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Losar est le nom du Nouvel An tibétain. La date de la fête varie entre la fin janvier, février ou mars, et correspond parfois au Chunjie (ou Nouvel An chinois). Il tombe cette année le 24 février. Chaque année, j'envoie mes vœux à mes six « filles tibétaines », et elles sont bien émues de lire mes souhaits dans leur langue : 洛萨 扎西德勒 (prononcer : luò sà zhā xī dé lè !)
En 2016, je suis retournée dans le village de ma première « fille tibétaine », à l’extrême nord-ouest du Yunnan, soit à 40 kilomètres de la région autonome du Tibet. Avec Gemar Yumtso et son mari qui conduisait la voiture, nous avons parcouru la route de Sinong à Shangri-La, présentant des paysages époustouflants comme j’en avais déjà vus les trois fois que je suis allée dans la famille de cette jeune femme. Pourquoi je l’appelle « ma fille » ? C’est que j’ai défrayé ses cinq années d’études à l’Université de médecine tibétaine de Lhassa. Le fait qu’UNE jeune femme ait fait de hautes études a suscité le développement et l’enrichissement de son village. Difficile à croire mais facile à prouver, sauf que ce n’est pas mon but aujourd’hui.
Cinq autres filles ont suivi, et chacune m’appelle d’une façon particulière : mère adoptive (gan ma); grand-mère (nainai); tante (ayi) ou ani en tibétain ; et er ma (deuxième mère).
Les Tibétains ont leurs traditions particulières à l’occasion du Losar : les mets, les visites faites et reçues, les chants et les danses en groupe dehors au soleil et, le soir, dans la maison. Nous avons passé la journée à faire la cuisine, tâche à laquelle j’ai participé, bien sûr !
Aussi, selon leurs moyens financiers, les familles invitent un plus ou moins grand nombre de lamas à venir passer la journée, de l’aube au crépuscule, à réciter des prières pour le bonheur, la santé et le succès. On leur sert trois repas pendant cette tâche. La journée se déroule sur le toit de la maison. On ne doit pas leur parler. Parfois, un lama entre dans la maison pour chasser les démons avec des incantations spéciales ; il faut donc laisser le passage libre.
Le lendemain, il avait neigé ; la première fois depuis des années ! Deux enfants de la famille n’avaient jamais vu de neige auparavant ; je leur ai donc appris à fabriquer de petits animaux et personnages en neige collante. Et puis, ils ont conclu que les petits bonhommes devaient avoir froid… alors ils sont allés les réchauffer près du foyer dans la maison ! Loin de les dissuader, je les ai suivis pour recueillir leurs cris de surprise et leurs éclats de rire en voyant disparaitre leurs sculptures.
Le soir, nous avons dansé en groupe ; la maison était grande et pouvait accueillir tous les parents et voisins. Des spectacles de danse auraient lieu aussi sur la prairie, le lendemain, avec des hada de soie aux longues franges. Après le spectacle, un des danseurs – un superbe jeune homme – est venu m’offrir le hada qu’il avait utilisé pendant le spectacle. Les villageois le grondaient et cherchaient à l’éloigner. Pourquoi? C’est que les franges avaient balayé le sol et ramassé plein de feuilles sèches, presque indélogeables. J’ai bien ri, et conservé ce souvenir avec tous ses morceaux de feuilles. Il y avait aussi des courses de chevaux dans le village. Et bien entendu, nous sommes allés au temple faire tourner les moulins à prière.
Pour les repas, autour du foyer qui ne doit jamais s’éteindre, les Tibétains s’assoient sur de petits bancs de bois très bas. Cela me causait une douleur atroce à cause de l’arthrose qui hantait mes genoux. Le père s’en est aperçu et m’a fabriqué un banc plus haut, ce qui m’a épargné bien des grimaces de douleur.
Et pendant ce séjour, j’ai eu le rare privilège de voir de mes yeux le mont Qomolangma, ou Kawagebo, qu’on appelle aussi Shangrila en langues étrangères , victime lui aussi du réchauffement de la planète. Oh ! Quelle tristesse… Mes hôtes en pleuraient presque, se souvenant de leur enfance où tout était encore de glace, là où aujourd’hui on peut voir une large rivière qui déferle.
Source:french.china.org.cn |