Le sommet pour la paix dans l'est de la RDC annulé, tensions exacerbées sur le terrain (PAPIER GENERAL)
Le sommet de la paix prévu dimanche pour résoudre les conflits dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) a été annulé à la dernière minute, alors que les affrontements se poursuivent, alarmants, entre forces armées et rebelles, malgré un cessez-le-feu fragile.
ACCORD DE PAIX AVORTE
Le président angolais Joao Lourenço devait accueillir dimanche à Luanda le président congolais Félix Tshisekedi et le président rwandais Paul Kagame pour signer un accord visant à apaiser les tensions dans l'est de la RDC.
Ce sommet s'inscrivait dans le cadre du "processus de Luanda", une initiative de paix lancée en 2022 et soutenue par l'Union africaine, visant à accélérer les efforts de stabilisation régionale.
M. Tshisekedi est arrivé dimanche matin à Luanda pour le sommet, où il a rencontré M. Lourenço ainsi que l'ancien président kényan Uhuru Kenyatta, médiateur du "processus de Nairobi", un mécanisme parallèle conduit par la Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE).
Cependant, M. Kagame n'a pas embarqué pour Luanda et s'est retiré du sommet.
"L'accord était négocié à 99%", a déclaré Tete Antonio, ministre angolais des Affaires étrangères, après l'annulation de dernière minute. "Une des parties a demandé le report du sommet jusqu'à ce qu'un langage commun soit trouvé".
BLOCAGE DES NEGOCIATIONS
L'avortement de cet accord de paix découle d'un blocage dans les négociations, la RDC et le Rwanda ayant présenté des versions divergentes de la situation.
Selon le ministère rwandais des Affaires étrangères, la réunion ministérielle de samedi à Luanda n'a pas permis de parvenir à un consensus concernant l'engagement à un dialogue direct entre Kinshasa et le groupe rebelle du Mouvement du 23 mars (M23).
"La RDC avait accepté le principe d'un dialogue avec le M23, avant de surprendre par un refus à la veille du sommet", a noté Olivier Nduhungirehe, ministre des Affaires étrangères du Rwanda.
L'est de la RDC reste instable en raison des avancées du M23, qui contrôle de vastes territoires. Le gouvernement congolais accuse le Rwanda de soutenir militairement le M23. Le Rwanda, tout en niant tout lien avec le M23, accuse les forces armées de la RDC de collaborer avec les forces rebelles rwandaises des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont les membres sont tenus responsables du génocide de 1994 au Rwanda.
Selon Kinshasa, la réunion ministérielle s'est terminée dans une "impasse" après que le Rwanda a imposé une condition de dernière minute, exigeant un dialogue direct avec le M23 avant la signature de tout accord.
"Si le groupe M23 veut avoir un espoir en terme d'une possibilité d'exprimer ses griefs et ses préoccupations, cela se fera uniquement dans le cadre du processus de Nairobi", a déclaré dimanche soir la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner.
TENSIONS EXACERBEES
Dimanche, jour où devait se tenir le sommet de la paix, les rebelles du M23 ont pris, selon les médias locaux, le contrôle de Matembe, une localité stratégique du territoire de Lubero dans la province du Nord-Kivu (est). Cette avancée menace d'une progression vers les provinces voisines d'Ituri et de Tshopo.
Un accord de cessez-le-feu avait été instauré le 4 août dans le cadre du processus de paix de Luanda. Cependant, les affrontements entre l'armée congolaise et le M23 se sont intensifiés depuis fin octobre. Le M23, qui n'a pas signé l'accord, continue d'étendre son contrôle territorial.
Le M23 "a consolidé son occupation civile et militaire au Nord-Kivu. Aujourd'hui, il contrôle un espace deux fois plus grand que celui occupé en 2012", s'est alarmée lundi dernier Bintou Keïta, représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies pour la RDC, devant le Conseil de sécurité de l'ONU.
Le M23, créé à la suite de la guerre du Kivu, est un groupe d'anciens rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) réintégrés dans l'armée nationale à la suite d'un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec le gouvernement de Kinshasa.
Lors de son discours sur l'état de la nation mercredi dernier devant les deux chambres du Parlement, le président congolais Félix Tshisekedi a dénoncé l'occupation de plusieurs agglomérations par les rebelles du M23, laquelle a occasionné un déplacement de millions de personnes suite aux hostilités en cours dans cette partie du pays.
Selon les Nations Unies, près de 6,4 millions de personnes sont actuellement déplacées en raison de conflits armés et de catastrophes naturelles en RDC.