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La porte du destin
Jiang'er•Rehati, Kazakhe

De 2001 à 2004, le taux de mortalité des accouchées et des nouveau-nés à Fuhai a été de zéro. En 2005 et 2006, il n'y a eu qu'un décès par année : des mères dont le cœur a lâché. Cette admirable performance est due à l'amélioration des soins de santé maternels et à une grande campagne pour promouvoir les soins périnatals au moyen de la gestion de la grossesse par des dossiers individuels, d'examens prénatals, de l'accouchement à l'hôpital, des visites postnatales, sans oublier les efforts de Jiang'er dont le travail est apprécié par diverses marques de reconnaissance. Par exemple, en 2006, elle a été l'une des dix femmes d'élite (San Ba Hongqi Shou) du pays. Déjà en 1995, elle avait été choisie comme « Travailleur modèle », honneur récompensé par un séjour dans la capitale nationale. Elle garde un souvenir indélébile de sa rencontre avec Hu Jintao, le président actuel de la Chine, et c'est d'ailleurs cet événement qu'elle m'a cité quand je lui ai demandé quel avait été le plus grand bonheur de sa vie.

Nous comparons les traditions qui entourent la naissance chez les Kazakhs et les Italiens. « Autrefois, les familles préféraient les garçons, mais maintenant la société a évolué. On préfère même ne pas avoir trop de fils et avoir aussi des filles, car si on a trop de garçons, on ne pourra les marier tous. Un mariage coute cher. Fournir une maison au jeune couple est la responsabilité de la famille du mari, en plus de devoir donner des cadeaux à chaque membre de la famille de sa femme : grands-parents, parents, oncles et tantes, cousins, frères et sœurs. »

Des garçons que Jiang'er a aidés à naitre viennent encore lui rendre visite aujourd'hui et lui demander d'accoucher leur femme ; on l'appelle en kazakh « mère qui coupe le cordon ombilical ». En Italie aussi la levatrice est une personne très importante ; elle fait partie de la famille en quelque sorte. Mais contrairement aux Italiens et aux Chinois han, chez les musulmans, seule la mère peut allaiter son bébé ; il n'existe donc pas de « mère de lait ».

Nous sortons voir le jardin que je lorgne depuis un moment par la fenêtre. Le mari de Jiang'er nous accompagne ; il me montre les abricotiers, m'indique laquelle de ses vignes donne le meilleur raisin. Voyant les fleurs de courgettes, je demande à Jiang'er comment elle les apprête. Elle n'a jamais entendu dire que les fleurs étaient comestibles. Alors, je lui explique comment préparer ce mets italien exquis.

Quand elle a congé, Jiang'er s'occupe de la maison, rend visite à des parents et amis, et regarde un peu la télé mais seulement les émissions d'actualité. Elle n'a pas mentionné la lecture avant que je la lui suggère. Lorsque je montre un intérêt pour les cailloux qui se trouvent sur le bord de la fenêtre ainsi que des plantes, Jiang'er s'illumine : elle les collectionne. Quant au sport, il n'appartient pas à ses intérêts. Au cours de la promenade que nous ferons l'après-midi au lac – que dis-je ! – à la mer Ulungur , elle me dira qu'elle a déjà tricoté mais a cessé depuis longtemps. En percevant les effluves de poisson rôti en plein air, elle ajoute qu'elle aime bien cuisiner. Tout à coup, elle s'arrête à un kiosque de souvenirs pour choisir un pendentif en jadéite monté sur un fil de soie rouge, à la façon chinoise. « Pour que vous n'oubliiez pas Fuhai », dira-t-elle en me le passant au cou.

Jiang'er ne parle que kazakh et chinois. Elle n'est jamais sortie du pays. « N'avez-vous jamais songé à visiter le Kazakhstan? Ne le considérez-vous pas comme le pays de vos ancêtres ? » Elle rit et répond après une brève réflexion : « Je n'ai jamais pensé à cela. Je suis chinoise. » Elle n'a fait qu'un voyage digne de ce nom à l'intérieur du pays : « En 2006, j'ai été invitée par le ministère de la Santé à participer à un voyage de deux mois. Nous avons visité Beijing, Shanghai, le Ningxia, etc. »

Femme discrète et généreuse, Jiang'er, en apprenant que je restais dans ma chambre d'hôtel sans diner afin de travailler toute la soirée, viendra me livrer une portion « familiale » de pêches, bananes et prunes. Si vous voyez des taches sur cette page, Lecteurs, c'est sans doute du jus de fruit !

*L'orthographe rectifiée (1990) s'applique dans ce texte.

(Extrait modifié de Ces gens merveilleux du Xinjiang, Beijing, FLP, 2008.)

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