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Le charme de l'artisanat traditionnel chinois : des pieds à la tête (Partie 1 )

French.china.org.cn | Mis à jour le 16. 02. 2017 | Mots clés : charme,artisanat,chinois

par Lisa Carducci

L'an dernier, je vous avais proposé, chers lecteurs, une visite du magasin Neiliansheng dans la rue Dashilan du quartier Qianmen. Nous y avions rencontré Xu Wenhao, un artisan de haut niveau quoique jeune encore, qui nous avait expliqué les diverses étapes de la confection de chaussure de coton faites à la main, semelles comprises. On utilise, pour coudre les semelles de 16 épaisseurs, du chanvre naturel qui, après avoir été trempé et roulé, devient presque inusable.

Crédit photo : Lisa Carducci

J'ai toujours été intéressée par les tissus, mais pas n'importe lesquels. J'aime le coton, le chanvre, le lin, la laine et la soie. Pourquoi ? Je me suis posé la question un jour, et j'ai découvert que seuls les tissus naturels me fascinaient.

Dans le domaine de la chaussure, j'ai aussi collectionné des sancun; ces deux mots se traduisent littéralement par « trois pouces ». Le pouce chinois, comme mesure de longueur, équivaut à 3,33 cm, ce qui veut dire que les chaussures qui portent ce nom mesurent environ 10 cm. Et pourtant, il ne s'agit pas de chaussures d'enfants, mais de femmes adultes.

Dans la Chine impériale du Xe siècle, la beauté des femmes était proportionnelle à la petitesse de leurs pieds. Afin d'empêcher les pieds des fillettes de grandir, on les bandait très serré dès l'âge de 4 ans, au maximum 9 ans. Mais bander les pieds ne suffisait pas. Pour arrêter complètement la croissance des pieds, on cassait les os des orteils et repliait ceux-ci sous l'arche du pied avant de serrer le bandage. Il en résultait des douleurs incommensurables, et aussi des infections qui détruisaient parfois la chair et les os, lesquels tombaient en morceaux putrides.

Les femmes aux pieds bandés ne pouvaient marcher, mais on croyait que cela importait peu, car elles étaient des nobles qui n'avaient pas besoin de travailler ! Puis la pratique se répandit dans le peuple, et les petits pieds – qu'on appelait lotus d'or (ou pieds de lys) – étaient vus comme une preuve de richesse. Plusieurs femmes bandaient elles-mêmes leurs pieds afin d'avoir une chance d'épouser un homme fortuné et de jouir d'une vie d'aisance.

Ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle que les derniers empereurs tentèrent de bannir cette pratique, qui ne cessa pas pour autant. En 1949, lors de la fondation de la République populaire de Chine, Mao Zedong interdit définitivement la mutilation des pieds. On estime à un milliard le nombre de femmes qui ont eu les pieds bandés pendant un millénaire d'histoire.

Au cours de mes premières années en Chine, au siècle dernier, j'ai connu de ces femmes. Ne pouvant marcher, elles passaient la journée assises à l'ombre. Je n'ai jamais osé en photographier; c'était trop terrible pour que j'aie le courage de leur demander la permission. Mais j'ai acheté dans un marché d'antiquités une paire de sancun pour me rappeler la cruauté humaine. Si certaines de ces femmes vivent encore aujourd'hui, elles doivent être fort peu nombreuses.

Crédit photo : Lisa Carducci

Il y a un autre type de chaussures que j'aimerais vous présenter : il s'agit de sandales de paille. Celles-ci, que j'ai rapportées d'un village du Zhejiang, tombent en ruine actuellement car la paille s'est desséchée. Mais le paysan qui les portait me disait qu'elles étaient inusables; quand on les porte, pour marcher même dans des flaques d'eau ou dans les rizières, la paille est constamment humidifiée et se conserve mieux.

De forme ovale, elles sont retenues par des fils de chanvre. Seul le talon est couvert. En resserrant les cordons autour de la cheville, on fait remonter la pointe antérieure. Le dessus du pied est à découvert. Je crois que seuls les hommes portent ce genre de sandales; du moins, je n'ai vu que des hommes en chausser.

Et pour terminer, voici quelques paires de semelles intérieures de ma collection.

Crédit photo : Lisa Carducci

Sur la photo, on remarque des lotus et des papillons sur la paire de gauche en bas, et le caractère « bonheur » (ici « double bonheur ») à droite. Ce caractère apparait sur toutes les décorations de mariage : papier découpé pour les fenêtres et portes, couvre-lit brodé pour les nouveaux époux, cartes de souhaits.

Ce genre de semelles, en laine (la paire de gauche en bas), ou en coton (les trois autres) brodées de soie, coton ou fibres synthétiques, sont très commodes pour resserrer une chaussure de bonne longueur mais trop large, ou encore pour augmenter la chaleur des souliers et bottes pendant les mois d'hiver. Elles rendent aussi la semelle plus souple pour les personnes qui marchent beaucoup.

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Source: french.china.org.cn

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