmi sa population et soit à ce point tourné vers l'extérieur avec sa plateforme de vente en ligne ?
En défrichant toutes les terres incultes, les paysans ont commencé à jouer un rôle primordial dans l'économie collective du village. À travers leur participation active à la construction de la coopération et au développement de Tangyue, ils ont amélioré leur niveau de vie. En 2013, le revenu annuel moyen des habitants était de 4 000 yuans, un chiffre qui a atteint 10 030 yuans en 2016. Quant au volume de l'économie collective, de 40 000 yuans en 2013 , il est passé à 202 145 yuans en 2016. En bref, dès 2016, tous les villageois étaient sortis de la pauvreté. Ainsi, Tangyue se pose en « village modèle » qui a su se transformer pour s'extraire de la misère.
À vrai dire, Tangyue n'est qu'un exemple parmi tant d'autres villages de la province du Guizhou qui ont réussi leur réforme en convertissant les ressources en biens, les fonds en titres et les paysans en actionnaires. Il s'agit d'une expérience remarquable en matière de réduction de la pauvreté, unique au Guizhou. D'ailleurs, en 2016, ce sujet a été abordé dans les dossiers du gouvernement central, qui souhaite promouvoir et propager cette expérience dans les autres provinces du pays. Elle viendra conforter les autres mesures gouvernementales de lutte contre la pauvreté, et permettra aux agriculteurs et éleveurs d'améliorer leurs conditions de vie.
Source:La Chine au Présent |