Un forum plein d’opportunités pour la Chine et la Russie

La Chine et la Russie ont une opportunité unique de stimuler leur commerce énergétique, ainsi que leurs échanges globaux, en ajoutant le gaz naturel au pétrole en tant que « deuxième roue » à leur « wagon de la coopération énergétique » dans un contexte de guerre commerciale grandissante entre la Chine et les Etats-Unis, notaient lundi des analystes chinois.

Ces commentaires ont été prononcés quelques jours avant le 2^e Forum sino-russe du secteur de l’énergie, qui se déroulera à Saint-Pétersbourg d’ici la fin de la semaine. Selon les rapports des médias, les expéditions de gaz naturel du géant étatique russe de l’énergie, Gazprom, vers la Chine se feront par le biais du gazoduc « Force de Sibérie » à partir du mois de décembre. 

Ce forum se déroulera alors que la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis, les deux plus grandes économies au monde, est entrée dans une phase intense, avec la Chine procédant à des droits de douane de représailles sur 60 milliards de dollars (53 milliards d’euros) de marchandises américaines en réponse aux droits de douane des Etats-Unis sur près de la moitié de leurs importations depuis la Chine. 

Le gaz naturel liquéfié (GNL) américain fait désormais l’objet de droits de douane à 25 %, le taux le plus élevé dans les contre-mesures chinoises. 

D’après Zhang Hong, un chercheur de l’Institut de Russie, Europe de l’Est et Asie centrale affilié à l’Académie des sciences sociales de Chine (ASSC), la coopération terrestre en matière d’énergie entre la Chine et la Russie sera une mesure renforçant la sécurité de la Chine, qui fait l’expérience des risques externes engendrés par la guerre commerciale. 

« L’expédition de gaz naturel russe par pipeline devant se dérouler en décembre ajoutera également une toute nouvelle roue au wagon sino-russe du commerce énergétique, qui a jusqu’à présent été dominé par le commerce du pétrole. […] Ce wagon sera [désormais] conduit sur deux roues », note-t-il.

Sur les trois dernières années, la Russie a dépassé l’Arabie saoudite en tant que premier fournisseur de pétrole de la Chine.

Par ailleurs, le commerce du gaz naturel par pipeline devrait être un véhicule puissant pour aider les deux pays à atteindre leur objectif ambitieux de renforcer le commerce bilatéral à 200 milliards de dollars d’ici 2024. En 2018, le commerce bilatéral a juste passé la barre des 100 milliards de dollars, selon les données du ministère chinois du Commerce (MOFCOM). 

« Il existe des goulets d’étranglement dans cet objectif de 200 milliards de dollars, car la taille économique de la Russie pourrait ne pas être capable d’absorber beaucoup en ce qui concerne les exportations chinoises. [Toutefois], l’échelle massive des exportations de gaz naturel de la Russie vers la Chine injectera de la stabilité dans la dynamique visant à atteindre un objectif aussi ambitieux », explique Zhang Hong. 

Gazprom, le plus grand exportateur de gaz naturel au monde, multiplie ses efforts pour achever d’ici la fin 2019 la construction de son pipeline « Force de Sibérie » long de 4000 km, qui lui permettrait de livrer à la Chine jusqu’à 38 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an d’ici 2025

Gazprom va débuter ses expéditions par pipeline le 1er décembre, a fait savoir Alexeï Miller, le directeur général de Gazprom, lors d’un évènement qui s’est déroulé en mars à Beijing : « 2019 est une année significative pour la Russie et la Chine. Une nouvelle ère de notre coopération dans le secteur de l’énergie débute cette année », a-t-il déclaré.

D’après Zhang Hong, la Chine pourrait se tourner vers des achats énergétiques américains, lorsque le conflit commercial entre les deux pays sera terminé. Le temps pour réaliser des accords entre la Chine et la Russie est donc précieux.

« Il y a actuellement une fenêtre d’opportunités pour signer des accords, trop précieuse pour être gâchée par la Russie », explique-t-il. 

Selon un rapport de la société BP, la Chine est le premier consommateur mondial d’énergie et elle devrait rester dans cette position jusqu’en 2040. En 2018, la Chine était le plus grand importateur de pétrole brut et de gaz naturel au monde.

Impact sur les Etats-Unis

Avec l’escalade de la guerre commerciale sino-américaine, le forum à Saint-Pétersbourg est une opportunité pour la Chine et la Russie de développer une compréhension mutuelle, de générer des modèles spécifiques de coopération et d’accélérer des projets qui avançaient jusqu’à présent au ralenti : « [Cette guerre commerciale] peut effectivement relancer les projets sino-russes, qui étaient originellement suspendus ou pour lesquels la priorité n’était pas donnée », explique Jin Lei, un professeur associé de l’Université du Pétrole de Chine. 

« Il y a de grandes attentes vis-à-vis de ce forum, car des accords de principe comme des accords concrets devraient y être signés », note-t-il, ajoutant que des questions comme l’augmentation des importations de pétrole russe en Chine pourraient également être abordées et des accords signés étant donné la situation actuelle en Iran, qui fait l’objet de sanctions par les Etats-Unis.

La Chine considérait les Etats-Unis comme une source viable d’importation pour sa sécurité énergétique, jusqu’à ce que la guerre commerciale éclate en 2018. Par la suite, les importateurs chinois ont largement évité le gaz naturel et le pétrole brut des Etats-Unis.

« En tout juste un an ou deux, les importations de gaz naturel russe permettront de combler le vide laissé par les exportateurs américains de gaz naturel à leur niveau de 2017 », explique Jin Lei. Selon lui, les expéditions russes de gaz naturel par pipeline pourraient atteindre les 5 milliards de mètres cubes dans un premier temps et augmenter jusqu’à 38 milliards de mètres cubes en cinq ans environ. 

« Cette tendance va sérieusement affecter le plan de domination énergétique des Etats-Unis, car le pays vient tout juste de passer [du statut] d’importateur net d’énergie à exportateur net d’énergie, s’efforçant d’explorer de nouveaux marchés », note-t-il.