Emmanuel Lincot, un célèbre sinologue français qui a récemment donné à Beijing une conférence sur l'art contemporain chinois, a accordé une interview exclusive à China.org.cn.

En tant que directeur de la Chaire des Études chinoises contemporaines à l'Institut Catholique de Paris, M. Lincot a indiqué à China.org.cn que les fondateurs de l'Institut Catholique de Paris ont été dans l'histoire européenne les premiers sinologues. Selon lui, actuellement, on ne peut plus avoir une université française en ignorant la Chine, la langue chinoise et la culture chinoise. C'est pourquoi il a été décidé de privilégier essentiellement tout ce qui est lié à la culture et à l'histoire contemporaines chinoises.

Deux écoles de sinologie en France

Selon M. Lincot, le milieu de la sinologie en France se compose de deux écoles : les philosophes et les historiens sinologues. Ce ne sont pas du tout les mêmes approches, ni les mêmes compréhensions de la Chine.

« Du côté des historiens, c'est une approche chronologique. Donc on cherche vraiment à étudier les phénomènes de rupture, mais aussi de continuité entre les différentes dynasties, même à l'époque contemporaine, d'une décennie à l'autre, d'une génération à l'autre », a expliqué M. Lincot à China.org.cn. « En revanche, les philosophes, citons le cas de François Julien, ont tendance à s'adresser bien davantage aux structures de la langue et de la pensée pour voir s'il existe ou pas une sorte d'identité générale qui traverse les différentes époques chinoises. Ce sont deux approches très différentes, mais aussi complémentaires », a poursuivi M. Lincot.

D'après M. Lincot, dont le domaine de recherche est l'histoire culturelle, cette dernière repose sur trois éléments fondamentaux : les créateurs d'art, les médiateurs et les interprètes. « Il y a une circulation entre ces trois pôles. Un artiste, qu'il soit Chinois, Français ou autre, ne peut pas être connu socialement et internationalement sans ces deux autres pôles et vice-versa », a-t-il fait remarquer. « C'est l'histoire de la circulation des idées, des personnes, des biens. C'est une approche qui n'est pas du tout l'apanage du débat idéologique. C'est plus neutre, plus pertinent pour comprendre à la fois la Chine actuelle et la Chine d'hier. »

Les échanges civils contribuent aux échanges du pays

Le Festival culturel Croisements en Chine s'est déroulé du 7 avril au 30 juin dans 27 villes chinoises. De nombreux artistes chinois et français ont offert à cette occasion des spectacles très variés au public chinois.

M. Lincot a fait l'éloge du rôle de ce genre d'activités dans les échanges culturels sino-français, en présentant l'émergence de la société civile dans laquelle les gens qui voyagent librement vont certainement développer des échanges personnalisés, sans nécessairement passer par les institutions de ce type.

« Il y aura de plus en plus d'échanges entre les personnes, mais aussi entre les villes et entre les pays. On aura une plus grande intervention d'acteurs sociaux. Ce ne sont plus seulement les diplomates, mais les artistes, les universitaires qui font des échanges. On assiste à une diversification des échanges culturels », explique M. Lincot.

L'harmonie est un concept heureux

Concernant le concept d'harmonie préconisé par les autorités chinoises, M. Lincot précise que l'harmonie est une citation et une interprétation d'un certain confucianisme. « L'harmonisation est louable dans une société qui a besoin davantage d'égalité et d'apaisement d'un point de vue des tensions sociales. C'est un concept heureux. On espère que cette harmonisation sera de plus en plus étendue dans l'ensemble de la Chine. »

« Plutôt que de parler de la justice sociale ou de l'égalité sociale en Europe, les dirigeants chinois l'ont interprété différemment par l'harmonie sociale. Ce qui a une autre acception ou autre conception des choses, mais qui relève d'un fond culturel et qui est proprement chinois », affirme M. Lincot à China.org.cn

Le PCC est un parti qui s'adapte véritablement aux transformations de la société

Le 1er juillet marque le 90e anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois. À cette occasion, diverses activités de célébrations ont lieu en Chine et à l'étranger. D'après M. Lincot, le PCC est un parti qui a su s'adapter aux évolutions sociologiques de la Chine.

« La politique d'ouverture et de réforme est vraiment une révolution. C'est un parti qui s'adapte véritablement aux transformations de la société, qui n'est pas resté comme le parti communiste soviétique, attaché à des valeurs anciennes. Ce qui explique en même temps la capacité remarquable de survivance du PCC. »

« On a un parti qui a su accompagner considérablement les réformes du pays. C'est un parti de moins en moins idéologique, mais de plus en plus pragmatique. »

Quant aux relations entre la partie continentale de la Chine et Taiwan, M. Lincot a livré un avis optimiste à China.org.cn : « On pourra très bien assister un jour à un grand mariage entre le PCC et le Guomintang. » Selon lui, le PCC est de plus en plus ouvert à des solutions qui étaient totalement impossibles il y a vingt ans. De ce point de vue là, la relation avec Taiwan est assez symptomatique d'une évolution encore plus importante.

M. Lincot, spécialiste du développement durable en Chine, a confirmé à China.org.cn que « les efforts chinois dans le développement durable sont tout à fait remarquables ». Il y a cependant matière à amélioration, « par exemple, des industries très polluantes qui coûtent très cher. Mais on sait bien que les dirigeants chinois sont très conscients du problème et ça sera résolu. »