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Macron joue la carte européenne à Beijing
Le président français Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont entamé une visite de trois jours en Chine le 5 avril qui a culminé le lendemain avec la rencontre entre le président chinois Xi Jinping et son homologue français, et la rencontre trilatérale entre M. Xi et les deux dirigeants européens. C’est la carte de l’unité européenne que M. Macron tente de jouer dans un contexte géopolitique en plein bouleversement, tentant ainsi d’insuffler plus de multipolarité et de dialogue entre les deux puissances alors que les Etats-Unis jouent la carte de l’unipolarité et de la rivalité.
Il s’agissait de rencontres très attendues puisque depuis le début de la pandémie il y a plus de trois ans, MM. Xi et Macron ne s’étaient vus qu’en marge de réunions internationales, notamment lors du G20 à Bali en novembre dernier. Pour M. Macron, cette visite était nécessaire pour « reconnecter » avec la Chine dans un contexte difficile de tensions commerciales mondiales grandissantes et de crise ukrainienne aux portes de l’Europe.
Les pays européens ont au cours de ces quatre derniers mois repris les contacts économiques et diplomatiques avec la Chine en face à face, confirmant le fait qu’un tournant se dessine dans la réflexion européenne vis-à-vis de la Chine. Il y a d’abord eu la visite du chancelier allemand Olaf Scholz et du président du Conseil européen Charles Michel en décembre dernier, suivie de la venue fin mars du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez à la conférence annuelle du Forum de Boao pour l’Asie, puis de sa visite officiellede deux jours durant laquelle il a rencontré le président Xi Jinping.
On peut constater que les relations entre la Chine et l’UE connaissent un renouveau prometteur et les trois initiatives tournées vers l’avenir du président Xi Jinping - l’Initiative de développement mondial, l’Initiative de sécurité mondiale et l’Initiative de civilisation mondiale - ont profondément influencé les décideurs politiques du monde entier. Elles reflètent le désir inhérent de la Chine d’établir une communauté de destin pour l’humanité à travers des valeurs et des responsabilités partagées. Le monde a d’ailleurs commencé à prendre au sérieux cette notion cruciale comme en témoigne le rôle capital joué par la Chine dans la détente entre l’Iran et l’Arabie saoudite, une médiation qui a considérablement renforcé la crédibilité de la Chine en tant que pays épris de paix qui recherche la paix et la stabilité par le dialogue et la négociation. Concernant la crise ukrainienne, il convient aussi de rappeler la liste de 12 points sur la « position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne » qui prône une paix acceptable par tous, appelle aussi à ne pas cibler les populations ou les infrastructures civiles, et demande de ne pas recourir à l’arme nucléaire.
C’est dans cet arrière-plan stratégique que s’effectue la visite de M. Macron. Dans son allocution aux Français de l’étranger dans la soirée du 5 avril, il a évoqué le but de son voyage et les objectifs poursuivis. Il a tout d’abord rejeté d’emblée le « scénario » du découplage avec la Chine, rappelant les liens qui unissent la France, l’UE et la Chine, préférant consolider le dialogue sino-européen. Il a ensuite abordé la crise ukrainienne et estimé que la Chine peut jouer un « rôle majeur » dans sa résolution tout en saluant le « plan de paix » chinois. Les aspects commerciaux et de coopération sont évidemment à l’ordre du jour, le président français parlant de rééquilibrer les échanges tout en approfondissant la coopération, notamment dans les questions de l’environnement, de la biodiversité et de la lutte contre le changement climatique.
D’autres annonces ont également été faites qui témoignent de l’amélioration de la relation entre les deux pays. Alors que la France se classe au troisième rang des relations commerciales Chine-UE en termes d’investissement total et de volume d’échanges en 2021, elle est loin derrière l’Allemagne. Cette visite a donc le potentiel de renforcer la profondeur et l’étendue de la coopération commerciale sino-française, stimulant ainsi davantage les liens économiques sino-européens dans leur ensemble. Pour la Chine, une relation commerciale sino-française accrue peut améliorer grandement la confiance des investisseurs étrangers dans la stabilité du marché chinois. Ainsi, Airbus va installer une seconde ligne d’assemblage à Tianjin, doublant sa capacité de production d’A320. On notera aussi l’accord entre l’armateur marseillais CMA-CGM, le numéro un chinois Cosco et le port de Shanghai pour la fourniture de bio-méthanol. Sur le plan culturel, qui a toujours joué un rôle crucial dans les relations sino-françaises, un accord a été signé entre le château de Versailles et la Cité interdite pour une exposition en 2024 sur les échanges entre la France et la Chine au XVIIIe siècle. L’exposition doit se tenir dans le cadre du 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine.
Reste la question de l’Accord global sur les investissements (AGI) entre l’Union européenne et la Chine, conclu et adopté le 30 décembre 2020, mais qui n’a toujours pas été signé et ratifié. Alors que la France et l’UE veulent « dé-risquer » leurs économies et « ne pas dépendre totalement », selon les termes de M. Macron, cet accord semble rester une pierre d’achoppement dans les relations Chine-UE. « Nous devons reconnaître que le monde et la Chine ont changé ces trois dernières années – et nous devons réévaluer l’AGI à la lumière de notre stratégie d’ensemble vis-à-vis de la Chine », avait déclaré Ursula von der Leyen le 30 mars lors de son discours sur les relations UE - Chine à l’intention du Mercator Institute for China Studies et du Centre de politique européenne.
Par Jacques Fourrier (L’auteur est un journaliste et commentateur français basé en Chine depuis plus de 25 ans)
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