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Une nouvelle donne dans les relations sino-américaines est possible

French.china.org.cn | Mis à jour le 20. 01. 2021 | Mots clés : relations sino-américaines

L’investiture de Joseph Biden le 20 janvier 2021 se déroule après plus de deux mois mouvementés à l'issue de l'élection américaine du 3 novembre 2020 et de sa victoire contre le président sortant Donald Trump. Son administration va hériter de quatre années de relations tendues avec la Chine, une situation qui a perduré jusqu’à récemment puisqu’à moins d'une semaine de la fin de son mandat, le président Trump est allé jusqu'au bout dans son combat contre les entreprises chinoises en ajoutant neuf sociétés chinoises à une liste noire, dont le fabricant de smartphone Xiaomi et le conglomérat pétrolier CNOOC.  

Pour M. Biden, la tâche s’annonce immense. La Chine renoue en effet avec la croissance et en l’espace de moins de deux mois, a enregistré deux succès diplomatiques majeurs avec la signature du Partenariat régional économique global le 15 novembre, créant la plus grande zone de libre-échange au monde avec 15 pays d’Asie et d’Océanie, et la conclusion de l’Accord bilatéral d’investissement Chine-Union européenne le 30 décembre. Les Etats-Unis restent empêtrés dans la crise du COVID-19 et l’échiquier politique américain est profondément divisé. 

Dans un article publié dans la revue Qiushi le 16 janvier 2021, Wang Yi, conseiller d’Etat et ministre des Affaires étrangères, a estimé que les relations entre la Chine et les Etats-Unis « sont confrontées aux défis les plus sérieux depuis l’établissement des liens diplomatiques entre les deux pays il y a plus de quatre décennies. » Quatre années ont ainsi gravement mis à mal quarante années de relations non seulement avec la Chine, mais avec d’autres pays et organisations internationales. La question qui se pose est désormais la suivante : Joe Biden remettra-t-il les relations sino-américaines sur les rails ? Les Etats-Unis vont-ils de nouveau assumer leurs responsabilités de grande puissance sur la scène internationale ? 

S’il est certain que Joe Biden va tenter d’avoir une approche moins conflictuelle et agressive, sa marge de manœuvre reste étroite, particulièrement dans le domaine géopolitique et de la défense. Si un changement doit se produire, ce sera principalement dans la coopération. Plutôt que de contrer et d’endiguer la Chine, notamment sur l’initiative « la Ceinture et la Route », il pourrait, selon un article de la revue Foreign Policy du 15 janvier 2021, « faire en sorte que Washington devienne un partenaire attrayant plutôt qu’un donneur de leçons et un moralisateur ». Un tel retournement s’inscrirait alors dans la droite ligne de la proposition du président Xi Jinping de créer une « communauté de destin pour l’humanité ». C’est dans cet esprit que Fu Ying, ancienne vice-ministre chinoise des Affaires étrangères et secrétaire adjointe du Comité des Affaires étrangères de la 13e Assemblée populaire nationale, propose la notion de « coopétition » (coopération et compétition). « Les deux gouvernements ont des calendriers intérieurs très chargés, et même si la compétition entre la Chine et les Etats-Unis est inévitable, elle doit être gérée de manière appropriée, en coopération. Les deux pays doivent pouvoir développer une relation de ‘coopétition’ en répondant à leurs préoccupations mutuelles », a-t-elle écrit dans un éditorial du New York Times le 24 novembre 2020. 

Il ne dépend que des Etats-Unis que les relations sino-américaines retrouvent un semblant de normalité. Un tel processus pourrait être accéléré par la volonté affichée par Joe Biden de rejoindre le cadre multilatéral et de permettre aux Etats-Unis d’assumer de nouveau leurs responsabilités de grande puissance après les déconvenues de ses quatre dernières années, qu’il s’agisse du retrait américain de l’UNESCO et de l’Accord de Paris sur le climat, ou plus récemment, en juillet 2020, de l’annonce de la procédure de retrait de l’Organisation mondiale de la santé. M. Biden a déjà annoncé que les Etats-Unis réintégreraient le cadre de l’Accord de Paris dès février 2021, laissant entendre que la lutte contre les changements climatiques serait l’une des priorités de son administration. Une décision symbolique qui pourrait en annoncer d’autres, sachant que les Etats-Unis doivent désormais donner des gages de confiance à la communauté internationale. Le contexte de l’épidémie de COVID-19 pourrait leur fournir l’occasion de faire preuve de bonne volonté et d’appeler à la coopération internationale aux côtés de la Chine et de l’Union européenne, notamment pour aider les pays en développement à faire face à leurs difficultés pressantes pour obtenir des vaccins, et à terme, aux conséquences socioéconomiques. Au cours de sa campagne, Joe Biden s’était d’ailleurs engagé à rejoindre l’OMS s’il était élu. Cette coopération pourrait remettre de l’huile dans les rouages du multilatéralisme, quelque peu grippés après quatre années de présidence de M. Trump, et favoriser l’avènement d’une communauté de destin pour l’humanité, telle que la propose le président chinois Xi Jinping. 

A l’heure où l’échiquier mondial se redessine de manière plus claire, le développement et la sécurité sont devenus les thèmes majeurs de l’époque dans un contexte plus poussé de multilatéralisme et de globalisation, reléguant l’hégémonisme et l’isolationnisme dans les oubliettes de l’histoire. Alors que la Chine et l’Union européenne se tournent désormais dans la même direction et progressent ensemble, faisant le choix d’une coopération de plus en plus poussée, et entraînant dans leur sillage de plus en plus de pays, les Etats-Unis ne peuvent plus se permettre d’ignorer ou de lutter contre la tendance de l’époque. Les initiatives chinoises partagées avec d’autres pays – dont « la Ceinture et la Route » est le symbole – et le concept de communauté de destin pour l’humanité sont accueillis favorablement et salués par la communauté internationale : l’administration de M. Biden peut choisir de jouer un rôle majeur dans la réussite des premières et l’avènement du second pour un résultat gagnant-gagnant. La balle est donc dans le camp américain. 


par Jacques Fourrier (L’auteur est un journaliste et commentateur français basé à Beijing)


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Source:french.china.org.cn