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Un voyage au Paradis

French.china.org.cn | Mis à jour le 25. 02. 2016 | Mots clés : voyage,Paradis,Yunnan

En 2006, puis en 2010, il m'avait fallu trois jours pour parvenir de Beijing à Cheni, le village de ma « première fille tibétaine » au Yunnan. Le 3 février cette année, je prenais un vol via Chengdu, et me retrouvais à Shangrila cinq heures plus tard. Shangrila (en tibétain Shambala ou endroit très beau), entretemps, a acquis le statut de ville du zhou de Diging, lui aussi monté en grade.

Le premier soir, j'ai donc été invitée à passer la nuit chez des amis. Le lendemain, nous nous sommes mis en route vers le comté où travaille et habite Gemar Yumtso, à cinq ou six heures de route. Dans cette petite localité au pied des sommets enneigés de Bai Ma Xueshan ou Monts enneigés du Cheval blanc, musulmans et lamaïstes vivent paisiblement côte à côte.

Comme un retour au patelin

Le surlendemain, nous partions vers le village natal de Gemar Yumtso, à 183 km plus au nord. La route a été pavée depuis ma visite précédente (2010); il ne reste plus que quelques kilomètres à parcourir sur un chemin de terre et cailloux. Aussi, une série non encore terminée de six ou sept tunnels, dans lesquels la vitesse est limitée à 40 km/h, permet d'abréger le trajet de 33 km. Ce n'est pas peu dire !

Tout au long des routes de cette région tibétaine, on trouve ces monticules formés de pierres ajoutées une à une par les passants. Chaque pierre de ces manidui représente un hommage ou implore une faveur du Ciel.

À l'approche de Cheni, j'ai senti mon cœur s'agiter comme s'il reconnaissait son « village natal » et mes yeux se sont remplis d'eau. Je me souvenais de tous les détails, les maisons de bois perchées sur ces cimes, au-delà des nuages, les maisons au toit de tôle bleue dans la vallée, et les vaches qui rentraient toutes seules en fin de journée.

Peu de choses avaient changé, sauf que la mère vit maintenant avec sa fille ainée, mariée dans un village au sommet de la montagne, et que le père semble avoir rajeuni de dix ans depuis qu'il ne fait plus de lourds travaux. Dans la maison familiale, qui m'a toujours si bien accueillie, j'ai passé trois nuits. Le dernier jour de l'année, le gundu, on consomme un ragout, ou une soupe, contenant neuf parties comestibles du porc : rognons, foie, langue, etc., ce que signifie le mot gundu.

Pendant que les adultes discutaient autour du feu, la petite Meimei âgée de neuf ans lisait 63 pages de mon livre China, its people and life. Le lendemain, elle devait me poser nombre de questions sur des phrases dont elle ignorait le sens. Rien de surprenant car ce livre s'adresse aux adultes. Mais les questions de Meimei n'étaient pas celles que j'aurais cru, mais « transport public », par exemple, car elle n'a jamais vu un autobus ou le métro, dans sa région perdue du bout du monde.

Chaque famille du voisinage qui apprenait ma visite venait me saluer et me faire cadeau de saucisses, de gâteaux, de fromage, de qingkejiu (alcool d'orge). Mais j'ai aussi reçu un chapelet de bois de santal, de l'encens venu directement du Tibet, et un bracelet fait d'une plante grimpante censée calmer les douleurs musculaires.

À l'ombre du mont sacré

Après seulement trois nuits passées dans ce village, nous nous mettions de nouveau en route pour vivre les trois jours suivants dans la belle-famille de Gemar Yumtso, à Sinong. Par le fait même, nous descendions d'une altitude de plus de 3000 m à 2500 m. Heureusement, je n'ai jamais souffert du mal des hauteurs. Cette famille a converti les champs en pente en vignes et produit même du vin rouge, une nouveauté dans la région, sans oublier le bon fromage frais (genre ricotta) produit presque quotidiennement.

À Xinong, nous nous trouvions à 20 km seulement du mont sacré des Tibétains, le plus sacré de tous, soit le Kawagebo, qui culmine à 6400 mètres et domine douze autres sommets. On dit de ce mont qu'il est né l'année de la Chèvre, et que les douze autres pics sont ses loyaux soldats. Or, l'an 2015 était une année de la Chèvre, et les pèlerins venus de partout ont été particulièrement nombreux; de longues bannières composées de petits drapeaux de cinq couleurs imprimés de soutras occupent tous les endroits disponibles le long de la montée.

À partir d'une esplanade de stationnement, on emprunte une voiture électrique qui nous emmène à 10 km plus haut. De là, on parcourt à pied dix autres kilomètres, moitié en sentiers de terre et cailloux, moitié en plateformes inclinées et en escaliers faits d'un matériau composite couleur de brique, et très glissant en descente. Puis on redescend à pied par le même trajet; 20 km d'exercice suffisent pour la journée !

J'ai été fort impressionnée par le grondement qu'ont produit trois avalanches consécutives pendant ma visite. J'aurais cru au tonnerre, simplement, si des habitués – tremblant de peur – ne m'avaient renseignée.

Diverses terrasses nous permettent d'admirer la « chute glacée » (bing quan), à des hauteurs diverses soit 1350 mètres, 2250, 2800, 2900, 3000, 3100 et 3200. À ces endroits se trouvent des temples, et des visions célestes. Les Tibétains du Yunnan et ceux de la région autonome du Tibet, tout juste de l'autre côté de la chaine de montagnes, font ce pèlerinage une fois l'an « au moins », m'a-t-on dit. On y vient à pied du Sichuan aussi. Ces pèlerins empruntent le « chemin long », qui requiert sept jours, avec des repères pour la nuit, et tout en sentiers de terre.

Le bouddhisme tibétain est entremêlé de superstition; par exemple, depuis deux ans, les fidèles déposent une pièce de vêtement qui leur permettra – disent-ils – d'être chaudement habillés dans l'au-delà; tandis que l'argent attaché aux arbres ou déposé par terre leur permettra d'habiter une grande maison.

En décembre dernier, les dirigeants du monde discutaient du réchauffement de la Terre à Paris, et s'engageaient à prendre des mesures pour protéger notre Planète. Laissez-moi vous dire combien j'ai été impressionnée d'entendre le jeune couple qui m'accompagnait me dire qu'en 2000, ou 2005, ou 2008, « tout ça », avec un geste de la main qui balayait le paysage, était couvert de glace.

Et maintenant, il ne reste que la pointe du sommet le plus haut – à 6400 mètres d'altitude, qui soit encore un glacier éternel. Quel malheur nous attend…

On dit aussi qu'il est extrêmement rare qu'on puisse voir le Kawagebo, toujours perdu dans la brume, et que celui qui a la chance de l'apercevoir jouira d'un grand bonheur. Eh bien, je l'ai vu deux fois quelques secondes le même jour, à peine le temps de le photographier avant que les nuages le recouvrent de nouveau.

Que sait-on du Tibet et des Tibétains ?

À l'étranger on est encore accroché à des idées périmées concernant le lamaïsme tibétain (une forme du bouddhisme), la vie des Tibétains et surtout la relation du gouvernement chinois avec ce peuple et cette région autonome.

Pourtant, il est très frappant et réjouissant de voir le développement accompli si rapidement ces dernières années. D'abord les routes, malgré la difficulté de construction dans ces rochers à pente très forte. Pour éviter la chute de rochers, les parois sont solidifiées ou tendues de filets qui retiennent les débris dangereux.

De ces sommets escarpés, il est impossible de tracer une route qui descende en ligne droite. Aussi, 10 km à vol d'oiseau en représentent-ils plusieurs dizaines de parcours réel. Partout on observe ces zigzags dessinés dans les montagnes.

Ensuite, l'électrification est partout maintenant. L'eau potable vient encore directement des hauts sommets; de plus, le haut taux d'ensoleillement permet à chaque foyer de jouir d'eau chaude grâce à un système d'exposition sur les toits.

Enfin, tout le monde a de quoi se nourrir convenablement. On achète peu; on produit pour ses besoins familiaux. Et bien que la haute altitude ne permette pas toutes les cultures (par exemple le maïs vient très bien à 2000 m mais pas plus haut), on échange ses choux contre des légumineuses. La plupart des aliments consommés sont produits par ceux qui les consomment eux-mêmes : viandes (bœuf, porc, poulet), huile de noix, miel, alcool, céréales (même le riz maintenant), navets, choux, pommes de terre. Les fruits, encore inconnus il y a quelques années, sont devenus un cadeau attendu des enfants qui retournent passer le Nouvel An dans la famille; j'ai vu et gouté cette année des grenades, des pitayas (fruits du dragon), des kiwis, des oranges.

Les communications ont développé leur réseau. Si l'ordinateur n'est pas encore partout, l'internet via le téléphone cellulaire atteint tout le monde, y compris les enfants.

Quant à l'éducation, elle a fait un bond spectaculaire ces dernières années. Lors de ma visite de 2010, très peu d'enfants fréquentaient l'école même si obligatoire et gratuite, et ceux qui la fréquentaient n'apprenaient rien. Aujourd'hui, seulement six ans plus tard, les jeunes de toutes les familles que je connais sont pensionnaires dans les bourgs et petites villes dès le jardin d'enfants. Les parents ou grands-parents partent aussi s'installer en ville pour prendre soin d'eux. Bien entendu, l'idéal serait que chaque village ait ses écoles de tous les niveaux, mais le nombre d'élèves ne le justifierait pas et le nombre d'enseignants ne répondrait pas aux besoins.

Une chose demeure, et c'est ce que j'appelle le « bleu tibétain ». Le ciel est toujours aussi pur, et les Tibétains toujours aussi simples et modestes. Ils se contentent de peu et vivent selon leurs moyens. Il suffit d'un couple de salariés pour répondre aux besoins matériels des deux familles. Car on achète peu, presque tout étant produit sur place.

Certains jouissent de maisons de bois traditionnelles très vastes – où il n'y a cependant pas de véritable salle de bain parce qu'on ne la trouve pas nécessaire. D'autres possèdent un frigo parce qu'on le leur a donné, mais qui ne constitue pas vraiment un besoin, les aliments étant consommés frais ou séchés pour entreposage. On se chauffe et cuisine encore au poêle à bois en fonte. Les Tibétains sont en général calmes et souriants; ils ne prétendent rien, ne crient jamais, et sont simplement heureux de vivre.

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Source: french.china.org.cn

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