share
Envoyer [A A]

D’un cycle fécond l’autre : Un tournant dans les relations sino-françaises

French.china.org.cn | Mis à jour le 05. 12. 2024 | Mots clés : relations sino-françaises
french.china.org.cn | 05. 12. 2024

Les célébrations du 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France ont émaillé toute l’année 2024. Il serait futile de dresser une liste exhaustive des manifestations et forums à tous les niveaux qui depuis fin 2023 ont rythmé la fin de ce cycle sexagésimal si symbolique. Alors que s’estompent les flonflons médiatiques et que les relations bilatérales vont reprendre leur ronron quotidien, certains indices laissent à penser qu’un tournant décisif a été pris quant à la nature du couple sino-français.  

De la visite d’Etat en France du président chinois Xi Jinping du 5 au 7 mai à l’inauguration du pavillon France de la Foire internationale d’importation de Chine par Sophie Primas, la ministre déléguée au Commerce extérieur et aux Français de l’étranger, le 5 novembre à Shanghai, en passant par les expositions, conférences et concerts dans toute la Chine à l’occasion du festival Croisements, l’année a été marquée par la réaffirmation de l’engagement initial formulé il y a 60 ans par le général de Gaulle, qui évoquait « le poids de l’évidence et de la raison ». Dans une tribune publiée dans le Figaro à son arrivée en France, le Président Xi Jinping avait d’ailleurs assuré que la Chine travaillerait avec la France « à faire rayonner l’esprit présidant à l’établissement de leurs relations diplomatiques pour valoriser les acquis et bâtir l’avenir des relations sino-françaises. »

La valorisation des acquis est chose facile et est inscrite pourrait-on dire dans les gènes de la relation bilatérale, notamment sur le plan des échanges culturels et des partenariats de grandes entreprises. Bâtir l’avenir nécessite une vision et une stratégie qui passent évidemment par la coopération et le dialogue d’Etat à Etat, par les investissements sur nos marchés respectifs, mais aussi par les échanges entre les personnes dans les domaines académiques, scientifiques, sportifs et artistiques, ou par le biais de jumelages. C’est sur ce dernier point que M. Xi a particulièrement insisté lors de sa visite d’Etat en mettant l’accent sur une diplomatie de proximité qui privilégie les contacts et les interactions entre Chinois et Français. La manifestation la plus visible de cette volonté affichée du président chinois a été de reconduire l’exemption de visa jusqu’à fin 2025. Cette mesure était entrée en vigueur le 1er décembre 2023 à titre expérimental, avec une exemption sur une période d’un an accordée notamment aux ressortissants français pour un séjour n’excédant pas 15 jours. Pareillement, Matignon avait annoncé que les demandes de visas de tourisme et de court séjour d’affaires des ressortissants chinois seraient facilitées ; de même, la saisie et le traitement des demandes de visas des groupes de touristes chinois sur la plateforme France-Visas à compter du premier semestre 2025.

La compréhension mutuelle et le dialogue des civilisations ont également été un thème récurrent en cette année 2024. La relation sino-française reste profondément ancrée dans l’histoire, du XVIIe siècle à l’époque moderne. L’exposition « La Cité interdite et le château de Versailles - Les échanges entre la Chine et la France aux XVIIe et XVIIIe siècles » qui s’est déroulée du 1er avril au 30 juin 2024 à la Cité interdite à Beijing a été l’un des moments phares de l’Année franco-chinoise du tourisme culturel. Mais l’histoire des interactions entre la Chine et la France se prépare aussi aujourd’hui, au niveau individuel. Nombre de Français s’installent en Chine sur le long terme pour y travailler, fonder un foyer ou prendre leur retraite. Depuis le 1er décembre 2023, la Chine a facilité les demandes d’obtention de carte de résident permanent, ou « carte cinq étoiles », une mesure appréciée des expatriés qui permet d’ancrer plus profondément et dans la durée les liens qui unissent les deux pays. 

Reste néanmoins à remédier à certains déséquilibres en matière d’étudiants internationaux. Avec en moyenne 25 à 30 mille étudiants chinois en France depuis quelques années, la Chine est le 3e pays d’origine des étudiants de nationalité étrangère inscrits en France. Le contingent d’étudiants français en Chine reste néanmoins faible comparativement. Lors de sa visite en France, le président Xi a annoncé que la Chine souhaitait porter à plus de 10 mille le nombre d'étudiants français en Chine au cours des trois prochaines années et doubler l’ampleur des échanges de jeunes européens dans le pays. Un engagement d’autant plus facile à tenir que la Chine fait désormais figure de leader dans les secteurs émergents et la haute technologie. Les nombreux pôles de croissance du pays dans le domaine des « nouvelles forces productives de qualité » offrent des opportunités de développement personnel et professionnel sans précédent aux jeunes Français. 

Le nouveau cycle sexagésimal qui s’ouvre sera ainsi différent du précédent. Fini la relation de « maître à élève » de la France à l’égard de la Chine qui prévalait depuis la réforme et l’ouverture, avec les transferts de technologie et les gros contrats industriels et commerciaux. Fini aussi, du moins en net retrait, la diplomatie « à l’ancienne », celle de la lenteur, qui concernait le plus souvent les visites de larges délégations commerciales, les rencontres de haut niveau et les expositions au long cours. Avec l’ère digitale et la globalisation, les relations sont aussi entrées dans l’ère de la vitesse, du « ici et maintenant », ce qui facilite les contacts et les interactions sur le terrain, sans intermédiaire ni barrière. Tout devient alors possible. 

L’année 2024 restera marquée par cette nouvelle trajectoire, qui répond aussi aux nouveaux impératifs de la Chine en matière de réforme et d’ouverture plus poussée et plus profonde. Maintenant que l’impulsion a été donnée, reste à l’alimenter en lui fournissant la dynamique nécessaire. C’est sans doute le prochain défi pour les relations bilatérales. Les grands bouleversements géopolitiques qui s’annoncent, la tentation protectionniste et la prise de mesures unilatérales peuvent freiner le rythme des avancées, voire inverser la trajectoire. L’histoire moderne montre qu’un événement anodin, des malentendus ou des différends qui persistent, peuvent réduire à néant des années d’effort. 

Mais le général de Gaulle avait ce qu’il appelait une « intuition ». Avec l’établissement des relations diplomatiques en 1964, il estimait possible de faire prospérer « ce qui pourra y avoir de fécond dans les rapports entre les deux peuples ». Soixante ans plus tard, cette intuition s’est vérifiée. Le passage d’un cycle à l’autre devra tirer parti de cette fécondité pour tenir ses promesses.  

Par Jacques Fourrier (L’auteur est un journaliste et commentateur français basé à Beijing depuis les années 1990)


Suivez China.org.cn sur Twitter et Facebook pour rejoindre la conversation.
Source:french.china.org.cn