Mes amis les loups
Gendengjiap, Mongol
C'est le hasard qui m'a fait rencontrer Gendengjiap, âgé de 38 ans, un Mongol du district de Hejing dans le département autonome mongol de Bayangol, et qui plus est, autrefois élève de Lindai à peine plus âgé que lui. Mais Gendengjiap m'explique qu'il ne peint plus. Après treize ans de métier, il s'est mis à faire du commerce et à pratiquer la bienfaisance. Sa nouvelle spécialité consiste à fabriquer des objets de corne de chèvre, de yack et de gazelle tibétaine. Qu'on se rassure, il ne tue aucun animal mais ramasse les restes d'animaux morts dans la montagne que des gens lui apportent.
Il y a aussi les loups qui justement m'ont attirée dans la boutique de Gendengjiap nouvellement ouverte. Me promenant dans la rue piétonnière de Hejing ouverte il y a environ deux ans, j'ai aperçu les trois superbes bêtes en matière synthétique revêtues de la peau de loups véritables. Les dents de deux d'entre eux sont réelles. Les yeux ? On le croirait. Ce n'est pas d'hier que j'admire cet animal intelligent, social et tellement méconnu, décrié en raison de préjugés et d'ignorance. Prenant la défense du loup, j'ai écrit un conte pour enfants – non interdit aux adultes ! – où une louve demande l'aide d'une chèvre et ces ennemies jurées deviennent finalement de bonnes amies. Chèvres et Loups, publié chez Hurtubise au Canada, a ensuite été tourné en dessins animés par la Télévision centrale de Chine. Par ailleurs je viens d'achever la traduction du Totem du Loup de Jiang Rong. Je voulais me procurer à tout prix un objet qui rapproche le loup de moi, en l'occurrence une dent. J'ai fait mon choix, et la dent a fini par m'être offerte gracieusement par Gendengjiap.
Dans la boutique, j'observe des crânes de chèvres, une tête de yack et plusieurs tableaux faits de pièces de corne de teintes variées, dont un a remporté un prix national. Ils se vendent environ 800 yuans (80 euros ou 100 dollars), et plaisent aux touristes mais sont difficilement transportables. Gendengjiap est bien placé pour le savoir puisqu'il est directeur du Bureau de tourisme local. Chaque soir, après ses heures de bureau, il travaille jusqu'à minuit. Il esquisse les plans des tableaux à réaliser et prépare la tâche du lendemain pour les ouvriers.
Actuellement, Gendengjiap a six employés, tous des garçons, qui travaillent pour lui depuis six mois ou trois ans. Le plus jeune a seize ans et vient de commencer après l'obtention de son diplôme d'études secondaires. Tous sont des diplômés qui n'ont pas trouvé d'emploi dans leur spécialité. Ils apprennent le métier en plus ou moins de temps selon leurs aptitudes personnelles. Les uns se forment en six mois, d'autres requièrent un an de pratique. Ces ouvriers travaillent huit heures par jour, soit de 10 h à 13 h 30 et de 17 à 21 ou 22 h. C'est un horaire normal au Xinjiang où il fait très chaud l'été et où l'on suit l'heure de Beijing, qui toutefois ne correspond pas à la réalité locale. Le décalage est de deux heures.