Le recul de la production industrielle française, alimenté par l'explosion du coût de l'énergie consécutive au conflit russo-ukrainien, a suscité de graves craintes dans les rangs des entreprises de la France. Certaines ont déjà recours au chômage partiel tandis que le gouvernement a appelé à la "sobriété énergétique".
Les derniers chiffres de l'Institut national de la statique et des études économiques (INSEE), publiés le 9 septembre, ont été scrutés par les observateurs du secteur et les médias du pays. Presque toutes les branches de l'industrie ont enregistré une baisse d'activité. "En juillet 2022, la production baisse dans l'industrie manufacturière (-1,6% après +0,9% en juin) comme dans l'ensemble de l'industrie (-1,6% après +1,2%)", relève l'INSEE.
Plus d'une entreprise industrielle française sur deux déclare avoir subi des conséquences de la crise de l'énergie et être confrontée à des difficultés de production affectant la rentabilité. Quant aux petites et moyennes entreprises, 80% disent craindre pour leur activité, selon de récentes enquêtes.
Dans la zone euro, la production industrielle a baissé de 2,3% sur un mois en juillet, et de 2,4% en glissement annuel, selon des données publiées mercredi dernier par l'office statistique de l'Union européenne, Eurostat.
Comme le reste de l'Europe, la France est confrontée à une crise énergétique majeure dans le contexte du conflit russo-ukrainien. Le prix de l'électricité, qui dépend de celui du gaz, a explosé alors que 29 des 56 réacteurs nucléaires du pays sont à l'arrêt en raison de travaux de maintenance et de problèmes de corrosion.
En France, l'accumulation inédite de contraintes d'offre, conjuguée à la vigueur de la demande observée juste après la phase la plus aiguë de la crise sanitaire, a conduit à une envolée des prix de production dans l'industrie et l'agriculture, mais aussi dans la construction. En deux ans, entre juillet 2020 et juillet 2022, les prix de production ont ainsi augmenté d'un peu plus de 20% dans l'industrie (hors énergie), et d'un peu plus de 35% dans l'agriculture, indique l'INSEE.
"En juillet 2022, la production baisse de nouveau dans les 'autres produits industriels' (-1,7% après -0,2%). Elle se replie dans les industries extractives, énergie, eau (-2,1% après +2,4%), les biens d'équipement (-1,9%, après +2,8%) et les matériels de transport (-1,8% après +2,9%). Pour cette dernière branche, la production est en net repli dans les autres matériels de transport (-3,3% après +6,1%), tandis qu'elle rebondit légèrement dans l'industrie automobile (+0,5% après -1,6%). La production se contracte aussi dans les industries agro-alimentaires (-0,8% après +2,0%). A l'opposé, elle rebondit dans la cokéfaction-raffinage (+1,1% après -2,8%)", détaille l'INSEE.
La métallurgie, la sidérurgie, les cimenteries, la pétro-chimie mais aussi l'industrie agro-alimentaire sont particulièrement affectés.
"L'envol des prix de l'énergie va se traduire par une perte de compétitivité par rapport à l'industrie américaine et chinoise", a estimé François Geerolf, économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), dans les colonnes du journal économique Les Echos.
Les annonces de baisse d'activité, de fermetures temporaires d'usine et de recours au chômage partiel commencent à se multiplier dans le pays.
L'usine de verrerie Duralex (Centre-Val de Loire) ne fonctionnera pas pendant quatre mois à compter du 1er novembre. Elle va mettre ses 250 salariés en chômage partiel. La cristallerie Arc a adopté des mesures similaires à partir du 1er septembre (1.600 salariés sur 4.600 sont déjà en chômage partiel). Le fabricant d'ammoniac et d'ammonitrate Borealis a quant à lui indiqué qu'il allait stopper prochainement une partie de sa production sur son site de Grandpuits, près de Rouen (Normandie). Le groupe sidérurgique français Ascometal a décidé lui aussi de ralentir son activité sur ses sites industriels à Fos-sur-Mer (Provence-Alpes-Côte d'Azur) et à Hagondange (Grand Est). L'entreprise Aluminium Dunkerque réduira quant à elle sa production de 20% jusqu'à la fin de l'année.
Dans le cadre du plan de "sobriété énergétique" voulu par le président français, Emmanuel Macron, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, et le ministre délégué chargé de l'Industrie, Roland Lescure, ont réuni le 7 septembre le nouveau groupe de travail "Industrie", sous l'égide du Conseil national de l'industrie (CNI), en présence des représentants de l'industrie, des organisations syndicales, des comités stratégiques de filières, des fournisseurs d'énergie et des porteurs d'innovation industrielle.
Les processus industriels, les chaînes logistiques, l'organisation du travail au sein des entreprises seront examinés dans le but d'atteindre l'objectif de 10% de réduction de la consommation énergétique d'ici deux ans, 40% d'ici 2050. Le gouvernement français a par ailleurs annoncé un assouplissement des conditions d'accès aux aides pour les entreprises.