Beijing : les hutong recèlent des richesses culturelles

Par Lisa Carducci

Le 17 novembre, il faisait gris. Parfait pour moi qui me remets lentement d’une allergie au soleil. Je me suis donc aventurée à pied vers le Musée du hutong Shijia, à Dengshikou.

Ce hutong (ruelle) est l’un des plus longs et des mieux entretenus que je connaisse. À l’entrée, des roses d’automne nous sourient encore. Du côté opposé, un surplus de kakis qui n’ont pas été cueillis stimulent ma gourmandise. Mais ils sont trop haut perchés!

Des deux côtés, le hutong est bordé de maisons de type siheyuan, toutes en parfait état. Le terme siheyuan désigne une cour ou un enclos carré avec des maisons autour. Les pièces d’habitation sont sans étage. Plusieurs des entrées de maison sont flanquées de deux « monuments » de pierre, qu’on appelle mendun. Leurs détails démontraient le rang de la famille dans les temps anciens. Aujourd’hui, ce sont les voitures devant chaque porte qui montrent le statut!

On peut voir que ce hutong a été réaménagé : par exemple, les boîtes à air conditionné qui étaient suspendues comme-ci comme-ça, accrochant presque les passants à bicyclette, ont été standardisées en modèle eten hauteur, et sont maintenant toutes abritées dans des « cages » métalliques. Des bancs uniformes longent la rue, où la vie est présente ; nul besoin d’aller au parc, on peut prendre l’air et causer dans sa rue. La circulation est à sens unique et le stationnement est règlementé.

Près de l’entrée du Musée, une affiche résume cent ans d’histoire.

À l’intérieur, des décorations de brique, de pierre ou de ciment montrent le bon goût et l’art de vivre des gens du passé. Si l’on n’en fait plus aujourd’hui, il en reste toutefois des temps anciens. Le Musée du « faux » no 24 (autrefois 52) présente l’histoire de ce hutong où ont vécu de grands écrivains, artistes, médecins, pharmaciens, architectes, scientifiques et diplomates. Remarquable est l’histoire de Ling Shuhua, écrivaine et peintre; elle a grandi, y a vécu avec son mari Chen Yuan, célèbre pour son « débat » avec Lu Xun. Les deux hommes n’étaient pas des ennemis enragés, mais deux cerveaux à la recherche de la vérité. Ling Shuhua pour sa part correspondait en anglais avec Virginia Woolf. Après un long séjour à Londres, Ling est revenue mourir chez elle en 1990.

Les premiers hutongs de Beijing furent construits au XIII^e siècle, sous la dynastie des Yuan. Marco Polo s’en était émerveillé, mais il faut dire que tout l’étonnait hors de son patelin natal.Le hutong dont nous parlons relie trois siheyuan dont le mur écran a malheureusement été détruit en 1985. Maintenant, les nombreuses pièces communiquent toutes par divers corridors, et l’on sort sur trois cours. Un azerolier trois fois centenaire se porte encore bien, ainsi qu’un platane (ou faguowutong). La décoration intérieure est de style Qing.

Les lieux ont abrité le Théâtre Populaire de Beijing; puis, l’Académie Centrale (nationale) de Théâtre s’y installa. En 1908, l’école Tsinghua y fut fondée pour préparer cent élèves par année à aller poursuivre leurs études aux États-Unis, ce qui se produisit les trois années suivantes. Puis, le gouvernement des Qing alloua un terrain à la construction du campus de l’école Tsinghua pour les études étrangères.

Par ailleurs, l’école primaire Shijia fut fondée en 1939. Ses plus de 70 ans de formation des jeunes en ont fait l’une des meilleures écoles de la capitale. Son leitmotiv est de « servir les enfants et les préparer aux défis ». Aussi ses élèves ont-ils été souvent engagés dans des activités et délégations étrangères. Depuis 2012, un partenariat est en cours avec l’école Jeannine Manuel de France.

En 2011 le bâtiment du hutong Shijia de 1000 m² a été absorbé dans l’héritage architectural de Beijing. Son histoire intéressante et riche est expliquée derrière les diverses vitrines de huit salles thématiques. Le visiteur y trouvera bien d’autres surprises que l’espace m’empêche de mentionner.