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Rencontre Macron-Poutine : vers un réchauffement des relations entre la France et la Russie

French.china.org.cn | Mis à jour le 21. 08. 2019 | Mots clés : Macron,Poutine,



Le président russe Vladimir Poutine s'est rendu en France le 19 août et a rencontré le président français Emmanuel Macron au Fort de Brégançon. Dans le contexte de l'ajustement de la politique étrangère de la France et de la promotion du multilatéralisme, la visite de M. Poutine est le signe d’un réchauffement des relations entre la France et la Russie. Cinq jours après cette rencontre, M. Macron présidera le sommet annuel du G7 et négociera le repositionnement des relations entre l'Occident et la Russie. Cette rencontre entre MM. Macron et Poutine revêt par conséquent une grande importance pour la géopolitique européenne.

Au cours de ces dernières années, les relations entre les deux pays avaient été tendues en raison des désaccords sur l'Ukraine et sur la Syrie notamment, mais les contacts entre les dirigeants des deux pays n'avaient pas été interrompus. Après l’arrivée de M. Macron à la présidence en 2017, les deux parties s’étaient rencontrées lors du sommet annuel du G20. M. Poutine a été chaleureusement accueillie par le couple Macron à l’occasion de cette visite et les deux dirigeants se sont entretenus pendant quatre heures et demie.

Bien que les différences entre les deux parties sur la question syrienne et sur les droits de l'homme persistent, elles se sont atténuées sur la question ukrainienne. M. Poutine a déclaré que certaines des propositions avancées par le nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky méritaient d'être discutées. M. Macron veut promouvoir la tenue d’un sommet dans le cadre du mécanisme du « modèle de Normandie » avec la France, l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine. Les deux parties ont fait preuve de la plus grande volonté d'accélérer le rythme de rapprochement de l'Europe avec la Russie. M. Poutine s’est félicité du retour de la Russie au Conseil des représentants de la Commission européenne, estimant que la France jouait « un rôle important, voire crucial ». M. Macron a dit qu'il assisterait aux célébrations du 75ème anniversaire de la victoire de la guerre antifasciste à Moscou en mai prochain. Il est le seul dirigeant occidental à accepter l'invitation. Les commentateurs internationaux ont généralement indiqué que cette réunion laissait apparaître des signes de renforcement des relations entre la France et la Russie.

Les résultats obtenus au cours de cette rencontre entre MM. Macron et Poutine revêtent des significations multiples et affecteront l’orientation des relations UE-Etats-Unis, EU-Russie et Etats-Unis-Russie. Le réchauffement des relations franco-russes est le résultat de la diplomatie multilatérale française, le multilatéralisme correspondant à l'adaptation politique de la réponse de M. Macron face aux incertitudes de la situation internationale 

La diplomatie multilatérale de M. Macron

Après la Seconde Guerre mondiale, l'OTAN constituait le lien entre les deux rives de l'océan Atlantique et l’instrument du contrôle américain sur l’Europe. Le président français Charles de Gaulle n'était cependant pas disposé à agir comme le laquais des États-Unis et avait quitté le commandement militaire intégré de l'OTAN en 1966. Ce geste avait préservé l'indépendance de la politique étrangère et avait été acclamé par la communauté internationale. Après la fin de la guerre froide, en particulier sous le gouvernement du président américain Barack Obama, l'UE et les Etats-Unis avaient été confrontés à de nombreux nouveaux défis. En 2009, le président français Sarkozy avait ainsi décidé le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN, et les relations entre la France et les Etats-Unis et entre l’UE les Etats-Unis s’étaient améliorées.

M. Trump, une fois en poste, a adopté une attitude de mépris à l'égard de l'UE et a exigé que celle-ci assume les dépenses militaires de l'OTAN. M. Macron a initialement pensé que ce n’était qu’une impulsion passagère de M. Trump, faute d’expérience diplomatique. Il a donc tenté d’apaiser les relations entre les deux pays en accueillant chaleureusement M. Trump en visite en France. Les faits montrent cependant que M. Trump a adopté une position ferme en défiance des alliés européens concernant le traité de Paris sur le climat, l'accord sur le nucléaire iranien et la question syrienne, et a même menacé d’adopter des sanctions économiques et de mener une guerre commerciale contre l’UE. Les initiatives fantasques de M. Trump sous la bannière « America First » sont en réalité une manifestation de l'unilatéralisme et de l'hégémonisme. M. Macron s’est rendu compte que les concessions et la tolérance à l’égard de M. Trump n'avaient aucun sens, et que seule l’adoption d’une attitude diamétralement opposée pouvait sauvegarder ses propres intérêts. Il a ajusté à cette fin la stratégie diplomatique française. En réponse à l’unilatéralisme américain, la bannière de M. Macron a clairement indiqué que la France prônait le multilatéralisme dans les affaires internationales. Aujourd'hui, le multilatéralisme est devenu le « mantra » de la diplomatie française. Certains commentateurs pensent qu'il s'agit d’un retour au gaullisme. 

En défendant le multilatéralisme, la diplomatie française doit s’adapter en conséquence, et le repositionnement de la relation avec la Russie constitue un élément important de cet ajustement. Après la fin de la guerre froide, l’Occident a adopté une stratégie consistant à souffler le chaud et le froid à l’égard de la Russie, tentant de placer la Russie sur une voie bien tracée. M. Poutine, après son arrivée au pouvoir, a fait preuve de fermeté face à la pression occidentale. En 2014, en particulier, la Russie a publiquement soutenu les forces antigouvernementales ukrainiennes et réintégré la Crimée, une région stratégique. Les relations de la Russie avec l’Occident ont été ouvertement rompues et la Russie a été exclue du G8. La position de la France à l’égard de la Russie diffère de celle des Etats-Unis. Ces dernières années, malgré les graves divergences sur l’Ukraine, sur l’accord nucléaire avec l’Iran et sur la situation en Syrie, la France a accordé plus d’attention à la participation de la Russie aux questions de sécurité européenne et a plaidé pour la résolution du conflit par le dialogue, au lieu d’essayer de contraindre la Russie à se soumettre par la force comme les Etats-Unis.

Après l’arrivée au pouvoir de M. Trump, l’alliance euro-américaine en a été sérieusement affectée. Les questions de la « coquille vide » de l’OTAN et de la sécurité européenne étaient plus prégnantes pour les Européens, et le repositionnement des relations franco-russes devenait une priorité absolue. Dans une interview accordée aux médias suisses en juin de cette année, M. Macron l’avait souligné : « Si je prône le multilatéralisme, c’est que l'Europe doit rétablir des règles de confiance et de sécurité avec la Russie, ce qui ne doit pas nécessairement être réalisé dans le cadre de l'OTAN ». La France espère construire avec la Russie une plateforme de dialogue pour la sécurité stratégique et la géopolitique qui va au-delà des problèmes spécifiques de l’Ukraine, de l’Iran et de la Syrie. En un sens, cette relation relève d’une tendance qui vise manifestement davantage les Etats-Unis.

La France souligne son rôle politique unique

Pour M. Poutine, la France et même l'Europe ont toujours été un bon atout en main. La Russie et l'Europe sont géographiquement proches et ont des intérêts sécuritaires proches. L'Europe a des intérêts stratégiques différents de ceux des Etats-Unis et il existe des différences d'attitude envers la Russie. Lorsque la question de la Crimée a conduit au boycott collectif occidental de la Russie, la France avait profité de la commémoration du 70ème anniversaire du débarquement en Normandie pour aider M. Poutine à briser son isolement diplomatique et avait établi le mécanisme de négociation du « modèle de Normandie » – à savoir la France, l'Allemagne, la Russie et l'Ukraine – pour résoudre le problème ukrainien. La France est devenue l'unique pont entre la Russie et l'Occident et la valeur stratégique des relations franco-russes est une évidence. Après son arrivée au pouvoir, M. Trump a rompu le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire et s'est retiré de l'accord sur le nucléaire iranien, ce qui a eu de profondes répercussions sur les relations russo-américaines, les perspectives étant difficiles à déterminer. Les tensions entre l'EU et les Etats-Unis donnent à la Russie l'occasion d'affaiblir le rôle de l'OTAN et de participer aux mécanismes de sécurité européens, comme le souhaite Moscou. A l'heure actuelle, alors que l'UE elle-même rencontre de nombreuses difficultés, seule la France tire son épingle du jeu et est seule à jouer un rôle central et décisif au sein de l'UE. M. Macron est donc devenu un candidat sur lequel la Russie peut fermement s’appuyer. Comme l'ont souligné publiquement les diplomates moscovites, M. Macron est désormais « un représentant de la collectivité occidentale ».

Cinq jours après cette visite de M. Poutine en France, le sommet du G7 se tiendra à Biarritz, une ville de l’ouest de la France. En tant que représentant de ce collectif occidental, M. Macron a préalablement communiqué avec la Russie, puis va exposer la position de la Russie aux alliés occidentaux lors du sommet du G7 afin de définir conjointement une politique à l'égard de Moscou. Cette visite de M. Poutine en France laisse par conséquent présager de la configuration de l’avenir des relations Etats-Unis-Russie et UE-Russie. En tant qu'hôte du sommet du G7, la France redeviendra le seul lien entre l'Occident et la Russie et son rôle politique unique sera davantage mis en valeur.  

Par Shen Xiaoquan, chercheur au Centre de recherche mondial des questions contemporaines mondiales de l’agence de presse Xinhua. L'auteur est le seul responsable des opinions exprimées. Le site french.china.org.cn ne pourra en aucun cas être tenu pour responsable de son contenu.

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Source:french.china.org.cn