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Le lac Lugu : un panorama envoûtant de la dernière société matriarcale

French.china.org.cn | Mis à jour le 13. 01. 2021 | Mots clés : lac Lugu
Des pirogues amarrées sur la rive du lac Lugu


Bijou précieux incrusté dans la mystérieuse frontière de la province du Sichuan et du Yunnan, le lac Lugu est à couper le souffle. Situé à la jonction du district de Yanyuan, dans la province du Sichuan, et du district de Ninglang, dans la province du Yunnan, il est l’un des plus hauts lacs de la région intérieure de la Chine. C’est aussi l’un des lacs d’eau douce les plus profonds du pays, atteignant plus de 70 m en son point le plus profond, tandis que sa profondeur moyenne est de 40 m.

La tradition unique du « mariage ambulant »

Le long des rives du lac Lugu vivent les descendants des Mosuo (ou Moso), une branche de l’ethnie Naxi.

La population mosuo s’élève à environ 50 000 et parle une langue qui lui est propre et qui n’a pas de forme écrite. Le paysage autour du lac Lugu, avec ses caractéristiques uniques liées à la culture mosuo et à son décor naturel entouré de montagnes et d’eau cristalline, est assez célèbre. La région a souvent été qualifiée de « Royaume des femmes » en raison de la tradition des Mosuo du « mariage ambulant ». Ses habitants ont conservé l’ancien modèle de clan familial matriarcal et, en conséquence, ont été surnommés « la dernière rose de la culture familiale matriarcale orientale ». Cette rose devient plus odorante et spéciale avec le temps.

La montagne du Lion, également connue sous le nom de montagne Gemu, est située sur le côté nord du lac Lugu. Elle est le sanctuaire principal de la divinité que les Mosuo vénèrent : la déesse Gemu. En cela, les Mosuo diffèrent des ethnies voisines, les Tibétains et les Yi, qui adorent des dieux masculins. La montagne Gemu surplombe l’eau du lac, les nuages blancs sont ses vêtements, la brume légère est son voile. Avec sa longue chevelure lui servant d’oreiller, la déesse en forme de montagne semble profondément endormie, reposant sur le dos. Dans ses rêves, la déesse-montagne Gemu veille à la sécurité et au bonheur de son peuple, s’assurant que le vent et la pluie arrivent en temps voulu. Sous sa surveillance attentive, tout se déroule paisiblement et le peuple vit de manière prospère. Le reflet de son visage dans le lac Lugu révèle une beauté tranquille, tandis que les ondulations de l’eau représentent ses fossettes quand elle sourit.

La déesse a non seulement enseigné au peuple mosuo les secrets de la culture, mais elle leur a également donné l’espoir dans la vie quotidienne ainsi que la paix et la tranquillité ; surtout, elle leur a légué le bel héritage de l’amour romantique. Les Mosuo conservent la coutume matriarcale du « mariage ambulant », dans lequel ni les hommes ni les femmes n’entrent dans une relation de mariage monogame. Après que les jeunes femmes mosuo ont atteint la maturité, elles vivent seules dans ce que l’on nomme un « chambre fleurie ». Après avoir obtenu l’accord de la dame, un homme peut rester avec elle pendant la nuit et repartir le lendemain matin. Un pont en bois long de 300 m appelé « pont du mariage ambulant », qui traverse ce que les habitants appellent « la mer d’herbe » constituée de roseaux denses, offre un chemin pratique pour accomplir la coutume du mariage ambulant. Quant à l’origine du pont du mariage ambulant, les habitants évoquent une belle légende. Il y a longtemps vivaient un homme et une femme, de part et d’autre de la mer d’herbe. Chaque soir, l’homme ramait à bord de sa barque en forme « d’auge de cochon » jusqu’à l’autre rive de la mer d’herbe pour visiter sa bien-aimée, puis il rentrait chez lui le lendemain matin. Peu importe la météo, l’homme se rendait auprès de sa douce tous les soirs, sans exception. En voyant son amant accomplir ce difficile voyage chaque jour en bateau, elle se sentit désolée pour lui et construisit un pont en bois sur la mer d’herbe, de sorte à faciliter ce voyage.

Selon la culture traditionnelle des Mosuo, la grand-mère est responsable de la maison.


Changer les traditions avec le temps

Les aigrettes pêchent dans la mer d’herbe alors que des groupes de canards sauvages flottent sur le lac, que des bouquets de roseaux parsèment l’endroit et que des plantes donnent à l’eau sa couleur verte. Tout ceci dessine un cadre magnifique pour le passage silencieux des barques en auge de cochon. Les femmes mosuo âgées naviguent sur les bateaux tandis que les jeunes femmes s’affairent aux tâches ménagères pour que la maison reste en ordre.

Avec le nombre croissant de touristes dans la région ces dix dernières années, les traditions de la vie quotidienne des Mosuo dans la province du Yunnan ont été considérablement, sinon complètement changées, tandis que le groupe de Mosuo vivant dans la province du Sichuan a conservé sa vie traditionnelle. Dans le village de Shekua, dans le district de Yanyuan, une grand-mère de 92 ans sous perfusion est prise en charge par sa fille de 60 ans. L’épouse de son petit-fils, Youjiama, parle très couramment le putonghua (le mandarin standard) et est l’interprète principale de tous les touristes. La distance entre la maison de la mère de Youjiama et celle de sa belle-mère n’est que d’une douzaine de mètres. Une relation monogame est très courante parmi la jeune génération actuelle, mais la tradition du mariage ambulant des générations plus âgées étant préservée, il est encore très courant que les deux membres d’un couple continuent à vivre dans la maison de leur mère respective après leur mariage.

Youjiama gagne sa vie en travaillant dans une auberge locale. Selon ses propres mots : « La tradition du mariage ambulant existe toujours dans la communauté mosuo, mais la population locale a une grande tolérance quant à la manière dont les gens la suivent. Aujourd’hui, on accepte que les membres d’un couple vivent ensemble ou séparément dans la maison de leur mère après leur mariage, et la tradition selon laquelle une femme entretient des relations conjugales avec de nombreux hommes a disparu depuis environ 30 ans. En outre, étant donné le nombre croissant de personnes provenant d’autres régions qui s’installent ici, les mariages interethniques augmentent également. »

Youjiama est en fin de vingtaine d’années et a déjà deux enfants. Elle a donné naissance à son aîné alors qu’elle n’avait que 19 ans. Avoir des enfants à un si jeune âge est courant chez les femmes mosuo, mais ce qui rend Youjiama unique, c’est qu’elle a été la première femme de son village à aller travailler dans la province voisine du Yunnan. Lorsqu’elle est partie travailler, son comportement a choqué sa communauté et elle a été méprisée par les anciennes générations de son village. Après une décennie, les idéologies traditionnelles ont lentement changé. Aujourd’hui, Youjiama s’occupe de l’organisation de danses traditionnelles mosuo, exécutées par de jeunes femmes du village, pour les touristes ; elle présente également à ces derniers la culture mosuo. Ceci lui a valu les éloges des anciens de son village.

Dans tout le village, la fumée s’élève des cuisinières, alors que du maïs et des œufs sont préparés. Pendant ce temps, la belle-mère de Youjiama divertit les invités avec du thé salé qui a bouilli dans des théières en argile noire. Il y a plusieurs années, le beau-père de Youjiama est décédé, après que celle-ci a emménagé chez sa belle-mère. Mais en ce qui concerne ses propres enfants, sa mère poursuit la culture traditionnelle des Mosuo, dans laquelle la grand-mère est responsable de la maison, tandis que la mère et les tantes s’occupent des enfants. À ce jour, la majorité des anciennes camarades de classe de Youjiama vivent encore dans la maison de leur mère, tandis que leur mari vit dans la maison d’origine de leur propre mère, ce qui rend unique la situation de Youjiama, qui vit avec son mari.

Le rôle des hommes et des femmes dans la famille change avec la montée d’une nouvelle génération. Dans la famille du mari de Youjiama, qui compte dix personnes, même si son frère et sa sœur cadets n’ont pas quitté la maison, le mari de Youjiama a pris le rôle de chef de famille, modifiant ainsi le modèle familial traditionnel. Quant à la famille strictement traditionnelle de la mère de Youjiama, deux de ses filles ont déjà quitté la maison pour vivre de manière permanente avec leur mari. La raison de ces changements est à chercher dans l’influence du monde extérieur sur la population locale ainsi que dans d’autres facteurs inévitables. Lorsque la déclaration de résidence d’un enfant est enregistrée à sa naissance ou est demandée plus tard pour son inscription scolaire, il est nécessaire de fournir le certificat de mariage des parents. En conséquence, obtenir un certificat de mariage du gouvernement est une obligation pour les couples de la nouvelle génération. Mais il y a quelques années à peine, les jeunes gens de l’âge de la sœur aînée de Youjiama, qui a maintenant deux enfants, dont l’un a 16 ans, n’ont jamais demandé de certificat de mariage.

Au petit matin, les nuages et l’eau se fondent sur le lac Lugu.


Un milieu naturel propre et immaculé

L’eau du lac Lugu est si claire et propre qu’en se tenant sur sa rive, on peut voir le fond du lac et les poissons nageant librement autour des plantes aquatiques. Chaque année entre mai et octobre, les fleurs Ottelia acuminées aux couleurs vives fleurissent le long des rives du lac. Cette fleur n’est pas seulement belle à regarder, elle est aussi nutritive et a un goût délicieux quand elle est préparée en plat froid ou cuite.

Le lac Lugu peut s’enorgueillir d’une eau propre et d’îles tranquilles et immaculées. L’eau turquoise est entourée sur quatre côtés par des montagnes verdoyantes, et des baies dessinent le tracé des rives. La route qui serpente autour du lac offre de beaux points d’arrêt pour profiter de magnifiques paysages et les photographier. Tant la partie du lac située dans le Yunnan que celle dans le Sichuan possèdent une « plage des amoureux » attirant de nombreux touristes.

La plage des amoureux du côté de la province du Yunnan donne sur une vaste étendue d’eau et, au loin, la montagne Gemu et la montagne Houlong peuvent être vues. Ce lieu évoque une histoire d’amour romantique. Selon la mythologie locale, les divinités Gemu et Houlong étaient amoureuses l’une de l’autre, mais elles furent séparées par la déité des cieux qui les changea en montagnes. Dès lors, elles ne pouvaient plus que se regarder tristement par-dessus les eaux s’étendant entre elles. La déité des cieux ne leur permettait de partager quelques moments qu’une fois par an, le quinzième jour du septième mois lunaire, sur la plage des amoureux. C’est de là que provient ce nom. La plage est assez étendue et compte quelques arbres qui poussent sur les rives du lac, offrant peut-être de l’ombre aux deux amoureux sous le soleil et sous le clair de lune. Quand le soleil se lève sur la plage des amoureux, les vents chuchotent et les nuages se rassemblent pour observer le couple de montagnes immortelles tandis qu’elles se regardent, emplies d’un pieux désir. La ligne entre l’eau et le ciel est floue, les nuages se rassemblent autour, et dans ce silence paisible, les bateaux vont et viennent, jour après jour. À l’approche des voies navigables éclairées par le soleil radieux, ceux-ci ressemblent à des navires envoyés par une famille de fées, bien loin d’ici.

Alors que le clair de lune brille sur la plage des amoureux, côté Sichuan, les âmes sœurs rentrent chez elles, les pêcheurs lancent leurs filets et attachent leurs petits bateaux, les cachant des eaux sans fin. Par beau temps, les plages sont couvertes de couples profitant ensemble du paysage, prenant des photos pour immortaliser le moment ou, tout simplement, admirant le lac et la région montagneuse, oubliant tout autour deux, s’oubliant même.

Pendant les fêtes religieuses au cours desquelles ils font des sacrifices, les Mosuo marchent dans les montagnes et autour du lac, vénérant les montagnes et l’eau. Les activités sacrificielles ne durent pas longtemps, mais l’autel ne reste pas inactif. Ici, les gens adorent la déesse et apprécient la beauté de la baie de la déesse. La divinité paisiblement endormie, à la longue chevelure, au menton clairement défini, aux yeux doux et profonds, au cou gracieux et charmant, offre un spectacle mystique alors que le soleil se couche lentement sur son cœur.

Chaque vue de la péninsule du village de Lige et de la crique de Lige ressemble à une carte postale. En début de journée, les nuages empourprés du matin couvrent tout le ciel, dans l’eau calme, un petit bateau apparaît lentement, sans un bruit, comme s’il avait parcouru tout le chemin depuis les temps anciens et avait toujours été là.

Dans les vastes étendues de Chine, les lacs parsèment la terre comme les étoiles le ciel nocturne. Diverses sortes de beauté ornent les lacs en Chine, comme la vaste beauté naturelle du lac Taihu, le paisible et immaculé lac Qinghai, la beauté culturelle du lac de l’Ouest, la beauté naturelle éblouissante du lac Namtso et les paysages époustouflants du lac Hulun. Mais pour ce qui est de la beauté du lac Lugu, avec ses paysages naturels stupéfiants et sa riche histoire culturelle, on ne peut que reconnaître qu’il s’agit là d’une beauté pure et rare.

*ZHAO YANQING est chroniqueur.

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Source:La Chine au Présent