En 1986, quand la journaliste du magazine Le Point Caroline Puel est arrivée en Chine pour la première fois, le premier concours de certification d'avocat était organisé à Beijing. Les candidats avaient alors seulement 21 lois écrites à réviser. Fin 2010, la Chine avait promulgué 236 lois, plus de 690 règlements administratifs et plus de 8 600 règlements locaux.
« Un système juridique socialiste aux caractéristiques chinoises a été établi selon le calendrier prévu », a annoncé le 10 mars Wu Bangguo, président du Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale (APN). « Ce système juridique est basé sur la situation et la réalité de la Chine, et il répond aux demandes de la réforme, de l'ouverture et de la modernisation socialistes, tout en représentant la volonté du Parti et du peuple ».
Forte d'une expérience directe de vingt-cinq ans en Chine, Mme Puel s'est penchée à plusieurs reprises sur le système juridique. « J'ai couvert plusieurs fois les deux sessions en Chine. L'APN discute beaucoup de questions légales, ce qui est évidemment une bonne chose. Il faut bien sûr aller vers davantage de lois, plus précises et adaptées aux nouveaux problèmes qui se posent en Chine », a-t-elle déclaré lors d'une interview accordée à China.org.
Parmi les lois promulguées et appliquées en Chine, Mme Puel donne une importance particulière à la Loi sur la propriété. Dans son nouveau livre « 1980-2010, les trente ans qui ont changé la Chine », la mise en vigueur de cette loi a été choisie comme l'un des grands évènements de l'année 2007. « Jamais un texte législatif n'avait été aussi longuement étudié (plus de quatorze ans) et amendé (en sept lectures). C'est très symbolique, car la légalisation de la propriété privée est une remise en question de l'un des fondements du régime communiste », explique-t-elle.
Elle partage l'opinion de M. Wu lorsqu'il affirme dans son rapport qu'« assurer que les lois soient bien observées et strictement appliquées, et que les contrevenants à la loi soient poursuivis en justice, est devenu une tâche évidente et urgente ».
« Écrire des lois pour éviter les dérives est une bonne chose, mais le problème reste l'application », indique néanmoins Mme Puel. Elle souligne qu'il est important pour un pays de créer un environnement favorable à une justice qui ne soit pas corrompue ou corruptible, et qui rende des décisions fidèles aux textes de loi.
« Les gens sont davantage à même d'accepter des périodes de difficulté – chômage, inflation, etc. – s'ils ont le sentiment que la justice est impartiale. Mais lorsque les décisions ne sont prises que dans l'intérêt de personnalités locales, cela peut engendrer de graves soulèvements. […] Il est crucial pour la Chine de mettre en place un système légal valable, à la fois dans les textes et dans son application ».
La lutte contre la corruption de la justice est un problème épineux. « Il faut d'abord que les juges soient bien payés – on résiste mieux à la tentation si l'on reçoit un bon salaire – et qu'il y ait des recours pour s'assurer que les décisions sont normales et naturelles », conclut-elle.
Contexte :
Caroline Puel est la correspondante du Point en Chine. Au cours des vingt-cinq années qui viennent de s'écouler, elle a vécu en Chine comme étudiante, diplomate, écrivain et journaliste. Mme Puel est notamment spécialiste des politiques sociales du pays. Son dernier ouvrage, intitulé « 1980-2010, les trente ans qui ont changé la Chine » a été publié en janvier 2011.
En mai 1997, le président français Jacques Chirac lui a remis la médaille du prix Albert-Londres à l'occasion de sa première visite en Chine après sa prise de fonctions.
Le Point est un hebdomadaire renommé en France, qui a ouvert son bureau à Beijing en 1995. Il a sorti quatre éditions spéciales sur la Chine en 1996, 2001, 2005 et 2009, pour présenter différents aspects du pays au public français.