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J’étais en Chine lorsque l’épidémie de COVID-19 a éclaté. Mon retour au Canada, sur les ailes d’Air China, était prévu pour le 9 avril. Mes amis (chinois) les plus proches étaient retournés dans leur famille à divers endroits du pays pour le Chunjie, ou Nouvel An chinois ; d’autres avaient pris des vacances en Europe, et c’est justement à ce moment que la « crise » a éclaté. Presque du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés « enfermés » dans nos appartements, à Beijing comme ailleurs dans le pays. Je me sentais donc en sécurité.
J’avais fait beaucoup de cuisine en prévision du Chunjie, et avais congelé des plats. Le marché de fruits et légumes frais se trouve en face de chez moi. Je travaillais à la traduction d’un livre chinois, et mon assistant m’avait installé WeChat avant de partir pour WUHAN (eh oui !), afin que nous puissions terminer notre travail. En fait, la crise du virus a éclaté le jour où il est rentré chez son père.
Je me suis assignée à résidence dans mon appartement de Beijing. La police locale a visité chaque appartement, distribuant des conseils de sécurité, et nous donnant des consignes : port du masque, aucun visiteur, prise de température au retour d’une sortie, et seuls les gens munis d’une carte de résident pouvaient entrer dans le quartier. Aucun visiteur n’était admis, ni aucune livraison (et l’on sait que les kuaidi sont super-actifs en Chine !). En trois semaines, je suis sortie seulement deux fois. Pour aller à la banque, puisqu’il fallait bien que je paie six mois de loyer… J’étais rassurée de voir le sérieux avec lequel les mesures de protection étaient appliquées. La température était prise à l’entrée de chaque établissement public.
Comme je recevais des nouvelles quotidiennes de Wuhan, j’ai commencé à paniquer devant le nombre grandissant de cas et de lieux affectés (toujours à l’intérieur de la Chine), et j’ai pressenti que je ne pourrais peut-être pas partir le 9 avril comme prévu. J’ai donc fait annuler mon billet (aucun crédit ni remboursement) et en ai pris un autre, un aller simple, pour le 21 février.
Sur ce vol d’Air China du 21 février, chaque passager disposait d’un espace de trois sièges. Même les couples étaient assis séparément. Les mesures de sécurité étaient appliquées sérieusement. Nous devions remplir un questionnaire, avec des questions telles que « Avez-vous visité Wuhan récemment ? »… Des consignes de sécurité et divers renseignements nous étaient donnés. Nos numéros de téléphone au Canada devaient être enregistrés pour que l’on puisse nous joindre le cas échéant.
Ce qui m’a fait le plus mal, une fois au Canada, a été d’entendre des commentaires déplacés comme : « On le sait bien, la Chine, manque d’hygiène… ». Et surtout, on critiquait les mesures « totalitaires » imposées par le Parti communiste ! Aussi on doutait des « chiffres » publiés par la Chine, ajoutant qu’on pouvait croire aux chiffres émis ici, bien sûr, mais pas ceux des autorités chinoises !
Savent-ils, ces gens, que la Chine s’est sauvée du pire -- et l’a épargné au monde entier -- justement par l’application de mesures fondées et sérieuses ? Ce n’était pas une mince affaire que de lutter contre un ennemi inconnu et invisible. Une lutte contre la montre ! Regardez le chemin que la Chine a parcouru en trois mois ! Oui, il y a pandémie, mais on peut dire que la guerre est gagnée en Chine ! Il fallait des mesures drastiques.
Pour parer au manque de lits, deux hôpitaux ont été construits chacun en moins de dix jours. Des hôtels, des stades, ont été convertis en lieux d’isolement des malades. Pays totalitaire ? Et puis ?! On a obéi, et c’est ainsi qu’on a brisé la courbe. Ce n’est pas à la population d’évaluer les dangers et les enjeux dans une pareille situation !
La courbe se résorbe en Chine depuis plusieurs jours déjà, et si la bataille n’est pas terminée, on sent qu’elle sera gagnée. Grâce à des mesures « totalitaires », qu’une nation a le droit et le devoir d’imposer dans une telle situation. Deng Xiaoping avait vu juste : « Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, tant qu’il attrape des souris ».
Je vis en Chine depuis 30 ans ; je la connais, je l’aime, la respecte et l’admire.
« Wuhan donne de l’espoir au monde ! ». Voilà des mots que j’ai entendus à Radio-Canada il y a quelques jours. Par contre, j’ai honte de cette dame québécoise, qui disait hier : « Personne n’a le droit de m’empêcher d’aller où je veux ! », alors qu’on lui interdisait l’entrée d’un supermarché parce qu’elle refusait de se laver les mains avant d’entrer !
Puisqu’on demande aux personnes de 70 ans et plus de rester à la maison, je m’amuse à « créer » des Covidas, comme j’appelle ce dessert et ces deux reproductions artisanales du virus. Il faut bien se distraire un peu, non ?
Le souci de la santé publique réside dans une rigueur implacable !
Lisa Carducci, 21 mars 2020
Source:french.china.org.cn |