Lisa Carducci
Vous ne pouvez même pas imaginer ce qu'on voit et entend ici! Il est 23 h, une heure avant le début de la nouvelle année, mais les pétards et feux d'artifices ont commencé dès la tombée du jour. C'est partout à la fois! Il faut tripler le volume de la télé si on veut entendre.
Oui, les pétards avaient été interdits à Beijing à la fin de 1993, mais la tradition a été plus forte que la loi, et peu à peu, on a dû aménager des zones de permission, de plus en plus nombreuses et vastes chaque année, sauf au centre-ville. Dans ma banlieue ici (lire campagne), où nous sommes entourés de champs, on s'en donne à coeur joie.
Je viens de lire cependant que 50 % des pièces pyrotechniques ne répondent pas aux critères de sécurité. Il y a des accidents chaque année, dans les usines de fabrication comme chez les usagers. Dommage!
Les pétards chinois sont autre chose que ceux que j'ai connus dans les pays occidentaux. La variété est immense. Il en existe de petits, à mèche, reliés entre eux par une ficelle et qui se vendent par 100 ou 500. On les accroche aux arbres ou au bout d'un bâton. Il y a aussi de petites bombes qui explosent d'un seul coup, une détonation très surprenante, ou encore des boîtes de seize gros pétards qui s'allument entre eux une fois qu'on a mis le feu au premier et posé le paquet par terre. Ce sont les plus assourdissants; ils produisent plus de bruit que de feu. On trouve également des fusées qui montent haut dans le ciel en sifflant. D'autres nagent en zigzaguant comme des spermatozoïdes à la recherche d'un ovule céleste. D'autres encore partent comme des flèches, dégageant son et fleurs de feu. D'un tube de 50 cm, on peut voir fuser une vingtaine d'éclosions, les unes très jolies, d'autres sans prétention, à intervalle d'une seconde. Il y a encore les spirales volantes, qui semblent des serpents fluorescents, et des boîtes cylindriques en forme de gros boudin d'où s'échappent dans toutes les directions des milliers d'étincelles très brillantes. Quand tout cela éclate en même temps, la nuit est aussi claire que le jour.
Le dernier quart d'heure avant minuit, je ne sais plus où regarder! Je passe des fenêtres du sud à celles du nord. Les feux d'artifice montent de tous les coins. Les pétards pétaradent; clapotis, sifflements, cliquetis, explosions. On dirait la guerre! Les sirènes antivol des voitures, automatiquement déclenchées, sont de la partie. Et même mes oiseaux se demandent ce qui se passe. Ils crient à qui mieux mieux, excités. En ce moment, c'est comme s'il grêlait des oeufs sur le toit. Couleur et bruit. Couleurs et bruits. Pouf! Paf! Clac! Boum! Je retourne voir de près, du 6e étage. Avec des champs à perte de vue, j'occupe la meilleure loge. Le temps avance, il reste deux minutes. L'intensité croit encore!
Rappelez-vous le plus beau feu d'artifice que vous ayez vu. Maintenant, imaginez-le cinq fois plus beau et plus gros. Dix fois. Vingt-cinq fois! D'une unique fenêtre, je viens de compter vingt-quatre foyers de lancement. Je vous le dis, il faut le voir pour le croire!
Jusqu'à minuit quinze, il en sera ainsi. Ensuite, cela va décliner peu à peu. Demain, toute la fumée sera évanouie. Il restera une couche de papier rouge au sol pour nous prouver que ce n'était pas un rêve. Rien qu'ici, à Shunyi, je me demande combien de millions de yuans ont été dépensés en pétards. Eh oui, pollution, gaspillage ! Cette année les feux d'artifice sont plus nombreux que les pétards. De nouvelles couleurs. Mon préféré: le violet et vert pomme. Et comme forme, celui qui fuse droit au ciel, s'ouvre comme un parapluie et retombe lentement en étincelles.
Tant pis si les Chinois ont commencé à fêter Noël, en autant qu'ils n'abandonnent pas leur propre culture ! |