L'interdiction de Huawei par l’administration Trump se retournera contre elle

Dans le contexte d’intensification du blocage du géant chinois des télécommunications Huawei par Washington, des voix rationnelles se font de plus en plus entendre en Occident.

Des talents occidentaux, en particulier ceux des industries de haute technologie, ont progressivement compris qu'une interdiction ne pouvait rien résoudre. Une concurrence favorable est au contraire la clé du développement à long terme. Dans un article publié par FastCompany le 8 mai, Nicholas Negroponte, directeur et cofondateur de MIT Media Lab, a détaillé les effets néfastes de l'interdiction de Huawei.

Considérant le statut de Huawei en tant que cinquième investisseur en recherche et développement dans le monde, les mesures punitives infligées à la société chinoise impliquent aussi l'exclusion d'une source majeure de créativité du secteur technologique américain.

En raison de la réduction de la concurrence, les consommateurs devront payer davantage pour des produits et des services de qualité inférieure, et le pays dans son ensemble ne pourra réaliser les progrès technologiques auxquels il aurait pu parvenir.

« C’est particulièrement vrai dans des endroits comme mon université, le MIT, qui a dû interrompre ses recherches avec Huawei, notre partenaire le plus avancé dans le domaine des télécommunications », a souligné M. Negroponte dans son article.

En outre, comme l'a prévenu M. Negroponte, l'interdiction imposée contre Huawei découragera les entreprises de télécommunication sans fil américaines de moindre envergure d'étendre leurs réseaux, car elles devront choisir entre Ericsson et Nokia pour leur équipement. Certains opérateurs américains seront même acculés à la faillite après avoir annulé leurs accords avec Huawei.

Ce sont les Américains ordinaires qui feront les frais de l'interdiction de Huawei imposée par l'administration Trump. La contraction des activités des petites entreprises technologiques peut entraîner une baisse du taux d’emploi. Pire encore, le manque de connexions de données fiables risque d’entraîner des pertes directes pour les agriculteurs américains.

Howard Yu, professeur en management et innovation à l'IMD Business School de Lausanne, en Suisse, pose comme hypothèse à long terme dans son article « Pourquoi les peurs de l’Occident à l’égard de Huawei pourraient se retourner contre lui », que l'interdiction de Huawei « risque de créer un monde divisé en deux ».

Tout pays défavorisé est appelé à devenir un client fidèle de quiconque lui fournit de meilleurs services et des produits à moindre coût. En ce sens, l’interdiction de Huawei n’empêchera pas la Chine de dominer la 5G et l’intelligence artificielle, et réduira simplement l’influence des États-Unis sur la scène mondiale.

Bloquer Huawei est purement politique et n'a rien à voir avec la sécurité nationale. Le géant chinois des télécommunications est connu dans le monde entier pour son bilan sans tache de 30 ans en matière de cybersécurité.

Negroponte a indiqué qu'aucun des plus de 500 clients de la société n'avait jusqu'à présent connu de violation de la sécurité, ajoutant de plus que les recherches de pointe de la société chinoise étaient largement copiées dans le monde entier.

Face à un rival aussi concurrentiel que Huawei, la meilleure solution pour les États-Unis est l’ouverture plutôt que le blocage. Et puisqu’une interdiction ne donne que des résultats néfastes multiples, les États-Unis devraient apprendre à coexister avec Huawei dans une compétition bienveillante.

« Testez, n'interdisez pas », a conseillé M. Negroponte à la Maison Blanche. « Une meilleure approche consisterait à tester -de manière rigoureuse et complète- le code logiciel de tous les fournisseurs entrant dans les réseaux américains ».

Au lieu d’interdire ses rivaux, les États-Unis devraient mettre en place une norme unifiée pour décider si la technologie d’une entreprise est digne de confiance, et une approche globale, comme le pense M. Negroponte, est une condition préalable à la mise en place d’un réseau numérique sécurisé aux États-Unis.