Vers un nouveau cycle de relations Chine-France

Dans la culture traditionnelle chinoise, le 60e anniversaire est un événement marquant. Le cycle sexagésimal combine en effet les 10 tiges célestes et les 12 rameaux terrestres, permettant d’obtenir 60 combinaisons possibles. Alors que la Chine et la France s’apprêtent à célébrer le 60e anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques l’an prochain, l’année 2023 clôture en beauté ce cycle et les célébrations s’annoncent sous les meilleurs auspices. 

Dès le 15 février, la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Catherine Colonna avait reçu Wang Yi, conseiller des affaires d’Etat et directeur du bureau de la Commission centrale des Affaires étrangères du Parti communiste chinois. Faisant suite à l’entretien entre le président chinois Xi Jinping et son homologue français Emmanuel Macron en marge du sommet du G20 à Bali en novembre 2022, Mme Colonna et M. Wang ont souligné l’importance de relancer la relation bilatérale dans tous les domaines, en particulier sur le plan des échanges humains. Ils ont également exprimé leur volonté de continuer à œuvrer conjointement en faveur du développement durable, de la protection de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique. Mme Colonna a salué l’adoption de l’ambitieux cadre mondial pour la biodiversité lors de la COP15, sous présidence chinoise. La ministre a réitéré le soutien français à la pleine mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de l’Appel de Beijing sur la protection de la biodiversité et le changement climatique, lancé le 6 novembre 2019 par MM. Xi et Macron.

Le point d’orgue de 2023 a été la visite en Chine de M. Macron du 5 au 8 avril en compagnie de la présidente de la Commission européenne Ursula van der Leyen, avec des étapes à Beijing et à Guangzhou. Peu avant, M. Macron avait accordé une interview au quotidien français Les Echos et il avait souligné son attachement à l’autonomie stratégique de l’Europe. « L’autonomie stratégique doit être le combat de l’Europe. Nous ne voulons pas dépendre des autres sur les sujets critiques. Le jour où vous n’avez plus le choix sur l'énergie, sur la manière de se défendre, sur les réseaux sociaux, sur l’intelligence artificielle parce qu’on n’a plus l’infrastructure sur ces sujets, vous sortez de l’histoire pour un moment », avait-il remarqué. Sur la question de Taiwan, il avait rejeté l’attitude suiviste. « La question qui nous est posée à nous Européens est la suivante : avons-nous intérêt à une accélération sur le sujet de Taïwan ? Non. La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet… Nous Européens, nous devons nous réveiller », avait-il précisé. 

Durant sa visite, M. Macron a ainsi voulu relancer la dynamique des relations franco-chinoises et donner une nouvelle impulsion à la coopération entre les deux pays face aux enjeux globaux de lutte contre le réchauffement climatique et de préservation de la biodiversité, pour lesquels un engagement fort de la Chine est indispensable compte tenu de l’impact de son développement mondial. Il a également voulu défendre les intérêts des entreprises françaises. Il est allé à la rencontre de ceux en Chine, qui par leurs projets éducatifs, artistiques, culturels, scientifiques, se tournent vers la France et l’Europe.

Dans leur déclaration conjointe en 51 points le 7 avril, MM. Xi et Macron ont convenu renforcer le dialogue politique et promouvoir la confiance politique mutuelle, de promouvoir ensemble la sécurité et la stabilité dans le monde, de stimuler les échanges économiques, de relancer les échanges humains et culturels, et de répondre conjointement aux défis planétaires. Sur ce dernier sujet, la déclaration conjointe consacre d’ailleurs à elle seule 18 points, un record !

Cette visite a eu un fort impact et a permis à M. Macron d’obtenir le soutien de la Chine au Sommet pour un nouveau pacte financier mondial à Paris. Lors de sa visite en France et en Allemagne du 18 au 23 juin, le premier ministre chinois Li Qiang a d’ailleurs assisté les 22 et 23 juin à ce sommet, en présence des représentants d’une centaine de pays. 

Autre occasion d’interaction positive et bénéfique entre les deux chefs d’État, leur entretien téléphonique le 20 novembre. Les deux chefs d’Etat ont confirmé leur volonté de travailler étroitement en vue de la COP28 de Dubaï. Alors que la Chine accorde de plus en plus d’importance à la diplomatie parallèle et à la paradiplomatie, les deux pays vont par ailleurs accélérer les échanges touristiques et universitaires dans le cadre du dialogue de haut niveau sur les échanges humains. La perspective du 60e anniversaire des relations diplomatiques va évidemment leur donner un coup de fouet salutaire. 

Cette impulsion renouvelée, c’est d’ailleurs ce qui a été de nouveau noté lors de la nouvelle rencontre de Catherine Colonna avec son homologue Wang Yi à Beijing le 24 novembre pour coprésider la 6e réunion du mécanisme de dialogue de haut niveau Chine-France sur les échanges entre les peuples. 

L’année 2024 verra ainsi une ouverture mutuelle plus conséquente. La Chine souhaite par exemple faire du mécanisme « des fermes françaises aux tables chinoises » un point culminant de la coopération bilatérale. Alors que la Chine continue de promouvoir un développement de haute qualité et une ouverture de haut niveau, elle est prête à offrir davantage d’opportunités aux entreprises françaises intéressées par le marché chinois. Actuellement, la France est le troisième partenaire commercial de la Chine et la troisième source d’investissements réels dans l’UE. La Chine est le premier partenaire commercial de la France en Asie et le septième dans le monde. Au cours des 60 dernières années, le volume annuel du commerce sino-français a été multiplié par plus de 800, passant de seulement 100 millions de dollars environ en 1964 à 81,2 milliards de dollars l’année dernière, selon le ministère chinois des Affaires étrangères. Ces échanges se maintiennent dans les secteurs traditionnels forts, notamment l’énergie nucléaire civile et l’aéronautique, et sont appelés à se développer dans les secteurs émergents tels que l’éducation, la recherche scientifique, la transition énergétique et le développement durable. De même, les deux pays exploreront le potentiel de coopération en marchés tiers et feront progresser la coopération de haute qualité dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et de la Route ».

A noter qu’à la veille de la COP28, les deux pays ont saisi l’occasion de montrer leur détermination. Catherine Colonna et Wang Yi ont ainsi inauguré le Centre de neutralité carbone Chine-France à Beijing, un message fort qui reflète la volonté des deux pays de renforcer la coopération en matière de technologies vertes et de répondre conjointement au changement climatique.

Comme l’avait fait savoir en 1965 le général de Gaulle au premier ministre chinois de l’époque Zhou Enlai, il ne faut pas « s’en tenir au plan diplomatique, mais au contraire passer au plan des rapports de peuple à peuple » car « il faut d’abord que les peuples se connaissent ». Cela concerne au premier plan par les jeunes et les étudiants. Les étudiants chinois - plusieurs dizaines de milliers - forment la troisième communauté étudiante en France. Désormais, tous les ressortissants chinois ayant effectué en France des études de niveau master se verront délivrer des visas de circulation de la durée maximale, soit jusqu’à de cinq ans, à l’issue de leur parcours académique, pour faciliter les allers et retours qu’ils pourraient souhaiter faire entre la Chine et la France. La Chine a de son côté annoncé que les Français qui souhaiteraient venir en Chine pour des courts séjours, des séjours inférieurs à 15 jours, seraient exemptés de visa. Une bonne nouvelle sachant que 2024 sera l’Année franco-Chinoise du tourisme culturel.  

Ces deux gestes forts en fin d’année qui concrétisent les engagements de MM. Xi et Macron et vont grandement contribuer à accroître les mobilités croisées et les échanges humains, ouvrant ainsi des perspectives nouvelles pour le prochain cycle sexagénaire qui s’ouvre. 

Par Jacques Fourrier (L’auteur est un journaliste et commentateur français basé en Chine depuis 25 ans.

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